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Banalisée par une pléthore de shooters aseptisés, la guerre reprend dans Spec Ops: The Line toute sa dimension tragique et choquante. Sur le terrain, le manichéisme s'efface devant des réalités autrement plus complexes, dictées autant par le sens du devoir que par l'instinct de survie.
Si le joueur est parfois le témoin d'atrocités, il lui arrive tout autant d'en être l'auteur - par accident ou nécessité.
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Héros un instant, le joueur devient sans transition la pire des ordures. À mesure qu'il oscille entre tous ces états, le protagoniste sombre peu à peu dans la folie. Et le joueur ne peut s'empêcher de le suivre, autant acteur que spectateur d'une spirale infernale dont il sait que l'issue ne peut être heureuse.
Ce rollercoaster émotionnel, entre jubilation et consternation, entre plaisir et dégoût, entre toute-puissance et peur profonde, est la plus grande force de Spec Ops: The Line. Les choix imposés au joueur n'ont pas de bonne solution. Juste une mauvaise et une pire. Et parfois, la pire des options est aussi la meilleure.
La guerre n'est pas propre. Elle est sale, glauque et profondément répugnante. Spec Ops: The Line le sait et ne le cache pas au joueur. Avec une science du détail remarquable, le jeu distille le malaise en continu autant qu'il le déverse en abondance dans des scènes chocs.
Et on se dit que Dubaï l'orgueilleuse est l'écrin parfait pour cette histoire sombre et tragique, celle d'une déchéance programmée. Isolé du monde dans cette prison dorée et ensablée, l'homme se dévoile dans ce qu'il a de pire et, parfois, trop rarement, de meilleur.
Spec Ops: The Line est un jeu indéniablement subversif, aussi insoutenable qu'indispensable, qui débanalise intelligemment la violence et porte en lui les germes du renouveau d'un genre au potentiel sous-exploité.