What Remains of Edith Finch entre dans la catégorie somme toute assez récente des « walking simulators ». Comprenez par là que, s’il ne s’agit pas stricto sensu d’un film interactif à la Dragon’s Lair ou Night Trap (il s’agit bien d’un « jeu d’aventure » à la première personne, ou FPA, pour First Person Adventure), vous ne rencontrerez ni ennemi (quoique…), ni boss, ni combat pour ralentir votre progression.
Le pitch de départ est simplissime. Vous incarnez le dernier descendant de la famille Finch qui revient dans la demeure familiale perdue dans les bois sur une île côtière de l’État de Washington. Maison abandonnée quelques années auparavant et dont la dernière pensionnaire (Edie, l’arrière-grand-mère d’Edith) s’est suicidée la veille d’être emmenée en maison de retraite. Après un voyage en ferry et une petite marche dans les bois, vous pénétrez ainsi dans une maison où le temps semble pour ainsi dire s’être arrêté. L’occasion de découvrir l’histoire maudite de cette famille d’immigrés norvégiens arrivée sur cette île aux débuts des années 1900. Maudite, en ce que chacun de ses membres (sauf une personne à chaque génération) est mort dans la maison ou ses alentours dans des circonstances tantôt troublantes, tantôt mystérieuses, tantôt dramatiques.
Chaque pièce de la maison, qui regorge de détails et d’interactions en tout genre, est ainsi l’occasion de déclencher un flashback sous forme d’une séquence de gameplay de quelques minutes pour revivre sous une forme stylisée et/ou allégorique les derniers moments d’un des membres de la famille. Séquence où réel, fantastique et poésie s’entremêlent pour mieux laisser le joueur à sa propre imagination. Jamais rien de violent, ni de sanglant, puisque tout réside dans le non-dit, dans l’évanescent ; les développeurs laissant l’imagination du joueur recoller les morceaux. Si certaines séquences sont anecdotiques, d’autres sont véritablement poignantes ou bouleversantes sans jamais trop verser dans le pathos lourdingue. Au fur et à mesure que le joueur en apprend sur tel ou tel membre de la famille et qu’il progresse dans cette maison (que n’aurait pas reniée Tim Burton pour sa construction farfelue et tout en verticalité), tous les éléments scénaristiques prennent sens et commencent à s’assembler telles les pièces d’un puzzle, à mesure que l’atmosphère mélancolique de la maison se fait plus pesante.
Les deux heures que durent l’aventure regorgent également de trouvailles sonores ou visuelles souvent toutes plus originales les unes que les autres (les développeurs ont même réussi à faire une séquence en hommage à Halloween de John Carpenter) et la forme semble avoir été travaillée tout autant que le fond. À titre d’exemple, les sous-titres accompagnant la voix du narrateur s’insèrent non pas de manière classique au bas de l’écran mais de manière vivante et dynamique dans le décor au fur et à mesure que le joueur porte son regard sur tel élément du décor ou déclenche telle ou telle interaction.
Tout n’est certes pas parfait. De manière bassement matérielle tout d’abord, l’histoire est effectivement très ramassée (mais dense) et deux heures à peine suffisent pour en voir le bout. Une séance de cinéma interactive, en somme. Mais du coup, le prix de départ hors promotion (20 €, tout de même) pourra faire grincer quelques dents (le jeu est actuellement inclus dans le Game Pass sur Xbox One, alors foncez !). A fortiori alors que la rejouabilité est quasi-nulle, sauf pour les chasseurs de trophées et autres succès ou pour les joueurs ayant envie de refaire l’aventure à la lumière de toutes les anecdotes et détails découverts lors du 1er run. De même, si le jeu est sous-titré en français, les doublages demeurent en anglais. Ce qui pourra couper un tant soit peu le lien que les développeurs ont cherché à établir entre le narrateur et le « joueur ». Et ce d’autant que les sous-titres apparaissant de manière dynamique dans le décor, il ne sera pas rare d’en louper un bout, faute pour le joueur d’avoir concentré son regard là où il le fallait quand il le fallait, ou de s’être rapproché suffisamment d’un élément au moment où le sous-titre y apparaissait. L’on pourrait évoquer également une technique pas toujours irréprochable avec quelques ralentissements ou saccades dans les escaliers, mais ça serait vraiment pinailler.
En dépit de ces menus défauts, le titre de Giant Sparrow est une « expérience ludique » à faire assurément une fois dans sa vie de joueur, tant elle ne laissera pas celui-ci indifférent une fois le générique de fin achevé. Là où certains jeux du genre me sont -en l’état- littéralement tombés des mains (coucou Firewatch…), et alors même que le rythme du jeu est volontairement très lent, What Remains of Edith Finch se dévore au contraire d’une traite le temps de visiter toute la maison et ses alentours pour découvrir la mise en abîme finale.