On nous ment ! Et c'est les deux pieds dans le plat que nous allons de suite rétablir une vérité : le serpent qu’utilise Lucas dans son moveset de Super Smash Bros Brawl (Smash Bros dans lequel le personnage fait sa première apparition en 2008, élevant les représentants de la série Mother au nombre ahurissant de deux), n’a rien à faire entre ses doigts… C’est une honte ! Un scandale ! Et pourquoi ne pas donner l’Ectoblast de Luigi à Mario, pendant qu’on y est ?! (j'avais juste le besoin de parler un peu de Smash, merci).
Etant donné la similarité structurelle entre Mother 2 (EarthBound, dont j’ai rédigé la critique juste avant celle-ci) et Mother 3, il y a plusieurs éléments qui incombent aux deux jeux sur lesquels je ne reviendrai que brièvement, au profit d’une attention plus attentive à ce qui différencie les deux titres.
Si vous n’êtes pas du tout familier avec l’univers de Mother,
n’hésitez pas à aller jeter un coup d’œil à ma critique précédente. Sur ce, bonne lecture !
La vie d’un joueur est parfois transit de moments démotivants. Jeu après jeu, la lassitude s’installe, nos goûts se forgent, se précisent, et il arrive que nous finissions par avoir l’impression de toujours vivre la même aventure, de penser que plus rien ne nous surprendra jamais.
Peut-être avons-nous tout juste grandi ? Peut-être que c’est ça, devenir adulte ? Ou peut-être est-ce le jeu vidéo lui-même qui a fondamentalement changé ? Peut-être, est-ce dû à notre époque ? Une époque où l’inspiration viendrait à manquer à nos chers créateurs ? Peut-être devrions nous nous en tenir aux jeux que nous chérissions dans le passé ? A nos valeurs sûres qui, de toute façon, ne nous décevrons pas ?
Et parfois, sorti de nulle part, se produit un miracle. Un miracle qui pourrait bien nous changer pour de bon. Un miracle qui pourrait relancer notre enthousiasme et affûter notre curiosité, pour partir à la recherche de ces jeux susceptible de nous dépayser, de nous mettre la claque que nous pensions plus possible.
La patience est un plat qui se mange sans sauce
Avez-vous déjà été tellement absorbé par une licence que vous avez ressenti le besoin d’en faire absolument tous les épisodes dans leur ordre de parution, quand bien même, parmi eux, certains ne sont jamais sortis dans votre langue ?
Le premier opus de la saga Yakuza (PS2) est sorti en Europe en 2006, avec des voix doublées en anglais et des sous-titres français. Le jeu est arrivé en Europe, oui, mais pas sans souffrir au passage d’une amputation de contenu sous forme d’activités annexes, qualifiées de « trop japonaises » pour les occidentaux.
Le titre n’ayant pas été considéré comme un succès commercial hors de l’archipel, les opus suivants sortirent chez nous dans leur doublage d’origine (japonais), avec des sous-titres qui se sont arrêtés à la localisation américaine (en anglais), et bien souvent, des coupures de contenu.
Il est même arrivé que certains opus sortent en occident seulement en digital, des années après leur date de parution d’origine, et encore, lorsqu’ils voulaient bien sortir du Japon. Heureusement, la situation a bien évolué depuis, grâce au soutien sans relâche des fans occidentaux.
Bonne nouvelle ! Les jeux du studio sortent actuellement avec des sous-titres en français, le choix entre les doublages anglais ou japonais, et très peu de délai avec la sortie japonaise (le dernier exemple en date étant le spin off Lost Judgement, sorti en décembre 2021). Tout est bien qui finit bien, pas vrai ?
L’ironie du sort, c’est qu’en 2006 naquît également Mother 3 sur Game Boy Advance qui, hélas, n’a vraisemblablement pas bénéficié du même traitement que son contemporain.
Avis de recherche
Le fleuve ruisselant sur lequel ballotte ma vie de joueur fut maintes fois ponctué de titres d’allure inaccessible, affublés d’épais tissus brodés d’hiragana, de katakana, et de kanji. Et si j’ai fini par me lancer à la conquête de titres arrêtés à l’étape de la langue de Shakespeare, le défi représenté par l’ascension de la langue japonaise était, je dois dire, autrement plus effrayant.
Et pourtant, s’il y a bien un jeu qui m’a motivé comme jamais à
apprendre le japonais, c’est bien Yakuza.
Mother 3 est un jeu qui, tout comme Yakuza, possède une belle brochette de fans dévoués prêts à batailler, couteau entre les dents, pour obtenir une localisation occidentale à coup de pétitions et de prières répétées à Nintendo. Malgré un combat acharné pour faire valoir l’intérêt que portent les joueurs occidentaux pour le titre, ces derniers n’obtinrent jamais aucune réponse susceptible de satisfaire leur désir le plus précieux, la balle étant restée coincée dans le camp de l’éditeur.
Qu’à cela ne tienne, c’est alors que certains fans se retroussèrent les manches et mirent sur pied de multiples traductions non officielles du jeu, en anglais tout d’abord (la plus connue étant certainement celle d’un certain Tomato et de l’équipe Starmen.net, sortie en 2008), puis finalement en français (par l’équipe de Mother3vf, en 2016), qui participèrent grandement à la solide réputation du titre en occident (merci les gars).
Et si la bataille continue toujours de plus belle en vue d’une localisation officielle du jeu sur les supports actuels, il est désormais enfin possible de taquiner plus aisément l’ultime chapitre du sacrosaint Mother, à l’ombre des étalages des grands magasins.
Mother 3 est loin d’être un cas à part : Fire Emblem The Binding Blade/Sword of Seals et F-Zero Climax font également une absence remarquée du catalogue de la région PAL/USA de la
GBA, à croire que les trilogies de la console subissent le coup du sort en occident.
EarthBound 64
A l’origine, c’est la Nintendo 64 qui devait accueillir Mother 3, dont l’ambition se voulait grande. Le titre avait été pensé pour tirer parti des capacités d’un périphérique externe de la console, le 64DD (japan only), qui permis notamment de mettre sur pied des versions améliorées de jeux 64 (le 64DD donnait accès à un plus large espace de stockage que dans une cartouche classique).
F-Zero X fut l’un des plus célèbres exemples de titre ayant eu droit à son extension à partir du support, ajoutant un éditeur de véhicules et de circuits à disposition du joueur (entre
autres améliorations).
Malgré une idée pouvant sembler prometteuse, le 64DD n’aura pas connu le succès escompté au japon. Nintendo souhaitant dès lors regrouper ses efforts autour de l’arrivée prochaine de la Gamecube, le périphérique ne parvint pas en Occident, et Mother 3 (en l’an 2000), fut annulé dans la foulée.
En définitive, c’est sur GBA que le projet verra l’heureux jour au japon, en 2006 (le jeu sera par la suite uniquement porté en 2015 sur la console virtuelle japonaise de la Wii U… Pauvre de nous).
Les Enfants terribles
Mother 3 est une œuvre inspirée d’un roman français intitulé Le Grand Cahier, premier tome de la Trilogie des Jumeaux d’Agota Kristof. J’ai trouvé ça assez cocasse dans la mesure où Metal Gear Solid (qui partage un amour assuré pour le quatrième mur avec la série Mother), a lui aussi prêté appui sur une oeuvre française écrite par Jean Cocteau.
Pour la petite anecdote (eh oui, d’emblée) : il existe dans le monde de Mother 3 un objet appelé « Magazine DCMC » qui, lorsqu’il est envoyé au bon adversaire, occupera ce dernier pendant plusieurs tours, de la même manière qu’un soldat de Metal Gear Solid sera fasciné par un magazine cochon lancé à ses pieds par le joueur.
Mother 3, c’est avant tout l’histoire de deux jumeaux au caractère bien différent (tout comme dans Metal Gear Solid). Et à l’image de ses protagonistes, EarthBound (Mother 2) et Mother 3 sont à la fois semblables et diamétralement opposés :
- En son temps, EarthBound s’est distingué (en partie) par ses environnements urbains qui dénotaient franchement de l’écrasante majorité des mondes de JRPG habillés de décors médiévaux. Elément au coeur de l’ADN de l’oeuvre, il me paraissait compliqué d’imaginer l’univers du jeu dans un autre contexte. Et pourtant, Mother 3 ne s’est pas fait prier pour amener le joueur au dépaysement, venant ancrer son récit dans un monde imaginaire peuplé de créatures fantastiques. Exit bicyclettes, distributeurs automatiques, téléphones, et tout autre élément urbain qui rappellent les villes de notre monde réel.
- Là où on pourrait percevoir EarthBound comme une comédie burlesque, Mother 3 quant à lui se verrait plutôt qualifié de tragédie, bien que l’humour loufoque qui caractérise la série fasse toujours la sève de l’aventure. Cette dernière met d’ailleurs davantage l’accent sur le scénario que son prédécesseur. La narration est notamment ponctuée de flashbacks ou d’ellipses, du jamais vu jusqu’ici pour la série Mother.
- De la même manière que l’histoire du jeu, la musique dans Mother 3 est beaucoup plus triste et nostalgique, relatant avec brio les évènements qui s’y déroulent. La musique a toujours occupé une place primordiale dans les Mother, à tel point qu’il est possible de consulter chaque piste du jeu dans une des sections du menu principal. En y repensant, c’est assez cool d’imaginer un jeu qui permet de repenser sa GBA comme un baladeur MP3, même si j’imagine au final que pas grand monde ne l’a utilisé de cette manière.
- EarthBound, qui avait pris place sur console de salon (SNES), semble avoir été pensé pour des sessions relativement longues ; contrairement à Mother 3, sorti sur console portable (GBA), qui semble d’avantage orienté vers des parties mesurées. En effet, le jeu est découpé en chapitres, ce qui lui permet de raconter les péripéties de nos personnages de manière subtile, et qui fera certainement penser certains joueurs à la structure narrative de Dragon Quest IV, ce qui n’est guère étonnant quand on repense aux liens étroits qu’entretiennent les deux séries (pour info, j’ai terminé Mother 3 en 25h, là où j’ai mis le double de temps pour EarthBound).
- Le terrain de jeu de Mother 3 se veut moins étendu et plus linéaire que celui de EarthBound. A ce propos, il existe un personnage qui, lorsqu’on parvient à le dénicher (et ce n’est pas bien dur), nous indique sur la carte la position de notre objectif.
Une bonne chose à savoir, c’est que les histoires de EarthBound (Mother 2) et de Mother 3 ne sont pas directement liées sur le plan scénaristique (à une exception près), pas plus que Mother 1 et EarthBound ne sont des suites, ce qui permet à chacune d’être appréciée de manière indépendante.
En revanche, Mother 3 place tout de même quelques références à EarthBound pour récompenser les fans assidus. Comme très souvent, jouer aux jeux d’une série dans l’ordre de parution est la manière optimale d’approcher l’expérience d’une œuvre pour celui qui a du temps à lui consacrer.
Sachez néanmoins que la démarche chronologique est loin d’être indispensable pour le cas présent, même si, pour des raisons évidentes d’évolution du confort de jeu d’un point de vue gameplay, il sera plus difficile de revenir sur EarthBound après avoir connu Mother 3 pour les joueurs les moins rétro d’entre nous.
Une majorité d’adeptes semblent considérer Mother 3 comme l’épisode joyau de la série, mais le caractère inaccessible de cet ultime voyage participe peut-être aussi à la légende qui l’entoure. Pour ma part, les deux jeux me paraissent tellement différents dans leur approche des choses qu’il m’est impossible de définir avec conviction l’ascendance d’un épisode sur l’autre. En revanche, moi qui accorde beaucoup d’importance à la narration d’une œuvre et à la mise en scène, je pense pouvoir dire sans trop me fouler que Mother 3 m’a fait un tantinet plus d’effet qu’EarthBound.
En parlant de scénario, en voici un brin :
Sur les îles de « Nowhere Islands » (les « Îles de Nullepart » en bon français), réside un village qui vivait en harmonie avec la nature. Tazmily, tel qu’il avait été nommé, abritait en son sein quelques habitations, construites en bois, un peu à la manière d’un décor de Western.
Dans ce village logeaient une poignée d’habitants fort bienveillants les uns envers les autres, un village paisible et intimiste d’apparence où tout le monde se connaissait et se rendait régulièrement service.
Pour ainsi dire, les geôles de Tazmily n’avaient jamais été occupées depuis l’histoire de leur création, et l’unique hôtel qui s’y trouvait ne cessait d’accueillir quiconque avait besoin d’un refuge pour la nuit, de manière totalement bénévole.
C’est alors qu’un jour pas comme les autres, une mystérieuse troupe de soldats débarquèrent sur l’île tout droit sorti de leur soucoupe volante, le visage dissimulé derrière un masque de cochon.
Les hommes se présentèrent alors aux habitants du coin comme des gentlemen pleins de bonnes intentions, venus dans le but d’aider chaque être humain à trouver la voie qui mène à un bonheur certain…
C’est ainsi que débute le récit de Mother 3, dont la corrélation avec l’Histoire de notre monde réel sera encore une fois possible, de la même manière que certains évènements tirés de EarthBound ont pu s’en inspirer.
Full Metal Mother
Une fois de plus, le jeu se veut garant d’un pastiche de la société telle que nous l’avons vu évoluer dans nos ouvrages scolaires. Lorsque je me penche sur la tournure que prennent les évènements introduits par l’aventure, je ne peux m’empêcher d’y entrevoir la conquête de l’Ouest et le chemin qui mena vers l’industrialisation du monde qui a pris corps les décennies suivantes.
En effet, nous voyons peu à peu le village de Tazmily se transformer en ville moderne, avec son lot d’autoroutes qui fleurissent au gré du temps qui passe, et ses immeubles pour lesquels on a troqué le bois pour l’acier.
Le vice de la démarche nous sera alors présenté plus tard, lorsqu’on se rend compte que ce nouvel essor technologique poursuivra son chemin jusque dans la mécanisation de la faune qui occupe l’archipel.
Un des exemples les plus probants de ces hommes qui jouent avec les lois de la nature jusqu’à dépasser les limites du raisonnable peut se traduire par l’incarnation dans le jeu de l’ultime chimère, espèce animale mutante hautement agressive et fruit de multiples expérimentations scientifiques, dont la rencontre nous rappellera certainement les bonnes vielles phases de fuite chères à la formule du survival horror (notamment Resident Evil), qui permettront au titre de varier avec brio l’étendue de ses phases de gameplay (on comptera en plus de celles-ci des phases sous-marines qu’on aurait très bien pu retrouver dans un jeu de plateforme).
Par la même occasion, nous assistons simultanément, dans le cadre de la transformation de la société qui a pris place en Tazmily, à la mise en place du monde du travail et de son ouverture sur le commerce.
Le système de monnaie échangeable, plus communément appelé « argent », qui n’existait pas à l’origine dans le village, y a très vite été introduit et parvient à petit feu à
corrompre ses habitants les mois intéressés.
La notion de devises ainsi inculquée aux habitants, c’est également l’occasion
pour nos bourreaux de promouvoir un commerce de « boîtes à bonheur » (qui ressemblent étrangement aux télévisions de notre monde), et d’instaurer de manière plus large une civilisation adepte du divertissement de masse, notamment via la construction de clubs où règnent alcool et jolies filles. Une affaire rondement menée pour les antagonistes de notre histoire dont l’objectif paraît clair, celui de parvenir à contrôler tout un peuple à l’insu de son plein gré.
Le travail c’est la santé !
Par ailleurs, le gameplay du jeu ne sera pas non plus épargné par l’activité salariale
pseudo providentielle d’une société modelée d’après le souhait d’hommes en retrait sous un masque de porc.
Le côté fils à papa de Ness, dont le compte en banque se remplissait aussi régulièrement qu’une pinte de bière du club Titiboo (grâce à la générosité paternelle), n’est désormais plus qu’un lointain souvenir. Cette fois-ci, il va falloir mouiller le maillot, car le seul moyen de gagner de l’argent dans l’univers impitoyable de Mother 3 est d’aller travailler à l’usine, tout comme un certain Ryo Hazuki pouvait se rendre au chantier dans le premier Shenmue (la contrainte du temps qui passe en moins).
Ça ne m’étonnerait pas que Shenmue ait puisé quelques inspirations dans la série Mother, et inversement. La place du téléphone dans EarthBound faisait déjà beaucoup penser à l’utilisation qui en est faite dans le premier Shenmue (où l’on pouvait appeler ses proches pour prendre des nouvelles), ainsi que le système d’argent de poche distribué par la figure parentale.
Pour la petite anecdote, le téléphone et la figure parentale étaient d’ailleurs étroitement liés dans EarthBound, si bien que les développeurs ont eu l’idée de représenter le père de Ness dans les crédits de fin du jeu par un téléphone (seul moyen de converser avec ce dernier), le joueur n’ayant jamais eu le luxe d’admirer son modèle en pixels.
La blague a d’ailleurs été reprise dans Super Smash Bros Ultimate avec l’esprit du père de Ness (les esprits sont des « collectibles » sous forme d’images).
L’apparition de la notion d’échange de temps contre de l’argent dans le village de Tazmily est d’ailleurs une nouvelle occasion de développer un autre type de commerce que celui du divertissement, celui de
l’armement,
histoire d’irriguer un peu plus l’économie de l’île.
Gardez néanmoins en tête qu’il vous est complètement possible de suivre la voie de « l’anticonformisme ». Je n’ai pour ma part eu recours au travail d’ouvrier qu’une fois ou deux, simplement pour voir de quoi il en retournait. Mes deux modestes salaires ne m’ayant pas réellement permis de contribuer à l’économie du pays, je n’ai toutefois pas eu besoin de m’y investir plus que ça pour voir la fin du jeu.
Le thème de l’industrialisation paraît tellement ancré dans la moelle de Mother 3 qu’il viendra se greffer jusque dans la graphie de son titre, dont les lettres sont faites d’un bois aussi naturel que les arbres dont il provient, rongé par un envahissant métal artificiel.
Le jeu ira même plus loin, lors de sa conclusion, nous révélant poétiquement le titre du jeu débarrassé de ses artifices.
Au-delà de son aspect travail, dont les conséquences financières rendent l’activité somme toute assez optionnelle et donc secondaire, Mother 3 n’est pas un RPG très porté sur son contenu annexe, même s’il en propose quelque peu (notez également que le jeu, tout comme son prédécesseur, ne propose pas de new game +).
Attrapez-les tous !
Parmi les phases que l’on peut manquer, rendues accessibles seulement par la curiosité du joueur à fouiller dans tous les recoins du jeu (comme dans un Pokémon où il est recommandé de parler à tous les personnages, certains vous donnant parfois une information ou un objet fort utile), voici quelques-unes des plus notables que j’ai pu apercevoir :
- La quête qui nous est confiée par une maman souris qui nous demande de retrouver ses sept rejetons en plein autoroute, permet au joueur de récupérer un objet qui s’avérera très utile pour la plupart des combats de la fin du jeu.
- La pièce annexe d’un des donjons qui abrite un être unique et assez inhabituel.
Il s’agit d’une créature particulièrement, disons… marquée par la vie, qui vous demandera de mettre fin à ses jours entre deux phrases d’un monologue plutôt fleuri qui vaut assurément le détour.
- Un boss optionnel près de la fin du jeu
, presque invincible, qui présente un parallèle appuyé avec EarthBound.
La liste est évidemment non exhaustive, mais l’ensemble de ces contenus annexes auront vite fait de vous passer sous le nez si vous ne faites pas preuve de curiosité, ce qui serait fâcheux dans un jeu comme Mother 3. Ils sont à mon sens les témoins de la volonté de l’oeuvre de graver en vous des souvenirs qui laissent une trace de son passage, ainsi que l’identité propre de la vision de son auteur. A mon sens, le jeu est une fabrique à souvenirs indélébiles qui viendront trouver écho chez le joueur de longues années après qu’il en ait vu le bout.
C'est l'heure du duel !
Le gameplay du jeu étant repris en grande partie de celui d’EarthBound, nous retrouverons dans les grandes lignes une structure similaire. Cependant, l’inévitable évolution du système de jeu aura su, en plus de fluidifier l’aventure et apporter un certain confort au joueur, donner au titre une identité propre.
A l’égard de d’identité de la licence, la musique a toujours occupé une place de choix en son sein. Celle-ci contribue en effet énormément à l’ambiance du titre. Etant donné la position prépondérante embrassée par le système de combat dans la plupart des JRPG (pour ne pas dire l’ensemble), Mother 3 a eu la bonne idée de profiter de la résonnance de deux de ses plus grands atouts pour tenter une formule nouvelle et innovante.
Le système de combat a donc été approfondi, empruntant sa forme à celle des jeux de rythme. Mother 3 nous permet ainsi de composer des combos pouvant atteindre jusqu’à 16 coups, en callant le rythme des attaques sur celui des pulsations cardiaques de l’adversaire, elles même intégrées au rythme de la musique. Le rythme cardiaque ne sera néanmoins identifiable qu’une fois l’ennemi endormi, pour pimenter un peu les choses.
Par ailleurs, au détour d’une conversation avec un PNJ (personnage non joueur), le jeu en profite pour nous indiquer que le procédé demande un peu de pratique mais qu’il n’est pas essentiel de le maitriser pour arriver au bout de l’aventure (bien qu’il puisse s’avérer utile et ludique).
Enfin, ce qui sera sans doute considéré comme le comble du confort pour qui s’est déjà égaré sur les immenses routes goudronnées de EarthBound, c’est l’intégration nouvelle d’un bouton de course (qui n’a pas même besoin d’être maintenu, et qui est introduit de manière amusante par un clin d’œil direct à celui qui tient la supposée Game Boy), afin de fluidifier les déplacements de nos héros.
Ceci nous permettra dans un second temps de faucher les ennemis qui se mettront en travers de notre route (du moins, lorsqu’ils sont plus faibles que nous), pour nous éviter d’engager un combat non désiré. Et contrairement à EarthBound, nous ne bénéficions désormais plus des points d’expériences tombés des monstres instantanément défaits.
Cependant, cette fonction de course ne sera pas sans concession. Lorsque l’un de vos personnages se verra terrassé au combat, il ne vous sera plus possible de courir. Le protagoniste mis hors d’état de nuire traînera des pieds, arborant une mine grisâtre et déconfite, jusqu’à ce qu’il ait été remis sur pied, la plupart du temps grâce aux vapeurs des sources chaudes et naturelles qui parsèment le monde du jeu.
Il arrive également, de temps à autre après avoir passé le palier d’un niveau clé, que l’un de vos personnages se sente fébrile pendant quelques poignées de secondes. Une fois que ce dernier aura repris ses esprits, il obtiendra à son renfort de nouvelles compétences de combat ou de soutien.
Un est tout, tout est un
L’identité de Mother 3 est marquée par la particularité de nous faire incarner plusieurs personnages au cours de l’aventure. Le joueur suivra l’histoire de nos héros sous plusieurs angles, jusqu’à ce que les vies de ces derniers ne finissent par croiser leur intrigue respective. Et si Mother 2 avait déjà timidement entamé le processus, nous laissant incarner indépendamment Jeff, Paula et Poo (en plus de Ness), à certains moments du récit, Mother 3 poussera quant à lui le bouchon encore un peu plus loin.
Les personnages de EarthBound, aussi juvéniles soient-ils, jouirent tous d’un portrait charismatique qui, je pense, n’aura eu aucun mal à trouver son public, malgré leur manque de profondeur scénaristique. En comparaison, ceux de Mother 3 ont certainement bénéficié d’un développement fouillé, à l’image de l’ampleur du scénario.
Les deux premiers Mother mettaient en scène des gamins en charge de sauver le monde, loin des modèles de virilité occidentaux. Les personnages de Mother 3 font honneur à la tradition de leur prédécesseur, tout en visant un cran au-dessus, par le biais d’une équipe aussi atypique qu’exceptionnelle.
Les personnages de Mother 3 ayant probablement été globalement moins mis en avant dans le paysage ludique occidental que ceux de EarthBound (ne serait-ce qu’à travers les artworks respectifs des personnages, qui n’existent tout simplement pas à ma connaissance du côté de Mother 3 ; et bien sûr, la faible accessibilité du titre en occident), je suppose qu’il est d’autant plus intéressant de ne pas exposer ici leur profil tant ils occupent une position singulière dans le monde du jeu vidéo. Cela dit, croyez-moi sur parole, on tient là une belle brochette de spécimens hors du commun.
Un autre personnage récurrent, qui occupe une place de choix dans l’univers de Mother, et qui fit une apparition remarquée dans les crédits de Mother 2, c’est le joueur, encore une fois sollicité par le jeu.
Personnage à part entière auquel on eut octroyé le statut de divinité au cours de l’aventure précédente, le joueur aura le droit à un sanctuaire en son honneur, confirmant par la même occasion l’absence de quatrième mur sur la scène de Mother, troisième du nom.
The princess is in another castle…
EarthBound nous avais déjà démontré qu’il prenait un malin plaisir à taquiner celui qui tient la console de jeu, se faufilant au creux du moindre interstice pour attirer son attention. Mother 3, en ce qui le concerne, reprendra le concept, ne manquant pas de nous mettre face à notre propre crédulité.
Le joueur qui a parcouru EarthBound de fond en comble aura croisé de nombreux paquets cadeau dispersés aux quatre coins des environnements du jeu. Dans un RPG plus classique (tel que Dragon Quest), ces paquets seraient tout simplement représentés par des coffres. Mother 3 prend à contrepied le joueur qui se repose sur ses acquis, celui qui par habitude s’attend à s’enticher d’un trésor (arme dévastatrice ou objet de support), à la vue de la moindre boîte à ruban. Tirer sur l’un des rubans des Nowhere Islands, c’est s’exposer à l’inconnu.
Autrement dit, nulle ne sait quelle surprise vous réserve ces petites boîtes. Délivrez-les donc de leur emballage, et ouvrez bien les yeux, car le spectacle commence ! Que leur contenu se présente à vous sous la forme d’un
« air de reggae », d’une « odeur pestilentielle », ou d’un soudain « feu d’artifice »,
vous serez gratifié d’un souvenir indélébile qui aura sans aucun doute davantage de valeur que n’importe quel consommable (enfin, je crois).
Ça se passe de commentaire…
Le joueur se souviendra également d’un certain terrier à l’allure de labyrinthe que l’on empruntera au cours de l’aventure. Il s’agit d’une immense galerie creusée par des insectes, dont la carte vous fera pâlir par sa complexité. Et pour cause, le joueur un peu trop sûr de lui, qui aurait snobé le PNJ de trop, ou qui se serait un peu trop excité sur le bouton d’action (n’ayant pas pris la peine de lire tous les dialogues), se verrait bien embêté de retrouver son chemin dans pareil dédale (l’astuce étant dévoilée par un des insectes à l’entrée de la galerie).
Vous serez d’ailleurs surpris d’apprendre que le maître des lieux, gardien de ce labyrinthe de l’infini, n’est autre
qu’un croisement entre une taupe et un criquet (ce n’est pas ça l’info intéressante), que l’on a rencontré au tout début de l’aventure. Vexé comme un poux d’avoir perdu son combat contre vous, et obsédé par sa défaite, il vous annonce s'être entraîné sans relâche depuis ce jour qui a brisé son égo d’insecte (pour finir par se faire one shot à nouveau).
On dirait bien qu’il commence à pleuvoir…
EarthBound fut une proposition très solide qui a marqué le siècle dernier par sa dimension expérimentale, et c’est fondamentalement le genre de démarche qui me procure souvent beaucoup d’effet.
En témoigne mon amour pour Excel Saga, un de mes animés favoris, qui pour moi est un modèle du genre dans l’art de l’expérimentation loufoque.
Ce concept expérimental demeure inexorablement exploité un cran au-dessus dans Mother 2 par rapport à son successeur, ce qui en fait très certainement un jeu à part et difficilement opposable à son petit frère qui eut choisi d’emprunter une voie plus cinématographique.
Mais en définitive, rien que pour l’esprit à fleur de peau de Mother 3, ne serait-ce qu’à travers son message de fin, je pense pourtant pouvoir dire sereinement que ce dernier m’apparaît comme étant celui que je préfère.
Mother 3 est un titre qui transpire l’émotion, et ce n’est pas l’animation particulièrement réussie des mouvements des personnages du jeu qui viendra trahir ces paroles, tant elle contribue à la retranscription des sentiments engendrés par l’oeuvre.
Certains jeux de la GBA se sont bâti une solide réputation grâce au sens de l’animation en 2D des développeurs qui ont su tirer parti de la console, notamment dans la série des Fire Emblem.
Et selon moi, Mother 3 en fait partie.
A l’image de EarthBound, à peine le jeu lancé, celui-ci vous demande d’emblée de nommer votre nourriture préférée ainsi que la « chose » que vous aimez le plus au monde, comme pour tisser un lien intime avec vous, comme s’il essayait de vous impliquer émotionnellement dans son univers.
Savez-vous quel est sans doute le sentiment le plus douloureux qu’on puisse être amené à affronter dans sa vie ?
Lorsque la chose que vous aimez de tout votre coeur se retourne contre vous.
Je crois bien que c’est ça, le bois dans lequel est sculpté Mother 3.
Je le répète, mais Mother 3 touche constamment le joueur du doigt.
Mother 3 est un jeu qui prend soin de vous, qui s’inquiète pour votre bien être, jusque dans son message de fin qui vous est livré avec une rare élégance.
C’est en cela que, pour moi, Mother 3 est un cadeau très spécial.
Un grand merci aux équipes de traduction d’avoir rendu cela possible. Merci mille fois !
Bonus : Je vous laisse un lien vers un article que j'ai trouvé vachement cool, rédigé par l'équipe de Mother3vf, qui traite des problématiques que l'on a tendance à rencontrer lorsque l'on se lance dans l'art ambitieux de la traduction. J'espère que ça vous plaira !