En lui-même, le Myst de 1994 est un jeu immortel et on ne reviendra pas-dessus, mais cette Masterpiece Edition de Real Myst laisse quand même un arrière-goût de trop peu. Déjà, il s'agit (on retient son souffle) d'un remake de remake de remake, ce qui, même pour un fan indulgent, commence à faire un peu beaucoup, quand même. (Oui : la Masterpiece Edition de Real Myst est le remake de Real Myst, lequel est déjà le remake de Myst Masterpiece Edition, qui lui-même est une sorte de remake du Myst original.) On a ici des attentes très élevées, d'une part parce qu'on en a bouffé, des rééditions de Myst, et que celle-ci a intérêt à apporter des nouveautés significatives ; d'autre part parce que contrairement au Real Myst "basique", développé en externe, cette version est, d'après les crédits du jeu, développée en interne par Cyan. Oui, Cyan, le créateur du jeu original, et surtout le même Cyan qui s'était lui-même déclaré mort après un Myst V injustement mal aimé qui venait clôturer, de leur propre initiative, une saga légèrement malmenée par Ubisoft... Mais en fait du génial come back qu'on espérait, cette Masterpiece Edition ne tient pas vraiment du chef-d’œuvre. Son plus gros problème, c'est déjà qu'il ne corrige pas les problèmes de Real Myst, contrairement à ce que voudrait la logique la plus élémentaire quand on entreprend un tel remake. Le jeu rame sur des machines de guerre, souffre d'une interface refondue un peu disgracieuse. Comme chez son prédécesseur, les menus sont moches et réduits à leur plus simple expression, il y a quelques soucis de stabilité, des ralentissements intempestifs alors que rien ne semble réellement le justifier. On en vient directement au deuxième problème : la refonte graphique n'est ni spectaculaire par rapport à Real Myst, ni même toujours de bon goût. Les textures sont inégalement détaillées, les couleurs souffrent d'un certain manque d'harmonie entre elles. C'est la grosse déception de ce remake, qui, contrairement à un Myst V absolument éclatant dans son esthétique malgré une certaine modestie technique, échoue à apporter une plus-value dans la représentation en full 3D... voire inflige carrément un downgrade artistique par rapport au Myst original. Tout comme le premier Real Myst, en fait.
Pire encore, l'un des ajouts est vraiment foiré. Une feature permet, à l'image de Myst V, de jouer soit en déplacement libre, soit en déplacement écran par écran avec transition en temps réel. Mais le(s) designer(s) en charge de rendre les mouvements de caméra transitoires dans ce dernier mode ont expédié leur boulot un peu n'importe comment : les déplacements sont rendus assez bizarrement, avec une vitesse de déplacement irrégulière que rien ne justifie et, en général, des mouvements qui semblent avoir été directement enregistrés à partir de déplacements un peu patauds en mode temps réel. On s'en remet du coup très vite au mode temps réel... lequel, malheureusement, fait trop ressortir les imperfections esthétiques du rendu full 3D, et, contrairement à Myst V, n'est d'aucune utilité dans la résolution des énigmes, ce qui donne souvent l'impression de perdre son temps. Le seul ajout réellement appréciable de cette Masterpiece Edition se situe au niveaux réglages graphiques, beaucoup plus poussés et (enfin) dignes d'un jeu PC normal. On peut choisir le niveau de détail des ombres, du SSAO, du bloom, du filtre anisotropique, même si l'antialiasing n'est réglable que sur "on" ou "off". Le jeu supporte également un large panel de résolutions. Par contre, on peut se montrer plus réservé sur les conséquences de ces réglages, pas forcément évidentes. Avec toutes les options graphiques au maximum, le jeu n'est pas la tuerie graphique espérée, l'antialiasing reste trop discret et... ça rame. Surtout, esthétiquement, ce n'est toujours pas très convaincant. On est dans l'ensemble épargné des (très) graves problèmes d'optimisation du premier Real Myst (plus de zones où l'affichage passe en mode diaporama, notamment), mais dans l'ensemble, les ajouts et améliorations apportés ne suffisent pas vraiment à justifier l'addition. Même (surtout ?) les fans les plus endurcis, qui ont retourné l'original et ses remakes dans tous les sens, ne seront pas éblouis par ce remake paresseux. Son seul mérite est de rendre son prédécesseur obsolète, mais il ne s'en est vraiment pas fallu de beaucoup. Il est sans doute temps de laisser reposer le véritable chef-d’œuvre en paix.