Persona Grata

SHIN MEGAMI TENSEI

Dans les grandes séries de jeu de rôle japonais on pensera forcément à Final Fantasy ou encore Dragon Quest. Cependant dans l'ombre, une société de développement moins connue sous nos latitudes du nom d'Atlus est également très productive dans le domaine et cela depuis 1987. C'est à cette date que sort sur NES Megami Tensei. Puis en 1992 sortira Shin Megami Tensei (Sur Mega CD et Super NES puis plus tard sur d'autres supports) qui deviendra leur série phare.

Pour se démarquer de ses concurrents Atlus ne surfe pas sur la Fantasy très à la mode et choisis un ton plus sombre, contemporain et mature ainsi qu'une difficulté dans le haut de la fourchette. On y retrouve des thèmes très axés sur la démonologie, les rites interdits, l'apocalypse, la mort ou encore la fin du monde. Aujourd'hui les Shin Megami Tensei comptent 4 épisodes canoniques. Le 4éme épisode comporte 2 jeux 3ds : SMT IV et sa suite : SMT IV Apocalypse.

En 2017 Atlus annonce que le 5éme épisode canonique sera une exclusivité Nintendo Switch. La série comportera également au fil de ses 30 ans d'existences, un grand nombre de Spin Of, dérivé de la saga principale.

LA SAGA PERSONA

Parmi ces Spin Of, on trouve donc la série Persona, commencée en 1996. Elle conserve certaines caractéristiques de la série canonique tel que son système de combat (Le Press Turn), son esthétique tirée de l'animation japonaise, ou encore l'utilisation du folklore démonologique ou encore mythologique.

Thématiquement, elle traite essentiellement de la psyché humaine et notamment les théories du psychologue / sociologue Carl Jung. Le terme « Persona" est lui même issu d'une théorie de psychologie analytique selon laquelle le Persona est le masque social qu'un individu porte afin de s'insérer dans la société et ainsi répondre à des schémas prédéfinis et des codes imposés. La normalisation de l'individu au détriment de la différentiation en somme. Des thématiques lourdes et complexes cachées derrière un design coloré (chaque épisode a une couleur dominante : le Bleu pour le 3, Le Jaune pour le 4 et le rouge pour le 5).

Ensuite le jeu utilise des mécaniques adoptées des jeux de dragues, de gestion de lien sociaux qui interagissent directement sur la partie jeu de rôle. Nous y reviendrons.

Enfin la difficulté est un cran en dessous d'un Shin Megami Tensei faisant de Persona leur série la plus accessible (mais pas simple pour autant).

WAKE UP, GET UP, GET OUT THERE

Lorsque le jeu commence, un protagoniste masqué et vêtu de noir tente de s'échapper d'un Casino où il semble poursuivis par les forces de l'ordre. A la sortie du casino, ce dernier se retrouve face à une armée d'agents de police qui le capture. Passé à tabac et drogué dans la salle d'interrogatoire, le jeune homme va raconter toute son histoire. Ce personnage, c'est vous.

Flashback : Quelques mois plus tôt, vous êtes transférés dans un lycée de Tokyo suite à des démêlés avec la justice, condition de votre probation d'un an. La, un vieux gérant de café, Sojiro, accepte de vous héberger dans le grenier qu'il vous laisse aménagé à votre guise. Il attend néanmoins de vous que vous ne lui fassiez pas d'histoire sinon vous aurez affaire à lui.

Bref l'année scolaire commence et des votre premier jour de classe, vous arrivez devant un château fort en lieu et place de votre lycée !? Avec le mauvais élève du bahut en guise de compagnon vous arpentez ce château et faite la connaissance d'une étrange mascotte à l'allure de chat. Ce dernier vous expliquera alors qu'ici vous êtes dans le subconscient d'une personne ayant des pensées et désirs sombres : Un palace. Avec une équipe qui gonflera ses rangs au fil de l'aventure vous devrez donc investir ces palaces afin d'ôter ces pulsions néfastes de la tête de vos cibles. Voila le Pitch.

LE JOUR ET LA NUIT

Alors comment cette ensemble d’influences se caractérisent t ils manette en main ?

Voyez les choses comme ceci. Schématiquement le jeu se décompose en 2 parties majeures.

Une partie RPG on ne peut plus classique avec son lot de combats aléatoire, de boss, de rencontres et de retournements de situations.

Et de l’autre la partie sociale « vie de tout les jours », relationnelle etc...

PRESS TURN

Commençons par la partie RPG. Lorsque vous investirez les palaces, vous rencontrerez des créatures directement sur la carte. Rentrer en contact avec l une d elle fait basculer le jeu dans son mode de combat au tour par tour : le fameux Press Turn.

Les 4 membres de votre équipe ont chacun une action par tour. Cependant utiliser une attaque élémentaire de la faiblesse de l’ennemi vous octroie un coup supplémentaire. Il faut savoir que lorsque vous rencontrez une créature adverse pour la première fois rien ne vous indique sa faiblesse. Mais une fois trouvé, elle apparaîtra systématiquement lors de prochaines rencontre avec ce type d ennemis. (Contrairement a Shin Megami Tensei qui ne vous l indique pas).
Si vous trouvez les faiblesses de chaque ennemi présent en un même tour il vous sera alors possible de déclencher une attaque groupée dévastatrice mais aussi de parler aux démons adverses...

Et oui, car si chaque membre du groupe a son Persona attitré (sa créature propre, l'incarnation de son "Moi" rebelle), le héros lui peut en changer et en cumuler plusieurs afin d être le plus polyvalent possible. Ainsi il vous est possible de négocier avec les démons afin de les recruter, ou encore afin de leurs soutirer de l argent et autres objets. La collectionnite de démons devient rapidement obsessionnelle tant la perspective d avoir un ersatz de Pokemon à la sauce dark est grisante ! Imaginez donc un jeu qui remplacerai les mignonnes bouilles des Pokemons par des créatures mythologiques, demonologique et autres Yokaïs.
Il existe même un lieu où les fusionner afin de se creer une team sur mesure et melanger les capacites de nos personas.

A la fin de chaque Palace un Boss vous attend et il vous faut vaincre ce boss avant une date bien précise du calendrier, c’est la que rentre en ligne de compte l’autre part du jeu.

SI T'A PAS D'AMIS, PREND UN CURLY

Car avant être un sondeur de psyché, un redresseur de tort, vous êtes un simple lycéen. Aller en cours chaque jour est votre pain quotidien et on retrouve vite de vieux souvenirs à attendre les vacances scolaires pour avoir plein de temps libre.

Les parties en société permettent de faire avancer le scénario entre deux palaces, de leur donner un contexte, une histoire. Chaque jour de la semaine vous verrez donc votre héros aller en cours et discuter avec ses camarades sur leur prochaine cible. Et en fin de journée vous pourrez donc faire une action qui vous prendra votre soirée. Aller dans un palace certe mais aussi rencontrer vos amis pour un cinéma, un tête à tête, ou alors étudier, manger un morceau... chacune de ces actions vous apportera quelque chose d utile. Augmenter certaines stats, ou pousser la relation avec une personne précise un peu plus loin.

Votre niveau relationnelle avec un protagoniste est mesurable sur une échelle de 1 à 10. Et plus vous passerez de moments avec une personne plus ce niveau augmentera. A quoi bon vous dites vous? Sachez que chaque protagoniste est associé à une carte de tarot. Et qu’augmenter le niveau d une relation donne un gain expériences aux personas issus de cette arcane du tarot. Exemple : Si je passe mes soirées avec la personne associée à l’arcane de la Justice et que son rang augmente, tout persona associé à cette arcane que je créerai ensuite aura un niveau supérieur et donc plus de compétences.

La façon dont vous gérez votre vie et vos relations influent directement sur la partie jeu de role.

Le scénario vous donnera une date butoir afin de battre le boss du palace en cours. A vous de gérer quand vous souhaitez aller augmenter vos personnages dans le palace, vaincre le boss, et quand vous souhaitez améliorer vos relations avec vos proches et vivre votre vie d’etudiant. Sachez que les week end et vacances vous octroient par exemple 2 actions a réaliser en une seule journée au lieu d une seule lors des jours d écoles. Vous pouvez par exemple passer votre après midi au parc avec Ann et allez explorer le palace le soir.

Le jeu propose également en parallèle des palaces principaux, un autre palace découpé en niveau que vous pourrez explorer de plus en plus profondément au fil du scénario : Le Memento. Contrairement aux palaces principaux qui sont désigné et unique, celui ci génère des niveau à l’architecture aléatoire. Ce monde optionnel vous permet de gérer des quêtes annexes mineures et d’oter les pulsions noires de personnages moins néfastes que les cibles principales.

JRPG + CARL JUNG + JAZZ + MANGA

Le scénario est très bien écrit et les personnages également. On pourra tiquer sur des discours en apparence simpliste parfois. La jeunesse pointant du doigt les adultes qui sont méchants... Mais cette simplicité renferme au final des messages intéressants sur l’apathie ou la difficulté à s’assumer pleinement en tant qu’individus. La plupart des antagonistes relève un problème de société de façon assez générale pour faire des parallèles avec la notre.

Pour la bande son du jeu on retrouve Shoji Meguro et son style si particulier à base de jazz, de morceaux ambiants chantés J-Pop ou de hard rock pour les combats. Clairement le monsieur a réussis un de ses plus beau travail sur ce Persona 5, une OST massive et variée qui représente la somme de expérience acquise au fil des épisodes. Ma préférée de la série à titre personnel. Elle tourne très régulièrement dans ma playlist.

Graphiquement le jeu est très jolie. Fort d’un Cell Shading donnant un caché cartoonesque à ce Tokyo ultra réaliste, le jeu flatte la rétine. Le moteur est celui utilisé pour Catherine et la patte se ressent. Sans être un maître étalon de la démonstration technique, le jeu brille surtout par son esthétique et sa direction artistique de haute volée. Chaque menu est stylisé à l’extrême, le design des personnages est une synthèse du style de la jeunesse tokyoïte à la sauce manga (Shigenori Soejima a d’ailleurs créé les personnages en observant les jeunes dans des lieux bondés tel que le métro). Les palaces sont créatifs et basés sur chacun des pêchés capitaux.

APARTÉ SUR L'EVOLUTION DU JEU VIDÉO JAPONAIS

Alors que peut on bien lui reprocher à ce Persona ? Objectivement pas grand chose. Le jeu de rôle japonais s’embourbe depuis des années dans ses propres clichés et peine à se renouveler. Il était un genre prédominant dans les années 90 / début 2000 mais est en perte de vitesse. (Constat applicable à l’ensemble du jeu vidéo japonais qui a subit une période compliquée devant la concurrence américaine entre 2005 et 2015). Cependant le jeu vidéo japonais est revenu massivement et surtout qualitativement depuis 2016/2017. Et ce Persona 5 en est un des meilleurs ambassadeurs.

CONCLUSION

Persona 5 est un produit d’une qualité et d’une générosité incroyable. Peaufiné à l'extrême dans ses moindres détails où tout a été pensé pour former un ensemble cohérent. On ne peut pas reprocher à un Persona de faire du Persona. Surtout lorsque ce dernier représente la quintessence de la formule. Les seuls reproches que vous pourriez lui formuler viennent en réalité de votre profil de joueur. Avez vous 100 heures à passer sur un jeu vidéo ? Votre vie vous le permet elle ? Un jeu bavard est il un soucis pour vous ? Un rpg dirigiste sans carte du monde et sans exploration, cela vous choque t-il ?

- Si vous etes un joueur occasionnel, que les jeux à systèmes vous
donnent l’impression de vous bourrer le crane, que le japon et sa
culture ne vous évoque pas grand chose alors passez votre chemin.
Aussi excellent soit il, le jeu exige un investissement personnel
conséquent.

- Si vous êtes fan de JRPG, que vous avez du temps à lui consacrer, et
que la lecture ne vous révulse pas (en anglais intégrale n’en
déplaise aux anglophobes) alors Persona 5 fera votre bonheur. Il est
clairement un des plus brillants représentant du genre et cela
depuis.... Trés longtemps