Notons le passé utilisé dans le titre : Thomas était seul, mais il ne l'est plus. La chronique de cette ex-solitude nous est faite par une belle voix de baryton teintée d'humour, d'ironie, parfois de mélancolie. Il faut bien le timbre le plus travaillé et le plus suave du monde pour nous convaincre de l'importance de cette balade nerd admirablement rance, cet espèce de chef-d'œuvre pasolinien autoproclamé qui raconte, donc, la vie. Premier effet repoussoir : cette remise au premier plan d'un tic auteurisant qu'on espérait disparu dans les limbes de la base de données de Desura, relégué à jamais dans ces bundles indie balançant par paquets de douze des titres aussi singuliers et mystérieux que l'esprit d'un programmeur à binocles. Car c'est déjà une chose de parler de la vie ; c'en est une autre de se payer, en 2012, l'audace de la représenter par des petits cubes auxquels on essaiera de donner sens. « Be there, or be square » est l'accroche du jeu. Elle ne veut absolument rien dire, mais elle attire le regard. Il sera question de cela du début à la fin. Alors, tu la sens, ma grosse métaphore ?

Thomas était seul, donc. Il a été rejoint par Chris, qu'on nous glissera avoir mauvais caractère – il faudra s'en remettre à cette douce voix, le personnage étant, comme les autres, un rectangle monochrome. Puis John, un grand dadais pourtant très sûr de lui et toujours très heureux de rendre service. Plus tard encore Claire, qui trouvera dans les piques parsemant les niveaux un doppelganger à sa mesure (c'est, de nouveau, la voix qui l'assure). Et ainsi de suite jusqu'à une petite huitaine de fringants quadrilatères dont le même timbre divin nous narrera les tribulations – au demeurant passionnantes : Chris monte sur Thomas, lequel rebondit sur Laura posée en équilibre sur John qui repose tranquillement sur la flottante Claire. En panique constante, le développeur essaie de rattacher le moindre acte à un sens métaphysique profond qui n'existe pourtant pas. Et pour cause : le jeu en reste aux apparences. Moches d'une part (le style visuel est d'une simplicité excessive), vides de l'autre (le minimalisme à l'œuvre souffre de sa propre surexploitation et n'a absolument rien de nouveau à apporter à son « école »), surtout complètement hors-propos avec un décalage constant et insupportable entre la désespérante fixité de l'écran et le babil du narrateur.

Le jeu, en soi, n'est pas mauvais. Il est simplement très prétentieux ; et d'une prétention d'autant moins excusable que rien ne la justifie, que ce soit d'un point de vue artistique ou ludique. On nage dans un déjà-vu, déjà-joué, on s'engouffre en dernier dans une brèche que des dizaines, des centaines d'indépendants ont déjà emprunté avant. Bien sûr, le jeu n'oublie pas d'être cool : rappel du compte Twitter du créateur à chaque lancement, piano tout tristounet au menu principal. Il n'oublie pas non plus d'être pédant, en commettant une foule de petites erreurs avec l'arrogance du premier de la classe assuré d'être pardonné : tout est fait au bénéfice de l'esthétique, et ce sont l'ergonomie des menus (lents à mourir), la logique du level design (souvent absente) ou la courbe de difficulté (en dents de scie) qui pâtissent de cette obsession d'avoir l'air beau. Car l'échec est bien sûr que le jeu n'est pas beau ; il est élégant, mais arbore le sourire carnassier et condescendant de l'Artiste face à son public. Dans le meilleur des cas, on y reste indifférent, porté par des routines de gameplay tout juste acceptables à défaut d'être passionnantes.
boulingrin87
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le 1 mai 2013

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Seb C.

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