On est en septembre 2020 et au moment où j’écris cette critique, dans quelques jours, sortira « Super Mario 3D All Stars », le petit « cadeau » (à 60 euros) de Nintendo pour célébrer les trente-cinq ans de sa mascotte adorée.
Et si d’un côté je me dis que cette compilation n’apportera pas grand-chose dans la saga Mario (ressortir « Super Mario 64 » sans relifting graphique, c’est un petit peu du foutage de gueule tout de même), d’un autre côté je ne peux m’empêcher de me dire que cette sortie aura peut-être un mérite : donner sa chance à « Super Mario Sunshine » de se (re)faire une réputation.
Bah oui parce qu’il se trouve que cet épisode sorti sur GameCube en 2002 ne bénéficie pas d’une renommée bien folichonne, et j’avoue que c’est vraiment quelque chose que j’ai du mal à comprendre.
Alors peut-être ce jeu a-t-il souffert du fait que sa plateforme d’origine n’a pas connu le public qu’elle aurait pu/dû rencontrer. (...Et franchement ce n’est pas totalement impossible.)
Peut-être aussi que le fait d’être le successeur de « Super Mario 64 » n’a pas aidé non plus. C’est sûr qu’après le gap gigantesque qui a été opéré par son prédécesseur de la N64 – révolutionnant au passage le jeu vidéo – on pouvait être en droit de considérer qu’à côté de ça, ce « Super Mario Sunshine » se la jouait un petit peu petit bras…
Et peut-être qu’enfin le choix de thématiser cet épisode au sein d’une île paradisiaque était une audace de trop qui ne pouvait que diviser les afficionados des épisodes précédents…
Soit. Tout ça je l’entends…
Mais bon voilà, moi à côté de tout ça, je reste quand même avec un constat en tête : en 2002, quand je me suis retrouvé avec ce titre dans les pattes, eh bah j’ai adoré.
Mais vraiment adoré à fond…
Alors OK, peut-être que cet épisode n’a pas eu la présence d’esprit de tout révolutionner au concept d’un Mario 3D, comme Mario 64 avait su révolutionner le jeu de plateforme en 2D. Seulement voilà, moi je trouve que cette histoire de jet-pack à eau, c’est déjà en soi suffisamment disruptif pour s’extasier…
Quand on est rodé au maniement de Mario en 3D, se retrouver dès le départ avec ce J.E.T. sur le dos, ça ouvre tout de même tout un champ nouveau de possibilités.
Parce que l’air de rien on peut continuer à jouer à Mario à l’ancienne – même si la palette de mouvements du précédent opus à été légèrement revue à la baisse (adieu le saut en longueur par exemple, et j'avoue pour ma part que je trouve que ça fait un petit peu mal) – mais en parallèle tout cela a été compensé en partie du fait qu'on puisse désormais faire mumuse avec ses buses.
Eh oui j’ai bien dit « mumuse » parce que j’ai encore un parfait souvenir de ce premier contact avec l’appareil. L’aire de jeu était volontairement simpliste pour qu’on puisse l’expérimenter et franchement, malgré l’absence d’enjeu à ce moment précis, je me suis amusé à découvrir comment la chose se prenait en main.
Parce que l’air de rien, comme son prédécesseur, cet épisode est vraiment pensé pour tirer pleinement parti du pad de la console sur lequel il est sorti, notamment les deux joysticks et les deux gachettes à enfoncement progressif.
Pour le coup c’est assez instinctif et ça s’emploie avec beaucoup de souplesse. On voit tout de suite l’étendue de possibilités que ça va ouvrir. On sent aussi que le plaisir va augmenter au fur et à mesure qu’on apprendra à gérer ce gameplay beaucoup plus technique qu’il n’y parait au premier abord.
Et puis je n’oublie pas qu’en plus de ça, en 2002, un tel rendu de l’eau, c’était quand-même sacrément chouette et sacrément beau.
D’ailleurs je le trouve globalement très beau ce jeu. Mais vraiment.
Pour moi la thématique « vacances sur les îles » a été une vraie bouffée de fraicheur.
J’ai d’autant plus aimé que j’ai trouvé que ça instillait une atmosphère plutôt pertinente au regard de ce que cherche à nous faire faire un Mario.
Au fond, un Mario 3D c’est autant devenu un jeu d’exploration et d’expérimentation de techniques de sauts qu’un banal jeu de plateformes. En d’autres termes, c’est clairement le genre de jeu où il faut essayer des trucs et surtout avoir envie d’essayer des trucs.
Or l’atmosphère « vacances » de ce titre à ceci de pertinent qu’elle pose d’emblée une ambiance à la cool, sans pression.
On est là pour se détendre. No rush. Et quand bien même la princesse Peach a été une nouvelle fois capturée qu'on sent qu’il n’y a pas péril en la demeure non plus.
D'ailleurs, pour ma part, je me suis surpris plus d'une fois à flâner tout en m'amusant du fait qu'on pouvait voir au loin les autres niveaux du jeu.
C'était comme si au-delà de l'aventure on était aussi un touriste curieux se baladant de point d'intérêt en point d'intérêt.
...Une impression vraiment rafraîchissante, surtout pour un jeu de plate-formes.
J’ai d’ailleurs particulièrement apprécié ce que cet épisode installe comme « ton ».
L’air de rien, avant cet épisode, les Toads la princesse et Bowser avaient un côté très figé, désincarné.
Là, par contre, Nintendo prend la peine de les caractériser simplement mais efficacement.
Ainsi le studio parvient à s’amuser habilement de son univers. La Princesse Peach devient une pauvre ingénue tandis que les Toads se transforment en gros froussards à la voix aigrelette.
C’est un choix d’autant plus logique quand on sait à quel point, depuis l’origine de la saga, la Princesse n’a que pour seule caractéristique celle de se faire capturer en permanence sans rien biter de ce qu’il lui arrive tandis que les Toads restent la plupart du temps planqués dans leurs baraques pour se contenter d’offrir des items.
Ces simples choix offrent une épaisseur et un sens du décalage que je ne trouve pas si anodins que ça. Un ton qu’on retrouve d’ailleurs désormais dans tous les autres jeux de la saga…
Mais dire tout ça, c’est malgré tout passer à côté de l’essentiel de ce jeu : le « jeu » justement.
Parce que bon, une fois lancé dans les niveaux, je trouve que le challenge proposé en termes de gameplay est quand-même sacrément diversifié et sachant pleinement tirer parti de la maniabilité avec le jet pack.
Alors certes, tout ça fait très « Mario 64 » avec un hub central qui donne accès à des niveaux pour collecter des étoiles / shines. On retrouve le challenge des pièces rouges et des cent pièces. On retrouve une maison / hôtel hanté(e), tout comme on retrouve l’idée qu’il faille aussi fouiller le hub central pour collecter d’autres shines… Tout ça effectivement on connait déjà…
Maintenant voilà, « Mario Galaxy » fonctionne aussi comme ça (et j’ose rappeler que la plupart des openworlds modernes fonctionnent aussi comme ça aujourd’hui, et cela à des dimensions pantagrueliques) et pourtant personne n'a crié à l’odieuse répétition le(s) concernant.
Moi en tout cas ça ne m’a pas choqué en 2002. Au contraire, j’y ai vu de la continuité dans la rupture. J’y ai vu (certes) des bases connues, mais renouvelées par un gameplay que le jet-pack et les buses différenciées ont su enrichir.
Alors oui, on pourra chouiner sur le fait que Yoshi est trop peu présent et qu’il est un petit peu délicat à manier, de même qu'on pourra pester contre la difficulté de certains niveaux qui vont jusqu'à pousser le gameplay au-delà de ses limites agréables (et pour le coup ça c'est un vrai point noir.) Enfin, je peux comprendre qu'on fasse aussi la fine bouche sur l’esthétique de la population autochtone (que je trouve pourtant assez cohérente avec l’esthétique globale de cet univers tropical mais bon…)
Malgré tout ça, il n’empêche que derrière tout ça on a un jeu très riche, renouvelé, réagissant au doigt et à l’œil et surtout assez exigent, quitte parfois à l'être un peu trop.
Ce jeu est un pur condensé de savoir-faire Nintendo.
Non seulement il s’inscrit parfaitement dans l’histoire de la saga Mario – se permettant même de très belles séquences à l’ancienne sur des airs bien nostalgiques – mais en plus il sait apporter son lot d'innovations et marquer son identité.
Personnellement je ne vois pas ce qu’on pouvait demander de plus à cet épisode.
Et franchement, des fois, j’ai juste l’impression qu’on reproche à ce « Super Mario Sunshine » le simple fait de ne pas être « Super Mario 64 » ou du moins de ne pas l’être suffisamment.
Alors après j’entends : on se doit toujours d’interroger une œuvre au regard de ses prédécesseurs. Mais bon, à un moment donné il faut aussi savoir être un petit peu lucide.
Ce jeu a tenté un coup d’audace, aussi bien dans la forme que dans le fond, et le fait est que ce coup a au moins le mérite d’être cohérent et fonctionnel.
Alors après il appartient à chacun de se reconnaitre dans cette audace ou non : sur ce point je suis OK. Mais quand je lis à droite et à gauche que le J.E.T. est une purge à manœuvrer, que ça dénature le gameplay de Mario et que ça le rend « injouable », je me demande si ces gens ont vraiment pris la peine de s’ouvrir à ce que ce titre cherchait à proposer…
Mais bon, bientôt chance sera à nouveau donnée à tout le monde de refaire son jugement.
Au moment de la rédaction de cette critique « Super Mario 3D All Stars » approche des bacs et pour ceux qui se sont crispés ou qui ne connaissent pas ce « Super Mario Sunshine », l’occasion est trop belle pour ne pas redonner sa chance à ce titre que je trouve injustement mésestimé.
Qu’on s’y replonge et qu’on sache apprécier ce titre pour ce qu’il est, c’est-à-dire un jeu exigeant ; un jeu audacieux ; un jeu à proposition…
Bref, en d’autres mots, un vrai jeu Nintendo…