On était sorti bouleversé du premier The Last of Us en 2013 et on s'est demandé pendant plusieurs années si on reverrait jamais Ellie et Joël sur nos écrans. Il faut dire que Naughty Dog, en dépit du succès commercial et critique du premier opus, ne s'était pas précipité pour lancer le développement d'une suite. Le studio de développement n'hésitant pas à préciser qu'un second volet ne serait mis en chantier que si un scénario suffisamment convaincant pouvait être proposé.
Trois ans et demi après la sortie du premier épisode, The Last of Us Part II était finalement officiellement annoncé. Mais les joueurs allaient encore devoir être très patients avant de pouvoir se replonger dans l'Amérique dévastée de la franchise de Naughty Dog...
...car c'est finalement le 19 juin 2020 que The Last of Us Part II déboule enfin dans les magasins et sur les plateformes dématérialisées. Une sortie chaotique après deux reports (dont un lié à la crise du Covid-19 qui empêchait la distribution du jeu dans de bonnes conditions) finalement précipitée après des fuites pour le moins déplorables sur le contenu du jeu, qui ont poussé Sony à utiliser la première fenêtre de tir qui se dessinait.
Pour qui a joué à TLOU premier du nom à l'époque de sa sortie (2013), introduire sa suite dans la console est un moment spécial, et les premiers pas dans le jeu le sont tout autant. Retrouver Ellie, désormais jeune adulte, et Joël, légèrement grisonnant, et faire nos premiers pas dans leur nouvelle vie, quelque part dans le Wyoming, est un instant réellement particulier. D'ailleurs cette découverte se fait paisiblement, comme pour ménager le joueur et lui permettre de prendre ses marques, comme ce serait le cas avec des gens avec qui on aurait vécu quelque chose de fort puis qu'on aurait perdu de vue pendant longtemps. Une manière aussi, peut-être, de nous préserver avant ce qui va suivre.
Par contraste, les premiers contacts avec les infectés, notamment lorsqu'ils ont lieu au corps à corps, sont assez déstabilisants de par leur brutalité, nous rappelant si besoin était que dans le "monde d'après", le danger et la mort ne sont jamais bien loin.
The Last of Us Part II est nettement plus long que son prédécesseur. Comptez une quarantaine d'heures pour en voir la fin, ce qui est particulièrement remarquable pour un jeu qui n'est ni un RPG, ni un open world. A ce titre, on pourra être légèrement décontenancé par le rythme et le contenu des 10/15 premières heures du jeu. Car une fois passée l'introduction générale et aussi étonnant que cela puisse paraitre, le soft de Naughty Dog va parfois laisser l'impression d'être un peu "plan plan". Certes, rien de vraiment méchant, mais on aura parfois la sensation que la construction du jeu est un peu trop prévisible (alternance de moments calmes et de scènes d'action) et que les vraies surprises sont bien rares. Un sentiment d'autant plus présent que ce second opus ressemble à un copier/coller du premier à bien des égards (gameplay, direction artistique, mécanique du jeu...).
Mais tout cela était évidemment sans compter sur le talent du studio américain et notamment de son équipe de scénaristes, qui vont embarquer le joueur probablement là où il ne l'aurait pas imaginé...mais chut, nous n'en dirons pas plus.
Toujours est-il que plus le temps passe, plus il faudra se rendre à l'évidence, Naughty Dog sait raconter une histoire. Comme dans la série Uncharted (et c'est notamment vrai sur le 4e volet), The Last of Us Part II bénéficie d'une qualité de narration rarement vue dans un jeu-vidéo. Ceci repose sur plusieurs aspects: la profondeur et le charisme des personnages (y compris ceux dits "secondaires"), la mise en scène des cinématiques et leur capacité à se fondre parfaitement dans le jeu, l'attitude "naturelle" des héros durant les phases de jeu (ils n'hésitent pas à échanger spontanément, à réagir à une situation ou laisser transparaitre leur état physique ou émotionnel du moment) et enfin, à un scénario parfaitement élaboré, suffisamment dense pour maintenir l'intérêt du joueur mais sans le perdre dans des conjonctures trop lourdes.
D'ailleurs, la construction de l'histoire est telle que le jeu bénéficie d'une bonne rejouabilité en permettant au joueur de reconstituer le puzzle de la trame scénaristique assez particulière du soft.
The Last of Us Part II, comme son grand frère, est avant tout un grand concentré d'émotions, une histoire qui vous prend aux tripes comme aucun titre lambda ne saurait le faire.
Bien évidemment, les phases d'actions sont nombreuses et font partie intégrante de l'aventure, mais se plonger dans ce jeu uniquement pour cet aspect là ne rimerait à rien. Le titre de Naughty Dog est bien plus qu'un TPS post-apocalyptique qui se limiterait à dézinguer de l'infecté à tour de bras et ceux qui cherchent un simple défouloir devraient sérieusement songer à jouer à autre chose.
Malgré tout, on ne saurait éluder la facette "action" du jeu. On l'a dit, les premiers contacts avec les infectés sont rudes et globalement, ils ne vous feront guère de cadeaux. En mode "normal", les munitions seront déjà limitées et nos héros meurent relativement facilement. On pourra cependant opter pour un niveau encore plus réaliste où une balle peut suffire à nous faire passer de vie à trépas.
Et si TLOU2 n'est pas le jeu le plus flippant de tous les temps, il nous réserve malgré tout son lot de stress et de tension, et c'est un vrai soulagement de sortir de quelques bâtiments sombres et particulièrement mal fréquentés. A noter que pour chaque "plateau" vous pourrez continuer d'utiliser l'attaque frontale, les éliminations discrètes, l'évitement ou la fuite, mais à vrai dire, ce sera souvent un mix de tout ça en fonction de la tournure des événements.
Ceci étant dit, la violence des infectés n'est pas celle qui choque le plus dans The Last of Us. Celle dont sont capables les hommes entre eux (qui plus est dans un monde devenu hostile qui devrait les inciter à se soutenir plutôt qu'à s'affronter) semble sans limite. A ce titre, Ellie et Abby (un autre personnage important du jeu sur lequel on ne s'étendra pas ici) symbolisent cette jeunesse survivante, celle qui n'a connu le monde qu'après l'épidémie, et qui a appris à ne pas avoir d'état d'âme pour rester en vie. Des personnages complexes, absolument pas dénués de sensibilité, mais capables des pires atrocités s'ils estiment que la situation le justifie. Sur ce point, cette suite franchit un nouveau cap dans la violence, ce qui pourrait en mettre mal à l'aise plus d'un.
D'autant que comme pour le premier épisode, Naughty Dog a fait le choix, fort et assumé, de ne pas laisser le scénario prendre différentes tournures en fonction des décisions du joueur. Ce dernier n'a donc aucune autre possibilité que de "subir" les événements...qui semblent ne jamais pouvoir aboutir à autre chose qu'à un bain de sang. La brutalité des humains, y compris des héros, interroge fortement sur la notion de bien et de mal, de ce qui est juste et ne l'est pas. Le fondement même de l'aventure, qu'on taira ici, est lui même un vrai de sujet de débat.
The Last of Us Part II est une œuvre à la fois radicale, puissante et poétique. Comme à la fin du premier épisode, elle nous laisse en sidération lorsque vient le générique de fin. Elle nous imprègne de ce même sentiment de grand vide et de cette sensation que les autres jeux seront forcément fades après celui-là.
On pourra toujours disserter sur ses quelques défauts, cette impression de relative facilité et de redondance avec le premier épisode (notamment sur la première moitié du jeu), certains aspects du gameplay qui font défaut (on aurait par exemple aimé pouvoir faire des glissades pour se protéger ou se mettre à l'abri comme dans Uncharted), une IA ennemie assez inégale mais globalement pas bien fûtée (celle de vos coéquipiers a été améliorée par contre), la progression très linéaire, des phases véhiculées rares mais plutôt ratées, etc. Tout ce qu'on aborde classiquement quand on parle d'un jeu-vidéo. Mais à vrai dire, l'essentiel est ailleurs quand il s'agit de The Last of Us. Ce qui comptera vraiment, c'est ce qu'il suscitera en chacun de nous. Il nous confrontera aux choix des héros et nous interrogera sur la conduite que nous, nous aurions tenu si nous avions été à leur place (car vous l'aurez compris, vous ne déciderez de rien).
Et parce que ce second volet et indissociable du premier, on conseillera volontiers de refaire celui-ci avant d'aborder cette nouvelle aventure. Deux épisodes qui forment un diptyque essentiel du jeu-vidéo contemporain. Deux chefs-d'œuvre qui marqueront leur temps.