Avec quelques trains de retard, j’ai enfin commencé puis terminé le jeu. Pourquoi avoir tant tardé ? Les fuites sur le jeu ainsi que certains avis, polémiques et critiques sur le jeu ne m’avaient pas donné envie de le faire « à chaud » mais d’attendre un moment plus propice. 2024 sera donc ce moment. Qu’est-ce que je retiens de ce prolongement direct du premier opus ? Spoiler alert placé ici car l’intrigue sera très largement dévoilée dans les lignes qui suivent.


Plutôt qu’un avis critique, je préfère me concentrer sur ce que le jeu m’a fait ressentir. Quitte à passer pour un perroquet, un pigeon ou une buse qui manque de recul critique, qui tombe dans les panneaux tendus par Naughty Dog, autant y aller à fond (même s’il y a chute, elle ne sera pas douloureuse). Et en plus il y aura même un morceau de musique pour accompagner chaque partie !


La complainte d’Ellie la surineuse

Le son : ici.


Tout d’abord j’ai apprécié le « risque » pris de tuer Joel rapidement et donc de nous proposer un récit qui rompe avec le premier (au sens où on ne va plus jouer avec un des deux personnages du duo, sauf lors des retours dans le passé qui permettent de maintenir présent, et de renforcer les liens entre Joel et Ellie, le passage au musée m’a beaucoup beaucoup plu, surtout le fait que Joel n’ait pas apprécié la suite de Jurassic Park :p). On prend quelques bons coups de clubs de golf dans la tête pour se dire que Joel et Ellie c’est fini. La manière de procéder est efficace et il n’y a pas de complaisance. L’exécution ne fait pas envie. Personne ne prend du plaisir dans ce règlement de comptes qui paraît, en plus instaurer des ruptures : entre Abby et les autres Lucioles ; entre les « vengeurs » de Jackson (Ellie, Tommy…) et le reste de la population qui a déposé des fleurs mais n’est pas prête à aller voir à Seattle. Ils ne sont pas lâches mais Joel et Ellie ne font pas forcément partie de la « famille » et assurer la survie de Jackson est davantage prioritaire que de partir à la poursuite d’Abby et ses amis.

Je dois dire qu’au départ je pensais qu’Abby en voulait à Joel et Tommy. Comme le second avait dit au premier dans TLOU qu’ils avaient fait des trucs pas nets pour survivre, je pensais que les deux frangins avaient pu éliminer les parents ou proches d’Abby, que cette dernière s’était enfuie et venait donc se venger, j’ai donc été surpris en voyant que les liens avec TLOU étaient beaucoup plus épais que cela. En plus, si Abby se fait traiter d’ « ordure » par Mel, ce terme a aussi été utilisé par Tommy quand il évoquait avec Joel, dans le premier jeu, ce qu’ils avaient fait pour survivre et qu’ils étaient des « ordures ».

Ensuite j’ai apprécié le côté plus « nerveux » du gameplay par rapport au premier jeu (auquel j’ai joué sur PS3). Alors certes on peut devenir un·e serial killer et trouver que TLOU 2 est une boucherie à ciel ouvert (le plus souvent). Mais le jeu nous laisse en fait libre de faire ce que l’on veut. On peut aussi la jouer discrétion et n’éliminer que le « strict nécessaire ». Donc la violence sanglante n’est pas un point de passage obligé.


Le fait de pouvoir jouer de la guitare est un autre plus. Le système proposé m’a plu même si je n’ai pas réussi à jouer de beaux morceaux. Mais ceux que nous pouvons écouter font le taf. La musique m’a semblé assez discrète dans le jeu. L’essentiel est ailleurs : dans les bruits de notre environnement, dans le souffle qui s’accélère, dans les voix entendues ou les claquements… dans la découverte de lieux où l’on peut visiter pas mal de bâtiments (même si ce n’est pas un monde ouvert). Je suis toujours aussi fan de ces lieux où le temps a passé, où les notes découvertes permettent de s’imaginer la vie des anciens occupants afin de densifier le lore du jeu. Et comment ne pas mentionner le travail de doublage (orignal comme français), les captures des corps en mouvement... Je me sentais à leurs côtés, partageant les petites joies, les blagues... et les peines.


Anger Games

Le son : ici.


Interpréter Abby pourquoi pas. Je dois concéder que j’ai quand même été un poil moins fan de cette partie du jeu que je trouve moins « prenante » que celle sur Ellie (ce qui est normal car j’ai un historique plus important avec Ellie) même si la lutte contre le « sniper » et la partie sur l’île m’ont bien accroché (j’aurais aimé m’y rendre avec Ellie…). J’ai peut-être moins ressenti la peine qu’éprouve Abby relativement à Ellie et la haine qui l’anime quitte à se consumer peu à peu (maigreur…). Mais ce basculement, qui rompt un peu plus encore la linéarité du récit, permet de combler des « trous » du point de vue d’Ellie, de nous montrer que les Wolfs ont leur propre organisation pour survivre. C’est un peu Jackson mais avec du sang sur les mains (ce que Jackson ne semble pas avoir, comme une utopie qui sera peut-être remise en cause plus tard), une Fedra qu’on en viendrait presque à plaindre et des Séraphites nouveaux venus dans le paysage qui ajoute encore un peu plus au « bordel » que devient Seattle.


On retrouve finalement en actes le propos que tient Maximus dans la série Fallout : tout le monde est d’accord pour sauver le monde mais le désaccord survient sur la manière (je paraphrase et reformule son propos mais l’idée générale est là). Alors qu’est-on prêt à faire pour sauver les « siens » ? Pour préserver le « nous » contre « eux » ? Comme Hellblade utilisait le recul historique pour poser des questions très actuelles, TLOU (les 2) prennent le prétexte d’un monde post-pandémie pour poser des questions immortelles dans leur actualité. Tout n’est pas blanc ou noir, et si l’idée n’a rien de nouvelle, la manière dont le jeu nous le montre, nous le fait sentir et ressentir (la vie quotidienne dans le stade de Seattle comme celle à Jackson…) m’a semblé tout sauf cosmétique.


Et si un point m’a marqué, c’est la manière dont est suggéré à mes yeux le fait qu’Ellie n’est pas devenue une tueuse froide, qu’elle n’est pas Tommy (ni Joel ?). Quand elle visite l’hôtel Serevena, Ellie et Dina échangent à propos d’une technique de Tommy pour faire parler deux types. Ellie tente de reproduire cela avec Mel et Owen. Mais comme le protocole laisse à désirer (les deux sont libres de leur mouvement…), Ellie n’obtient aucune information et est choquée par le fait que Mel soit enceinte. Elle laisse sa carte de Seattle sur place ce qui permettra à Abby de les retrouver…


(Je me suis aussi demandé si la carte que l’on récupère sur un vélo dans Seattle est un clin d’œil à Ça de Stephen King.)


Finalement, trois choses ressortent à mes yeux de TLOU 2 :

  • L’arbitrage entre la vie d’une personne et celle de plusieurs (vengeance, amour…)
  • Les parallèles entre Ellie et Abby qui pourront sembler être de grosses ficelles mais qui ont bien marché avec moi tout comme entre Abby et Joel (Mel traite Abby d’ordure, Tommy avait dit pareil au sujet de lui et Joel dans le premier jeu).
  • La question de l’après. TLOU 2 traite de l’acceptation de la mort d’êtres chers et comment y faire face. La vengeance, trouver d’autres personnes à protéger, renouer avec son passé (les Lucioles)…

Ballad of Fallen Angels

Le son : ici.


TLOU2 propose un cheminement pour comprendre le parcours des deux protagonistes, les décisions prises, les revirements… Si certains ont pu pointer des incohérences dans le récit, dans la structure générale du jeu je réponds deux choses : i) est-on toujours cohérent dans ses décisions ? ii) nos préférences, goûts, ne peuvent pas changer au cours du temps, en fonction de ce que l’on vit, du contexte… ? C’est ce que donne à voir bon nombre d’échanges et de regards. Oui il y a sans doute des imperfections mais elles participent à l’univers général de TLOU2. Parce que les individus qui le peuplent ne sont pas parfaits, voilà de quoi nous rapprocher d’eux un peu plus encore.


J’ai aussi ressenti la peine et les douleurs d’Ellie (et d’Abby) à travers les corps que l’on voit. Notamment celui d’Ellie tout au long du jeu (notamment à la fin du jour 2 à Seattle il me semble, quand on voit son dos) comme celui d’Abby après son passage chez les crotales. Le corps et l’esprit ressortent marqués de ce qui s’est passé.


L’espèce d’épilogue rompt avec les couleurs « froides » qui prévalaient jusqu’ici même si je l’ai trouvé rapide par rapport à notre séjour à Seattle.


Le combat final entre deux êtres visiblement à bout ne tiendra bien sûr pas ses promesses car l’intensité sera loin d’être au niveau de ce qui s’était déroulé au théâtre de Seattle. L’essentiel est ailleurs. Dans un affrontement qui nous offre un nouveau menu de démarrage et qui donne son sens à ce menu de démarrage que je ne comprenais pas bien au départ.


Le final montre une rupture et un renouveau. Et ma gorge continue de se serrer, une nouvelle fois.


Il faut imaginer Abby et Ellie heureuses.

Anvil
10
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le 25 mai 2024

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Anvil

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