J'aime vraiment bien les survival-horror. Si si.
J'aime les frissons de peur devant l'écran, j'aime être épouvanté à l'idée de ce qui m'attend au tournant d'un couloir sinistre et j'aime l'inventivité des scénarios. Oui Môssieur.
A chaque fois que j'évolue dans un décor de survival, je me pose toujours cette même question teintée d'admiration pour les ptits sadiques qui ont conçu le jeu: comment ont-ils pu imaginer un lieu aussi sombre, aussi sale, et surtout aussi angoissant? Et si vous avez pris la peine de jouer à ce jeu, vous savez que j'ai raison. Penumbra Black Plague est un vrai jeu bien sombre - comme son nom l'indique- et surtout bien déprimant. Un conseil pour les mélancoliques de service: n'y jouez pas trop tard le soir... et de préférence, avec quelqu'un à côté de vous (dois-je préciser que je suis un énorme froussard?). Bref. Passons le côté purement émotionnel du jeu et regardons un peu l'intrigue.
Alors bon, je n'ai pas joué à Overture mais bon j'ai regardé l'histoire avant et pis on m'a raconté l'intrigue aussi, parce que sinon c'est un peu compliqué pour comprendre...
Dans Black Plague, nous "incarnons'' Phillip Lafresque (mais qu'est-ce que c'est que ce nom?) parti à la recherche de son père, Howard Lafresque, scientifique disparu depuis des années que l'on croyait mort... jusqu'au jour où son fiston reçoit une lettre de ce dernier... (tadaaaam).
J'utilise des guillemets pour parler d'incarnation parce que nous ne voyons strictement rien du corps du personnage. Nous ne voyons pas ses mains, nous ne voyons pas ses pieds (pas du tout pratique quand on veut sauter et se repérer dans l'espace sur des structures en hauteur) et je ne vous parle pas du visage (puisque celui-ci n'existe pas) ni de sa voix car vous ne l'entendrez jamais. Pour vous la faire courte, Phillip se résume à quelques lignes de texte en vf (bourré de fautes d'orthographe) et à un curseur capable de saisir et d'observer des objets pour nous donner des informations dessus. Donc déjà, niveau attachement au personnage, c'est pas très réussi je trouve.
Le fait qu'il n'y ait pas d'incarnation du protagoniste (et ce mot convient parfaitement puisque nous n'avons à proprement parler aucun être de chair et de sang sous les yeux) est -à mon sens - assez problématique pour le survival horror où le corps devrait avoir - en tout cas il me semble - une place non négligeable dans le jeu.
Oui, je sais il y a un tas de survival dans lequel on retrouve l'absence de body awareness (surtout sur PC). Soyons honnêtes, Penumbra Black Plague n'est pas un jeu à gros budget, l'absence de modélisation et d'animation en sont peut-être une des conséquences. [Pas de sou, pas de frimousse]. En attendant, dans le genre du survival, on est blessé, on saigne, on est affaibli, on court, on esquive, on se cache, on rampe, on s'accroupit, on est essoufflé, on a peur, on est infecté, malade, fiévreux, fébrile. Le corps est présent de plusieurs façons, dans les modes de déplacement, par la voix, l'apparence mais aussi la variété de ses actions. C'est à la fois notre indicateur et notre moteur.
Lorsque nous commençons le jeu, notre personnage est malade mais nous ne le savons pas encore. Il souffre manifestement d'un virus (la peste noire?) qui se met à prendre de plus en plus de place dans son esprit. Problème: quand on a pas de corps, à part une vision FPS, représenter l'effet d'une infection sur un personnage devient compliqué...
Les développeurs ont pris le parti de représenter le virus qui attaque notre héros par une voix criarde qui l'interpelle à de nombreuses reprises au fil de l'intrigue pour lui dire tout un tas de vilainies. Ce virus que les développeurs ont choisi d'appeler Clarence (allez savoir pourquoi) interagit avec Phillip, dans son esprit même. Il est une sorte de double maléfique et tenace, rusé et manipulateur qui vous tient par les cheveux. (Vous voyez Gollum et Smeagol avec l'anneau? Et bien, c'est un peu près la même chose ici mais avec Clarence). Ce virus qui parle et réfléchit tout seul à le défaut d'être très intelligent; il modifie pour ainsi dire les sens et la perception du monde de Phillip, au point de faire commettre l'irréparable à celui-ci... (toi-même qui y a joué, tu sais de quoi je parle).
Ainsi, en avançant dans l'histoire, il apparaît rapidement que les scientifiques qui vivaient autrefois dans le bunker ont tous fui ou ont été décimés par ce même virus qui pourrit la vie à Phillip. Nous découvrons également que cette épidémie est reliée à un esprit supérieur appelé Tuurmgailt (ou quelque chose du genre) qui s'apparente à une force vieille de plusieurs milliers d''années.
Honnêtement, je ne sais pas pourquoi le jeu s'appelle Black Plague, parce que la Peste noire n'a rien de commun avec le virus qui affecte notre héros. Je crois que le terme ''Peste noire'' renvoie davantage au caractère endémique et mortel du mal qu'à autre chose... Pour le reste, on repassera.
Et donc, Phillip-qui-est-malade-part courageusement à la recherche de Papa chéri dont il ne croyait plus jamais entendre parler... Voilà. C'est ce qui va justifier des heures et des heures d'exploration et de dangers au sein du bunker moisi et labyrinthique. L'architecture du souterrain, appelé "The Shelter", qui signifie ''l'abri'' en français (et qui n'a de l'abri que le nom) est bourré de tournants, de recoins poussiéreux, de vieux livres dégoûtants, de cadavres , de monstres mangeurs d'hommes (évidemment....), d'ordinateurs datant de l'époque soviétique. Autant dire que je me suis paumé une paire de fois; il faut s'appeler Mappy pour s'y retrouver. Heureusement qu'il y a des plans sinon, je serais encore coincé dedans. Entre nous, le bunker à des faux airs de Dharma Initiative (cf. la série LOST), ce qui n'est pas trèèèès étonnant, étant donné que les installations du bunker datent de 1970, comme ceux de la série.
A la surface, c'est le Groenland, il fait un peu trop froid pour nous donc les rares fois où le personnage sort dans le blizzard, il ne peut pas rester très longtemps sans faire de feu avec les moyens du bord, histoire de se réchauffer les pieds (qu'il n'a pas).
Tout le long de notre progression, nous sommes aidés par un personnage féminin dont nous ne verrons jamais le visage; il s'agit du Dr Amabel Swanson qui interagit avec Phillip par ordinateur. Nous aurions pu - si les développeurs du jeu avaient été un peu plus cool - rencontrer cette dame et boire un thé avec elle, éventuellement être réconforté par une présence humaine bienveillante au milieu de ces murs repoussants par leur crasse et leur immonde vétusté... mais non. Aucun adjuvant n'est autorisé dans ce jeu ou alors pas durablement. Je reviendrai là dessus.
Durant le jeu, de nombreuses invraisemblances viennent nuire à la qualité d'un scénario déjà assez mal construit, à commencer par les raisons qui poussent Phillip à entrer et fouiller les différentes sections du bunker, à chaque fois au péril de sa vie. (Car oui, pour moi, la simple ''curiosité'' n'est pas un motif très convaincant). A sa place, on se sauverait en courant sitôt le jeu entamé.
Autre gros problème: lorsque le personnage retrouve son père (ou plutôt son cadavre car celui-ci est mort enfermé dans un passage secret), il n'y a ni larmes, ni sanglots: finalement très peu d'émotions dans cette séquence ce qui est pour le moins surprenant.
Je passe sur le reste: l'invraisemblable mort du Dr Amabel Swanson que Phillip tue malgré lui (à cause du virus qui brouille sa vue et transforme ainsi l'apparence de la jeune femme en la faisant passer pour un monstre mangeur d'homme). Ce qui me chagrine c'est qu'il n'est pas possible d'éviter sa mort car le monstre nous poursuit et nous blesse réellement si l'on ne se défend pas (ce qui est idiot car le Dr Amabel Swanson ne nous attaque pas dans la réalité). Pourtant, si Phillip ne fait rien, il meurt (mais de quoi si tout n'est qu'illusion?).
Je vous passe aussi le délire sur les chiens invisibles qui nous mordent les mollets sitôt la lumière éteinte (des chiens invisibles? Sérieux les gars?).
Autre problème de taille: la fin de l'intrigue. Tellement bourrée de symboles qu'elle en perd tout son sens. C'est dommage car Black Plague est un jeu intelligent, avec toutes sortes de trouvailles originales et audacieuses (comme le système de sauvegarde sur lequel on pourrait théoriser pendant des heures).
Je ne la commenterai pas des masses parce qu'extrêmement obscure (sans mauvais jeux de mots) et franchement tirée par les cheveux. A la fin de son voyage presque initiatique, -la quête du père n'est pas franchement un sujet neuf et est souvent synonyme de quête d'identité - Phillip parvient à se débarrasser du virus qui l'habite en concoctant un sérum. Il se retrouve alors plongé dans une sorte de monde intérieur à lui-même et se bat contre sa propre humanité, d'une certaine manière. (ouais, c'est pas clair du tout).
Pour conclure cette loOongue critique aussi décousue que le jeu lui-même, je dirais que Black Plague a un certain potentiel angoissant mais que le scénario est vraiment trop incertain. On peut apprécier d'avoir une certaine marge de manœuvre dans les décisions du personnage mais la dernière partie de l'intrigue nous laisse vraiment dans l'incompréhension ... ou dans la pénombre :p (pardon pour celle-là les gars j'ai pas pu m'en empêcher).