Un aboutissement du J-RPG
Et quel aboutissement !
Ce jeu a su exploiter au maximum son support, par le biais de graphismes colorés et au poil, de musiques tantôt catchy, tantôt délicates, tantôt dramatiques, d'un gameplay innovant mais pas perturbant, le tout au service d'un univers riche, drôle, poétique, touchant.
Le scénario, de prime abord plutôt traditionnel, montre son raffinement dans ses multiples circonvolutions, les personnages si humains, la mise en scène très bien foutue [par exemple les changements de point de vue qui se complètent naturellement pour dérouler le fil des événements] et l'intégration réussie des nombreux passages au travers du 4ème mur.
L'univers est un point fort à lui seul : très cohérent, rempli d'un bestiaire hilarant et très varié [des Magypsies, humanoïdes asexués et excentriques aux airs de travestis, aux grenouilles qui vous aident à "sauvegarder" votre progression, en passant par le surexcité homme filet-de-poisson ou la redoutable [!] courtilière qui n'aura de cesse de vous défier en duel], microcosme que l'on voit évoluer au fil du jeu, parallèle à l'évolution de Lucas.
Le jeu, sous ses airs naïfs, disserte sur de nombreux sujets comme l'utilisation de la technologie, l'urbanisation, la télévision, le deuil, la maturité, le respect des anciens/des morts, le capitalisme, et l'humanité en général [car oui, Porky ne représente pas le capitalisme mais l'humanité, et bim]. Toute cette réflexion étant toujours justifiée par le scénario [pas de longs discours moralisateurs, dieu merci], elle reste relativement discrète et laisse place à l'action et au scénario.
Bref, c'est bien beau tout ce blabla sérieux, mais le résultat est là : ce jeu réussit à nous faire passer par toutes les émotions possibles : le bonheur simple du début du jeu, la peur face au sort de Claus et Hinawa, le rire à la découverte de nouveaux ennemis, la douleur face à celle de Lucas, le stress en compagnie de l'Ultime Chimère, la loufoquerie en compagnie des Mr Saturn [*ZOOM*] , l'amusement en dialoguant avec les Magypsies ; et la mélancolie à leur disparition, tour à tour la haine, le dégoût et la pitié pour le grand "méchant" et la plénitude mêlée de tristesse et de réconfort à la toute fin du jeu.
Parce que oui, une fois ce jeu fini, on sent qu'on a vécu quelque chose d'important. On se sent changé. Plus serein, peut-être. Plus doux.
En ce sens, ce jeu rempli pleinement son contrat, atteint un sommet et mérite amplement son titre, Mother.