Heureusement ou malheureusement, il y a dans l’histoire du jeu vidéo une énorme liste de jeux qui rentrent dans la catégorie “sur le papier, c’est cool mais…”. Des jeux qui tentent et qui osent… mais qui ratent. Pour moi, Resident Evil 4 est un peu l’inverse : c’est un jeu qui, “sur le papier”, a l’air absolument indigeste mais… qui réussit tout de manière magistrale.
C’est quoi Resident Evil 4 “sur le papier” ? Un jeu d’action ultra-linéaire où l’on pilote une sorte de tank, avec des séquences de shoot façon rail-shooter et des énigmes ultra simples. Certaines parties entières du gameplay, comme sauter, sont entièrement des “context sensitivity actions”, et le jeu fait aussi la part belle aux QTE. Il y a des petits coffres en or, et la monnaie du jeu est la défunte peseta d’Espagne. Il y a même des mini-jeux de tir.
Côté personnages : on a un bellâtre emo-bro avec une bonne répartie, une fille de président qui porte un pull en laine sur les épaules et dont le rôle principal est de geindre et crier votre nom. Les zombies parlent en espagnol (et c’est un peu pénible quand on parle un peu espagnol). On a un ancien compagnon de combat du héros qui, en fait, est un méchant. Une femme fatale en robe de soirée dont on se demande : est-elle une alliée ou une traîtresse (ouuuuuh, quel suspense). Et des ennemis qui se transforment en insectes.
Niveau ambiance, c’est un mélange improbable de folklore-gore, James Bond, Mission Impossible, The Thing, Romero, Alien, une fête foraine et Scooby-Doo. Côté références vidéoludiques : c’est Resident Evil 1-2-3, bien sûr, mais aussi Silent Hill, Metal Gear Solid, Rainbow Six, Dark Souls, Tetris (pour la mallette), les niveaux en chariots de Donkey Kong Country, Duck Hunt et Wave Race 64. C’est le pionnier de tous les jeux “QTE-based” à la Supermassive Games. C’est un jeu qui fait l’apologie des forces armées et qui dit que “les sectes, c’est mal”. C’est un jeu du début des années 2000 qui manque d’avoir certains commentaires misogynes.
Sur le papier, Resident Evil 4 semble boursouflé et incapable de savoir ce qu’il veut être. C’est un mélange de genres et d’ambiances qui ne devraient pas fonctionner. Et pourtant… ça fonctionne. J’ai lu beaucoup de reviews qui décrivaient le jeu comme un parc d’attractions, et je comprends désormais ce que cela signifie.
Tous ces éléments se mélangent avec une sorte de magie qui fait que l’on est diverti (dans le sens noble du terme) non-stop pendant 15 heures. Le pacing du jeu est absolument incroyable. Cela tient, bien sûr, à une gestion impeccable des différentes séquences de gameplay, fantastiquement bien articulées. On prend un plaisir immense à tirer dans les genoux des zombies pour ensuite leur donner un coup de couteau final. On passe rapidement de la peur au rire, ce qui n’est pas spécialement évident dans le genre du survival. Certaines séquences sont particulièrement intenses pour les nerfs. Je crois bien, d’ailleurs, que je vais devoir consulter un ostéopathe, ayant un début de torticolis.
Je l’ai testé sur Wii, tout simplement parce que j’ai trouvé un exemplaire à 10 € mais aussi parce que les jeux où il faut viser précisément me tendent. Là, c’est incroyable à quel point on est précis, malgré quelques frustrations (j’ai appris à mes dépens qu’il faut suffisamment de lumière pour que la “sensor bar” de la Wii détecte la Wiimote).
Je suis content d’avoir pris le temps de jouer à l’original avant de me lancer dans le remake. J’ai toujours cette crainte qu’un remake efface totalement sa version originale. À lire les commentaires, il semblerait que rien ne pourra supplanter cette version originale.
PS : je suis absolument fan de la couverture de ce jeu : https://m.media-amazon.com/images/I/81XxINzzhPL._AC_SL1500_.jpg