Ceux qui me connaissent le savent, je ne fais pas partie de ceux qui se gavent de bandes-annonces et qui se hypent pour un rien. Seulement voilà, malgré cet état de fait là, je le reconnais : quand j’ai vu le premier trailer de ce remake de « Link’s Awakening » sur Nintendo Switch, je me suis enthousiasmé comme un gamin.
Mais que cette idée de remake est juste brillante !
Personne n’y avait pensé et pourtant, une fois annoncée, cette idée est apparue comme une évidence pour tout à chacun.
« Link’s Awakening » c’est une légende qui a désormais plus de vingt-cinq ans.
Ceux qui y ont joué s’en souviennent encore tandis que ceux qui n’y ont pas joué connaissent malgré tout son aura. Autant dire qu’un remake ne pouvait que satisfaire tout le monde, surtout qu’il était pleinement adapté pour des parties en mode nomade puisqu’il avait été lui-même pensé pour une console portable.
Bref, cette idée c’était de l’or en barre…
Et pourtant…
Bah et pourtant j’avoue qu’au final ma satisfaction est étonnamment modérée.
Pourtant sur le papier tout va bien : la promesse est pleinement respectée.
On retrouve bien la structure initiale du jeu en tableaux. Chacun de ces tableaux est bien reproduit à l’identique. Pas de trahison par rapport au Zelda original.
Ainsi les nostalgiques y retrouveront bien LEUR Zelda, tandis que les nouveaux explorateurs pourront quant à eux se faire une très bonne idée de ce qui faisait la force brute de cet épisode à son époque.
Mais malgré cela, la team Grezzo a su tout de même apporter les quelques retouches qui s’imposaient. Plus de flip-screens d’un tableau à l’autre. Désormais la carte se tient en un seul tenant ce qui est bien plus agréable. De même, le gameplay à deux boutons a été abandonné au profit d’une version qui tire pleinement partie des manettes modernes. Ainsi l’épée, les bottes de Pégase et le bouclier sont équipés par défaut. Le build ne se fait désormais plus qu’avec les autres objets sur les deux autres boutons restants. Un choix que je trouve judicieux car maintenir le gameplay original aurait été ici trop aride, surtout pour les nouveaux venus. De toute façon, pour les warriors de la première heure qui jugeraient ce changement trop conciliants avec le joueur, il y a le mode « héroïque » pour les réconcilier avec la difficulté originelle de cet épisode.
Rien à dire donc jusqu’à présent : pour le moment il n’y a que des choix gagnants.
Même ce look de petites figurines Playmobil se baladant sur un grand plateau en plastique, je le trouve vraiment charmant et pertinent.
Et pourtant donc – au risque de me répéter – ma satisfaction face à ce titre est étonnamment modérée.
Alors d’où vient le souci ?
Est-ce que le problème vient du fait que j’ai trop joué au jeu original et que ça a rendu mon exploration sur Switch monotone et sans surprise ?
Bah non. Même pas.
Parce qu’il se trouve justement que, moi, à cette époque là, je faisais partie de la team Game Gear. Et ce « Zelda », je n’y avais joué que sur la console d’un pote, par intermittence, mais suffisamment pour bien me frustrer de ne pas avoir de GameBoy ! Donc non : moi j’étais vraiment le public idéal. J’étais hypé depuis vingt-cinq ans. Il suffisait juste de me resservir le plat tel quel pour que je sois acquis à la cause.
Alors est-ce que le problème vient du fait que je n’ai pas su me remettre dans le trip des jeux de l’époque ? Après tout c’est vrai : il est quand-même vieux ce jeu !
Bah non. Là non plus, même pas.
Au contraire, j’ai même été scotché de constater à quel point l’architecture de cet épisode était toujours d’actualité aujourd’hui.
Rien n’est de trop. Il n’y a jamais de temps mort. Quelques événements viennent rompre avec la routine de l’enchainement des donjons.
Tout fonctionne à la perfection. C’est terriblement dense et malin.
C’est même presque le jeu idéal pour faire découvrir Zelda à une charmante petite tête blonde qui débute…
Donc non, vraiment, le problème ne vient pas de là non plus…
Mais alors qu’est-ce qui coince ?
Eh bah justement… Je pense que ce qui coince, c’est que les petits gars de chez Grezzo ne sont peut-être pas allés assez loin dans leur démarche d’adaptation.
Tout est trop propre. Trop sage…
Trop vite, les surprises ne viennent plus que du jeu Zelda en lui-même et plus suffisamment de la démarche de remake.
Une fois qu’on a vu la petite cinématique toute mignonne du début et qu’on a découvert le traitement visuel apporté au jeu, plus aucune surprise ne nous attend.
J’ai même presque envie de dire que, depuis le trailer, plus rien n’a été fait pour nous séduire et nous surprendre.
Alors qu’auraient-ils pu faire ces chers petits gars de chez Grezzo ?
Ne suis-je pas en train de leur demander l’impossible ?
Eh bah non – justement – je ne pense pas.
Des idées concrètes, pendant ma partie, j’en ai eu quelques-unes, et je les ai même eu assez rapidement tant elles manquaient à mon expérience de jeu.
Par exemple, si j’ai totalement adhéré au style « plateau à jouets », j’ai eu plus de mal avec les couleurs choisies.
C’est tout le temps flashy. Ça casse totalement l’atmosphère angoissante qu’on pouvait éventuellement ressentir dans l’épisode GameBoy. Alors certes – je ne demandais pas à ce que tout soit en vert et noir – mais je pense sincèrement qu’on aurait pu davantage varier les tons selon les endroits et ne pas simplement se limiter qu’aux quelques petits filtres brumeux que le jeu utilise parfois dans les zones censées être plus austères.
Trop souvent j’avais l’impression de jouer avec des PollyPockets avec plein de poneys arc-en-ciel partout, je n’avais pas l’impression de parcourir une aventure Zelda.
D’ailleurs, avec de tels choix, moi je trouve par exemple que toute la tension autour du poisson-rêve s’évente totalement. Toute l’ambigüité qui pouvait tourner autour de ce personnage est restée dans la cartouche de 1993 et n’est pas passée dans celle de 2019…
L’autre audace que j’aurais aimé qu’on prenne dans ce jeu – pour peu que ç’en soit vraiment une – ça aurait été d’opter parfois pour d’autres choix de caméra que la traditionnelle caméra zénitale. Je pense notamment aux moments où on visite des intérieurs de maisons. Toute la bordure d’écran se retrouve alors intégralement noire ou bleue. Franchement, dans ce cas de figure, j’aurais totalement accepté un choix d’angle typique des jeux 3D. Ça aurait été bien plus élégant, voire même plus immersif, et surtout ça n’aurait rien changé dans le principe au cœur du gameplay.
Et puis enfin il y a une dernière audace que j’aurais adoré rencontrer dans ce remake, c’est celle qui aurait consisté à donner un peu plus de relief dans la disposition des tableaux de Cocolint.
Et quand je dis ça, je ne parle pas de revoir le plan global ni même la composition des tableaux hein ! Non, j’aurais juste voulu qu’on rompe un peu avec ces espaces à angles droits, étriqués et étouffés par le format carré de l’écran de la Gameboy. De même que j’aurais aimé qu’on laisse dans la cartouche Gameboy cette triste et grande table rectangulaire qu’est la carte de Cocolint.
Après tout, Cocolint nous est présentée dès le départ comme une île volcanique. En somme : comme un espace cônique. Pas comme un rectangle.
Cette carte rectangulaire, elle a été fixée ainsi en 1993 pour de simples raisons de limites techniques. Or, moi je pense qu’il y avait carrément moyen de réajuster un petit peu la disposition des tableaux pour qu’ils s’enroulent autour d’un cône afin que tout cet univers prenne un peu de relief, un peu de dimension.
Faire par exemple de la chaîne de montagne non une bande qui s’étire d’Est en Ouest mais une bande qui s’enroule autour d’un cône, ça, ça aurait eu de la gueule sans forcément remettre en cause la structure des tableaux qui la composent.
Alors certes, cela aurait obligé à quelques déformations – et notamment des étirements au niveau des espaces les plus au sud de la carte – mais moi ça ne m’aurait pas dérangé. Au contraire ! Avoir une plage plus aérée, j’aurais trouvé ça chouette. Et même chose pour la « grande baie » ou le désert !
Pour le coup ça aurait apporté plus de panache à certains lieux (parce que bon, parfois les donjons, ça fait juste « cabanon ».).
De la même manière, ça aurait aussi permis d’atténuer voire de faire disparaitre certaines angulosités superflues en d’autres endroits. (Est-il par exemple indispensable que la forêt ressemble à un petit parc urbain avec tous ses sentiers en angle droit ? Aurait-ce été à ce point une trahison que de revoir un peu ces lieux ?)
Si cette dynamisation de la carte avait été bien faite – c’est-à-dire si elle avait été accomplie en respectant la disposition de chaque tableau du jeu original – je pense que cette audace aurait fait consensus derrière elle tant elle aurait su réenchanter ce lieu. Et personne n’y aurait vu une trahison du jeu original mais plus une optimisation ; un peu comme face au choix de ce gameplay qui passe de deux à six boutons.
M’enfin bon…
C’est peut-être aussi facile de faire tous ces reproches à partir d’un produit fini.
Surtout que si les gars avait fait une seule vraie grosse erreur, on ne les aurait certainement pas loupé là-dessus.
Parce qu’au fond j’ai beau me plaindre, il n’en reste pas moins un bilan que je ne peux nier : j’ai pris du plaisir à jouer à ce « Link Awakening ». C’est indéniable.
Ce jeu je l’ai bouffé très rapidement et j’y suis retourné très régulièrement, toujours avec entrain.
Rien que pour ça, ce jeu mérite donc une note positive.
Malgré tout, il y aussi autre chose que je ne peux nier dans ce bilan : c’est qu’à peine fini ce jeu, je l’ai tout de suite remballé dans sa boîte et puis je suis passé à autre chose.
Juste à titre de comparaison, il faut savoir qu’en même temps que ce « Link’s Awakening » j’ai aussi joué en parallèle à « The Red Strings Club », un jeu sur PC qui n’a rien à voir mais à qui j’ai attribué la même note. Le fait est que ce jeu, bien que fini depuis quelques semaines, m’entête encore aujourd’hui. Il a, malgré ses limites, laissé une trace dans mon parcours de joueur.
Alors que ce « Zelda », non.
Du coup, j’ai beau respecter le travail de Grezzo sur ce coup-là, je ne peux m’empêcher d’être malgré tout un tout petit peu déçu du produit final.
Car même si finalement on ne nous a pas menti sur le produit proposé – il ne s’agit au fond que d’un simple remake visant à faire honneur au bijou de game design qu’est le « Link’s Awakening » original – il n’empêche que ce remake, c’est aussi un jeu qui se finit en une dizaine d’heures, dont une bonne partie du travail avait déjà était fait vingt-cinq ans plus tôt, mais qu’on nous a malgré tout vendu au prix fort de 45 euros.
Alors oui, on ne nous a pas menti sur la marchandise.
Mais la culture Nintendo ce n’est pas ça.
Ce n’est pas seulement être honnête avec le joueur.
Non. La culture Nintendo c’est surtout de surprendre le joueur. De dépasser l’attente. De sublimer le genre…
Alors bon, ce « Zelda » a beau être un remake, il n’en reste pas moins un jeu Nintendo et surtout il n’en reste pas moins un jeu « Zelda ».
Et moi, je crois que ce monument qu’est « Link’s Awakening », eh bien il méritait un peu plus qu’être le Zelda sage et oubliable d’une console pourtant en pleine bourre…