Écrire une critique quelques années après tout le monde est quelque chose de fascinant. Surtout quand il s’agit d’une entrée canonique dans la série Pokémon, souvent fustigée pour être, à l’instar d’un Trioxhydre, lente à évoluer. Bon, j’exagère probablement en utilisant le mot “fascinant” mais que voulez-vous, toutes les méthodes sont bonnes pour capter un auditoire. Maintenant que vous êtes entièrement acquis à ma prose, laissez-moi vous compter l’histoire de cette Version Blanche (qui s’applique aussi à la Version Noire mais qui confirme par ailleurs votre mauvais goût).
Devant le suspense incroyable laissé à l’issue de ce premier paragraphe, je me sens obligé de chausser mes lunettes, de nous asseoir au coin du feu et de prendre ma voix la plus grave afin de vous mettre dans les meilleures conditions d’écoute. C’était en 2011, fini les noms de pierres précieuses à la con, retour aux couleurs (“non, le noir c’est une absence de couleur justement”). Là où le duo Diamant & Perle portait la transition vers la DS, les versions Noire & Blanche ne peuvent se contenter d’une mise à jour graphique. Non, il faut du changement, du vrai. Et justement, quelle meilleure évolution qu’un retour aux sources ? Après tout, on parle de Pokémon là. Au placard les trouze milles anciens Pokémon, place aux petits nouveaux. Et comme par hasard, ils sont 150 (et des patates légendaires). Le choix audacieux de cette entrée dans la saga est de ne vous faire rencontrer que les nouvelles laideurs inventées par Game Freak.
Ce qui est paradoxal c’est que ce qui était vu par les critiques comme un renouveau rafraîchissant est perçu comme une limitation par les anciens joueurs, minorité bruyante habituée à toujours ne jouer qu’avec Ectoplasma et Léviator. Il me semble pourtant essentiel et salvateur pour la santé mentale des joueurs de ne plus croiser Racaillou, Nosferapti et autres tâcherons qui squattent les grottes malfamées. Détail amusant, car je sais qu’il est important de garder son auditoire alerte en distillant quelques anecdotes, on croise quasiment toute la faune qui arpente Unova avant la fin du jeu. Édifiant, hein ? Je ne me permettrai pas de juger du design des bestioles de poche tant cela est subjectif et que, de toute façon, il n’était pas possible de faire pire que la génération précédente. Oups, je l’ai fait quand même. Toujours est-il que ce nouveau départ force à essayer des équipes originales et à en changer régulièrement, ne serait-ce que pour voir comment les dessinateurs sabotent leurs propres créations en les faisant évoluer.
D'ailleurs, la difficulté revue légèrement à la hausse témoigne de cette volonté de faire plus clairement émerger le volet stratégique du jeu et de ses 150 rejetons. Les attaques décidées par les adversaires sont plus cohérentes et exploitent les faiblesses de manière bien plus maline que cela ne pouvait être le cas précédemment. Ce n’est pas grand-chose mais cela conforte l’idée de se monter un groupe cohérent couvrant les différents types du mieux possible. Enfin, cela serait bien si on n’avait pas à se traîner des vaches à CS dans sa bande de monstres pour couper toutes les brindilles et pousser tous les cailloux qui jonchent cette décharge d’Unova.
Enfin, et ce sera mon dernier point car je vois que vous commencez à vous assoupir, aucun épisode n’a autant tenté d’être une illustration de ce qu’est l’aventure dans Pokémon que celui-ci. La trame principale, souvent critiquée, est pourtant centrale, animée par un antagoniste plus subtil que ce à quoi on était habitué. Il ne faut pas non plus s’attendre à une histoire comme celle que pourrait écrire votre serviteur mais passer de quasiment rien à la mise en place d’un univers et de ses mythes autour d’une confrontation pas complètement manichéenne, ni blanche, ni noire (vous l’avez ?). C’est aussi de petits détails comme l’intervention de champions ayant une personnalité et qui ne sont pas là uniquement pour se faire botter les fesses, même si vous le ferez, qui ajoutent à cette impression d’une nette évolution. Au-delà de l’aspect narratif, la mise en scène de ce Pokémon Version Blanche montre une envie de se sortir de cette vision 2D statique en introduisant une caméra avec des effets préétablis, quelquefois troublants mais qui témoignent surtout d’à quel point le jeu est techniquement à l’étroit sur la DS. Peu importe, l’effet fonctionne et laisse rêveur quant à ce qui pourrait être fait sur un autre support. Oui, bon, on connaît le résultat. C’est aussi ça le problème d’un test en retard, la chute du récit tombe complètement à l’eau. Mais ma maîtrise du suspense me permet de conclure en vous sentant impatient de lire mon avis éclairé sur Pokémon X & Y. Épatant, n’est-ce pas ?