Évitons dès la première phrase toute forme de malentendu : Wild Hunt est aisément l'un des meilleurs titres de l'année. (Le fait que celle-ci ait été particulièrement anémique mérite sans-doute d'être mentionné au passage mais ne devrait en rien entacher la performance réalisée par les artisans compétents de CD Projekt.) Le plus extraordinaire dans toute cette affaire reste que ce jeu est l'un des meilleurs titres de l'année malgré un gameplay plat, approximatif et surtout pas particulièrement inspiré. Les combats? Imprécis mais fonctionnels. Les déplacements? Pifométriques mais acceptables. L'interaction avec les décors? Attendez; j'allume une bougie sans faire exprès. Et malgré toutes ces scories : ça marche.
La principale réussite de The Witcher 3 reste son niveau d'écriture. Le scénario - sans être révolutionnaire - offre des moments où l'on se surprend à croiser l'un ou l'autre personnage mémorable. Parfois, une sous-quête vous laisse un choix qui n'est pas totalement dépourvu de poids. Ce qui est devenu assez rare. Tous les artifices d'écriture utilisés ici vont dans le sens de vous donner l'impression fugace que vous participez à une aventure placée dans un monde cohérent de plus d'une manière. Déjà, il est crédible. On ne va pas chercher l'Épée Mystique de Merlicopée dans la Forêt du Bashoumbashom pour se battre contre le Dragon d'Humflubumflu pendant le Solstice mystique du Rognorobompompomshoubaloudapdap où celui-ci - une fois par siècle; mais uniquement à minuit - peut être battu. Non. On se bat pour protéger des personnages plus ou moins réalistes pour lesquels - choc, stupeur - l'on développe une forme d'attachement au cours du jeu. Ce qui est avant tout le but premier d'un bon RPG : vous donner l'impression d'un monde cohésif dans lequel vous pouvez participer à des aventures dans lesquelles vos actions ont une forme d'impact.
Cependant - malgré ces louanges méritées - j'aurais tendance à penser qu'un jeu est avant tout censé être réussi par le gameplay. C'est une opinion controversée; je sais. Mais bon, on ne se refait pas : je suis critique vidéoludique depuis les débuts du XVIIIème siècle et je ne compte pas changer mon fusil d'épaule après tant d'années passées à autopsier cette particulière activité humaine. Voilà pourquoi il me semblerait excessif d'imaginer que ce titre soit excellent. Très bon? Sans aucun doute; le titre est doté d'une personnalité rare et d'un ton qui méritent de s'y plonger quelques jours. Mais - à mes yeux - un jeu est avant tout censé être réussi par la manière dont on y joue. Et paradoxalement le gameplay reste le point le plus faible de ce titre pourtant éminemment sympathique.