Il fut un temps (entre 1992 et 2003 pour être précis) où chaque sortie d’un jeu Zelda sur console de salon était pour moi l’équivalent de l’apparition d’un messie vidéoludique. « A Link to the Past », « Ocarina of Time », « Majora’s Mask » et « Wind Waker » : quatre jeux qui ont marqué l’Histoire de cet art naissant ; quatre jeux qui ont marqué mon expérience de joueur.
Et puis il y a eu 2006 et « Twilight Princess » : déjà une première brèche dans mon petit cœur (pour ceux qui veulent savoir pourquoi je vous invite à aller ici.) Et ensuite, pour ne rester que sur les consoles de salon, il y a donc eu ce « Skyward Sword », sorti en 2011 : l’épisode du divorce.
L’épisode du divorce non pas parce qu’en y jouant je l’ai trouvé incroyablement mauvais. Non, l’épisode du divorce parce qu’à l’époque, je n’ai même pas eu envie d’y jouer.
Le premier Zelda sur console de salon que j’ai laissé de côté : oui, pour moi « Skyward Sword » incarne clairement une période noire pour la saga Zelda…


Alors du coup, suite à ce premier paragraphe, vous vous demandez sûrement comment j’ose noter et m’exprimer sur ce jeu si je n’y ai pas joué…
Mais rassurez-vous, si vous lisez ces lignes, c’est qu’en fin de compte, « Skyward Sword » je m’y suis quand même risqué.
C’était en 2017. J’avais le jeu sur les bras depuis quelques années (un cadeau), et surtout aucun autre jeu dans le viseur. Je me suis alors dit que c’était le moment où jamais de lui donner sa chance.
...Et je me souviens que je me questionnais encore à l’époque : mais pourquoi avoir refusé à ce point de jouer à ce jeu ?


Après tout, c’est vrai que les retours n’étaient pas si top que ça, mais ils n’étaient pas si catastrophiques non plus. On ne parlait même pas d’un jeu raté !
Seulement voilà, en reprenant la jaquette en main, je me suis tout de suite rappelé.
Ces captures d’écran du jeu situées à l’arrière résumaient à elles seules tout ce que je redoutais et que je ne voulais pas voir…
Une forêt, de la lave, des Zoras (bon en fait c’était Fay, mais sur le coup j’ai pris ça pour une Zora, enfin passons…) : bref, tout ce que j’avais déjà vu depuis quelques épisodes ! Encore et encore !
Et en plus de cela les décors avaient l’air restreints, dépouillés, pastels, enfantins…
Au regard de ce qui sortait à la même époque sur les consoles concurrentes cela faisait tellement daté et hors de son temps !
Une sorte de jeu englué dans les conventions de sa saga qui comptait nous ressortir tout le temps la même chose jusqu’à plus soif…


Voilà ! C’est exactement cela qui m’a fait fuir ce jeu !
Et si encore aujourd’hui ce « Skyward Sword » est un épisode qui divise tant, c’est parce que d’un côté il est bien ce jeu naphtalineux et cloisonné que beaucoup ne voulaient surtout pas voir, mais qu’en parallèle, il est aussi un jeu loin d’être raté, offrant même au passage quelques propositions audacieuses dont beaucoup serviront de socle pour « Breath of the Wild ».
C’est en tout cas ce que j’ai découvert en parcourant ce « Skyword Sword » en 2017 : un jeu qui – je l’avoue – me divise moi-même encore grandement.


Pourtant les premiers instants furent plutôt positifs.
Célesbourg est un endroit charmant pour commencer l’aventure.
Il pose tout de suite la singularité de son univers par rapport aux autres épisodes (ici, visiblement, il sera surtout question de se balader dans les cieux) ; il est plutôt riche et bien pensé, ouvrant déjà pas mal de possibilités nouvelles (notamment tout ce qui concerne le marché) et puis surtout, il parvient à imposer son style.
Au fond, ces teintes pastelles, associées à ces musiques incroyablement séduisantes (peut-être l’une des meilleures pour un Zelda d’ailleurs), tout cela forme un tout très léger et assez aérien, correspondant au fond assez bien à la thématique de l’épisode.
Bref, passée la première heure de jeu, j’étais déjà tout jouasse en me disant que j’allais me farcir là un très bon Zelda injustement décrié…


Seulement voilà, je pense que très rapidement, un ennemi s’est imposé pour ce « Skyward Sword » puisse s’exprimer pleinement. Et cet ennemi… ce fut la Wii.
Parce que l’air de rien, si chaque épisode de Zelda a su être une vraie claque, c’est aussi parce que chacun savait profiter du gap de possibilités qu’offrait le passage d’une génération de console à l’autre.
« A Link to the Past » avait bénéficié d’un lifting complet en termes de son et de couleurs, ce qui avait été rendu possible par les nouvelles performances de la SNES.
« Ocarina of Time » avait bénéficié de l’arrivée de la 3D sur la N64.
« Wind Waker » avait totalement repensé l’espace en décloisonnant tout et en abolissant les temps de chargement, et cela grâce à la GameCube…
Là, avec « Skyward Sword » - et c’est triste à dire – mais moi j’ai eu l’impression de rebasculer vers les générations d’avant « Wind Waker », voire même parfois d’avant « Ocarina of Time… »


Ce n’est pas compliqué, moi j’ai commencé à déchanter dès que j’ai quitté Célesbourg.
A peine s’envole-t-on, que se passe-t-il ?
Eh bah on constate que la carte est ridiculement petite ; qu’elle a très peu de verticalité ; et puis surtout qu’elle est – avouons-le – assez moche.
Quand partir en pleine mer dans « Wind Waker » refilait des frissons car c’était une vraie évasion vers l’inconnu ; là on a un vieux tapis nuageux dégueulasse sous nos ailes et un paquet de polygones qui flottent de manière statique là-dessus.
On ne peut même pas se poser où on veut dans Célesbourg puisqu’il faut qu’on se bouffe un temps de chargement à chaque fois.
On ne peut même pas se balader tranquillou en regardant au loin parce que dans les faits, on est dérangé toutes les dix secondes et, en plus de ça, à cause des limites d’affichage de la console, on ne voit pas grand-chose à l’horizon.
Et là où l’équilibre était impeccable dans « Wind Waker » en termes de largeur et de remplissage de l’espace, ici dans « Skyward Sword » l’équilibre ne fonctionne pas du tout.
Trop petit, trop rempli, pas assez cohérent visuellement (moi j’avais l’impression parfois d’être dans « Hugo Délire » ou « Pilotwings », c’est dire !)
…Et en plus de cela le cycle jour / nuit ne se déroule même plus automatiquement ?!
Pour le coup, voilà une régression de plus à mettre au crédit de ce « Skyward Sword » !


En somme, un ciel dans lequel je n’avais pas forcément envie de passer beaucoup de temps.
Un peu logique en même temps parce que, très rapidement, le jeu nous fait comprendre que le ciel ne sera pas le cœur de l’aventure mais juste un monde-passerelle qui va permettre de connecter tous les niveaux les uns aux autres…
Et c’est là pour moi que se trouve l’une des ENORMES erreurs de ce « Skyward Sword ».


Et je m’excuse pas avance auprès de tous ceux qui s’agacent qu’on fasse autant de comparaison entre ce « Skyward Sword » et son prédécesseur « Wind Waker », mais pour moi c’est vraiment en mettant ces deux épisodes côte-à-côte qu’on se rend compte de ce que tout le premier a échoué à reproduire du second.
Parce que oui – on ne va pas se la faire à l’envers non plus – dans l’idée, « Skyward Sword » c’est clairement un « Wind Waker » où la mer est remplacée par le ciel.
Or, dans « Wind Waker » la mer n’était pas vécue comme un simple monde-passerelle. Les îles y étaient intégrées de telle manière à ce que tout cet ensemble forme un tout.
Combien de fois a-t-on fait le tour d’une île en bateau pour voir s’il était possible de l’aborder par un autre rivage ?
Combien de fois a-t-on découvert un caillou ou abordé un galion à force de naviguer ?
La mer posait le tempo du jeu et des découvertes.
Et même si au final, chaque île et chaque machin flottant constituait un niveau fermé (ce qui rendait le jeu techniquement faisable pour l’époque), la mer était le liant qui décloisonnait en permanence ces lieux.
C’était elle qui donnait cette sensation de liberté et d’exploration.


Or, là, dans « Skyward Sword » le découpage est manifeste.
Il y aura quatre mondes : le ciel (qui se réduit très vite à Célesbourg), la forêt, le volcan et le désert.
Quel lien entre tout ça ? De simples trous dans le ciel, tels des tableaux du château de Peach dans « Mario 64 ».
Seulement, le problème c’est que dans Mario 64, des tableaux, il y en avait une dizaine.
Là, des trous dans le ciel, il n’y en a que trois.
Encore une impression de régression…


Trois mondes seulement donc… Qui blâmer ?
Encore une fois, la Wii je pense.
On ne pouvait pas se permettre de faire des décors trop gros parce que la distance d’affichage était restreinte, donc la solution a été de réduire au maximum les décors et de compacter le plus de choses possibles dedans. Si bien que l’intrigue, au lieu d’explorer une dizaine de mondes différents va nous faire faire des allers et retours permanents dans les mêmes endroits, et cela afin d’allonger au maximum – et de manière totalement artificielle ! – la durée de jeu…


Et je suis désolé, mais se balader dans ces mondes, c’est quand même d’une tristesse !
Tout est barricadé en couloirs de partout, tellement on craint les limites d’affichages !
C’est d’un étroit ! Même dans « Ocarina of Time » tu avais une meilleure impression de grands espaces, que ce soit sur la grande plaine, sur le lac ou bien dans le désert !
C’est quand même dingue ! Quand on se dit que « Read Dead Redemption » est sorti un an avant ce jeu-là, et qu’« Assassin’s Creed II » est sorti encore un an plus tôt !
Mais c’est juste violent de se retrouver dans un jeu qui nous invite à la grande aventure mais dans un monde aussi étriqué !


Et puis voilà quoi : la forêt, le volcan, le désert… On connait. On a déjà donné !
Du coup, je l’avoue, je n’avais absolument aucune envie de les parcourir ces mondes.
Pour moi c’était comme aller à l’usine. « Allez… Il va falloir que je rechoque l’arc, le grappin, et tout le tintouin, que je fasse tant de donjons pour enfin voir ce que l’épisode compte vraiment me dire avec son méchant d’opérette là…
Et pour le coup j’enrage vraiment face à cette architecture étriquée car, à chaque fois que je finissais un monde ou un donjon, j’arrivais toujours à la même conclusion : « Ah bah en fin de compte c’était sympa. Il y avait de bonnes idées là-dedans… Ils ont bien réinventé le truc. »
Mais le plaisir venait toujours a posteriori. Et ce plaisir ne donnait pas pour autant envie de faire la suite, toujours à cause de cette impression plate de refaire ce qu’on a déjà fait des centaines de fois dans d’autres Zelda…


Le voilà le gâchis !
Le voilà le sentiment de frustration des haters de cet épisode !
Parce que l’air de rien, au milieu de tout ce marasme-là qui a affadi clairement mon expérience de jeu, il y avait quand même toute une plâtrée d’idées que j’ai trouvé intéressantes, voire même parfois, clairement brillantes.


Parce que oui, au-delà des temples (comme à chaque fois) très bien ficelés et inventifs, des boss toujours spectaculaires et variés et des petites énigmes sympas qui pullulent (les bases d’un bon Zelda quoi), il y a eu quand même dans cet épisode quelques belles trouvailles.
Certaines nouvelles armes (comme le fouet, l’aspirateur, ou les gants de fer) qui offrent de nouvelles perspectives de gameplay, mais aussi l’épreuve des psysalis qui m’a vraiment marqué dans le bon sens, à la fois en termes d’atmosphère que de plaisir de jeu.


...Et puis surtout je retiendrais l’idée très astucieuse de la chronolithe qui, sur les deux temps que l’on passe dans la vallée de Lanelle, bouleverse pas mal nos habitudes de jeu…
Moi d’ailleurs, je n’ai vraiment pris mon pied dans ce jeu que dans la vallée de Lanelle. Et – ô surprise – comme par hasard, c’était le seul univers qui, aussi bien en termes d’atmosphère que de gameplay, était vraiment nouveau dans cet épisode de Zelda…
Comme quoi, en disant cela je pense qu’on tient également là un bon élément d’explication du non-succès de cet épisode.
Si on avait eu trois vallées de Lanelle (j’entends pas là trois mondes qui soient de vrais environnements nouveaux) au lieu d’un tiers de Lanelle et deux tiers de resucée des épisodes précédents, je pense qu’on aurait déjà éliminé par mal de frustration.
...Enfin je veux dire : on aurait éliminé par mal de frustration… à condition bien sûr d’éliminer également le dernier point noir qui pour moi fait tâche dans cet épisode : le WiiMotionPlus.


Eh oui ! Après avoir fait le tour de quasiment tous les points de ce jeu, je trouve que c’est quand même intéressant de conclure sur cette dernière composante, souvent passée sous silence dans les Zelda car souvent irréprochables : le gameplay.
Parce que oui, pour moi, on dira ce qu’on voudra de tous les aspects dont je viens de parler, mais ce point-là c’est celui qu’on ne peut pas pardonner.
Un gameplay approximatif dans un Zelda, c’est juste fatal. Et ça c’est juste fou quand on connait l’exigence de Nintendo sur cette question-là !
Comment a-t-on pu en arriver à un tel niveau de médiocrité sur un épisode de Zelda ?
Eh bien, encore une fois, je pense que si on en est arrivé là, c’est une fois de plus à cause de la Wii.


Oui, je le dis : le WiiMotionPlus, ça ne marche pas.
Et quand je dis que ça ne marche pas, ce n’est pas de la mauvaise foi.
Beaucoup me diront : « Roh ça va ! 80% du temps ça fait ce que tu as à peu près demandé. »
C’est vrai, mais « 80% » et « à peu près », ça ne correspond pas à ma définition de « marcher. »
Si on me disait d’une voiture qu’elle va dans la direction demandée que 80% du temps, je ne dirais pas : « C’est bon ! Elle marche ! »
Pour un jeu vidéo pour moi c’est pareil.
Alors pour un Zelda…


De toute façon, ce n’est pas compliqué, dès que cet outil est mis au cœur du gameplay, c’est la catastrophe.
Voler c’est hasardeux mais ça passe encore.
Mais les combats, c’est juste la Bérézina.
Heureusement, la plupart du temps, les mouvements demandés sont très simples.
Par contre, quand il s’agit de lutter à l’épée contre le big méchant du jeu, eh bah là c’est un calvaire.
Le premier combat, je l’ai clairement gagné sur un coup de chance après mettre usé le poignet.
Le deuxième combat, plus en fin de jeu, c’est lui qui m’a clairement fait arrêter.


Oui, je ne suis pas allé au-delà du boss dans le palais du volcan. Bref, j’ai arrêté ce « Skyward Sword » presque à la fin.
Pourquoi ?
Parce que c’était trop dur ?
Non, parce que c’était trop aléatoire.
Parce que je n’avais pas suffisamment d’emprise sur le jeu.
Et ça, c’est triste à dire, mais malgré tout ce qu’on voudra sauver de ce « Skyward Sword », à partir du moment où le gameplay est hasardeux, ça tue beaucoup de choses.
Et que le responsable de cette faute ultime soit encore une fois le hardware de la Wii, pour moi ça dit beaucoup de choses sur ce qui explique l’incroyable ambivalence de « Skyward Sword ».


Et au final, ça m’emmerde…
Oui, ça m’emmerde vraiment de constater que ce jeu n’ait été au final que la moitié de ce qu’il aurait pu être.
Parce qu’au final, ce « Skyward Sword », je n’en retiens que des frustrations, et je pense que je n’y retournerai jamais.
Et ça m’emmerde d’autant plus que tout n’est pas à jeter dans cet épisode ! Et on ne peut pas faire comme s’il n’avait pas existé.
Comme je le disais plus haut, la B.O. est certainement l’une des plus belles qui n’ait jamais été composée pour un Zelda.
De même, beaucoup d’idées comme la gestion de l’endurance et l’univers de la Vallée de Lanelle sont clairement des bases sur lesquelles va s’appuyer « Breath of the Wild ».


Du coup, quand vient le moment de le juger ce « Skyward Sword », je suis embêté.
D’un côté j’ai envie de retenir l’idée que, bon-an-mal-an, je suis quand même allé assez loin dans ce Zelda, et cela sans vraiment m’ennuyer et parfois même en passant vraiment de très bons moments...
De l’autre, je me dois quand même aussi de retenir que ce Zelda est le premier auquel je décide de ne pas aller au bout, qu’il fut source de frustrations ultimes, et que je me suis trop souvent retrouvé à me dire : « Ah ! Pas mal cette idée là ! Dommage par contre qu’il ne l’ait pas exploitée autrement… »


Bref, fixer une note est difficile. Et si je mets finalement 6/10 – ce qui reste en fin de compte une note convenable – c’est justement parce que c’est l’idée générale que je me fais de ce « Skyward Sword ». C’est-à-dire un Zelda qui, au regard des autres épisodes de la série, ne mériterait clairement pas la moyenne mais qui, au regard de tous les jeux auxquels j’ai pu jouer reste une expérience de jeu certes frustrante mais intéressante. En somme, je vous dirais ceci. Jouer à « Skyward Sword », c’est jouer un Zelda à peine passable, mais jouer à un Zelda à peine passable, c’est malgré tout jouer qui a un certain niveau de maitrise et de plaisir à offrir…


Et ça, ce n'est tout de même pas rien.

Créée

le 26 août 2018

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