Top 10 Livres selon -Alive-
Cette liste de 10 livres par -Alive- est une réponse au sondage Top 100 livres des Tops 10
10 livres
créée il y a environ 10 ans · modifiée il y a plus de 4 ansUbik (1969)
Sortie : 1970 (France). Roman, Science-fiction
livre de Philip K. Dick
-Alive- a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Ubik n’est pas un aboutissement thématique de l’oeuvre de K.Dick, mais un aboutissement littéraire. Chez lui les thèmes sont récurrents, voire redondants. Il n’a cessé, toute sa vie, d’écrire sur une seule idée : l’illusion, des êtres et du monde. Ubik fait suite à une vingtaine de livres sur le même sujet, empruntant les mêmes codes et parfois les mêmes univers, mais il est son seul roman où la peur “schizophrénique” d’un monde factice prend une telle dimension. Mais bien sûr, Ubik est surtout meilleur d’un point de vue romanesque. Il est loin de ses récits bordéliques, inachevés, encombrés d’idée. Il est, au contraire, parfaitement bien construit, et pourtant il ne s’interdit pas la complexité, en ce sens qu’il ressemble vraiment à son auteur, et est peut-être même encore plus dickien que les autres K.Dick. Il est impossible à résumer. Il brasse diverses idées, ouvre plusieurs pistes, explore plusieurs champs thématiques, mais parvient à tout réunir au sein d’une intrigue haletante, style course-poursuite (mais une course-poursuite contre l’entropie), et réunit tous les ingrédients pour un best-seller. Intelligent, unique et divertissant. Il ne m’en faut pas plus.
Sexus (1949)
La Crucifixion en rose - tome 1
Sortie : 1949 (France). Autobiographie & mémoires, Roman
livre de Henry Miller
-Alive- a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Je n’aime pas seulement Sexus, mais bien la trilogie complète comptant aussi Plexus et Nexus. Je crois, tout simplement, que je suis tombé amoureux d’Henry Miller, ou plutôt de sa voix, de sa fougue. La crucifixion en rose – nom de la trilogie – est un titre piège, un oxymore qui nous fait croire que la trilogie relève du martyre. Mais cette crucifixion est rose ! Rose car belle et insouciante ! Miller nous parle d’adultère, de misère, de galère, de difficultés quotidiennes, mais jamais il ne raconte ça avec désespoir. D’espoir, il en est plein, gonflé comme une baudruche. Il est d’abord un homme amoureux, et c’est ce que raconte cette trilogie : son amour pour Mona. Il imprègne chaque page, comme si à partir du moment où il la rencontre, tout le reste ne compte plus et que chaque galère devient dérisoire, au pire surmontable. Miller aime ses amis, mais il les déteste aussi parfois, il aime les anecdotes croustillantes, les rencontres fortuites, les personnages haut en couleurs. Il aime faire l’amour ! Mais il aime surtout la littérature. Et chez lui, le mystère d’un Dostoïevski, ou la force d’un Knut Hamsun, a bien plus d’importance, et mérite bien plus de pages que de savoir comment rembourser les paiements du loyer en retard de 5 mois. Lire cette trilogie m’a fait un bien fou. Avec Henry Miller, on se sent de nouveau insouciant, on se dit qu’après tout, ce qu’il faut c’est vivre ses passions avant de mourir. Et que les galères sont autant d’expériences nécessaires à notre accomplissement, comme grimper à une échelle, cela demande un effort, mais chaque goutte de sueur versée est un mètre de plus effectué.
Guerre et Paix (1867)
(traduction Elisabeth Guertik)
Война и мир (Voyna i mir)
Sortie : 1953 (France). Roman, Aventures, Histoire
livre de Léon Tolstoï
-Alive- a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
J’avais dit dans ma critique de Guerre et Paix, que c’était le genre de livre qu’on ne lisait qu’une fois dans sa vie, du fait de sa longueur. Mais plus le temps passe, plus je veux le relire. Pas de suite bien évidemment, il me faudra d’abord découvrir d’autres oeuvres de Tolstoï, mais j’ai l’impression d’être passé à côté de beaucoup de choses. Il y a la fresque, l’étude minutieuse du milieu aristocrate, la guerre, mais il y a aussi le discours historien. Le roman devient une loupe avec laquelle l’auteur observe ses personnages. Et leurs agissements disent des choses sur l’Histoire, pas sur l’Histoire de la Russie mais sur l’Histoire en général. Tolstoï ne croit pas aux grands destins, ne croit pas que l’Histoire puisse reposer sur les épaules d’une seule figure mais croit en la somme des petites actions. Il ne croit pas que l’Histoire puisse être étudiée comme une science, il ne croit pas qu’elle progresse, il croit seulement que ce sont les hommes – tous les hommes – qui la font, et qu’il suffit d’un rien pour la faire basculer. Appelons ça l’effet papillon, ou l’effet domino, en tout cas c’est l’idée. En racontant le destin de personnages fictifs, Tolstoï veut prouver que n’importe qui peut mettre son grain dans l’Histoire. Il insiste là dessus, quitte à en oublier le roman pour verser dans l’essai le temps de quelques chapitres.
Au dieu inconnu (1933)
To a God Unknown
Sortie : 1951 (France). Roman
livre de John Steinbeck
-Alive- a mis 10/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Ce livre me hante. C’est fou comment Steinbeck parvient à fondre d’une seule voix les petites vies et les grandes énigmes existentielles. L’histoire de quatre frères, qui à la mort de leur père, viennent s’établir dans des terres verdoyantes et qui se retrouvent un jour confrontés à la sécheresse. Toutes les émotions nous traversent durant cette lecture, d’abord la quiétude car le livre, comme la vallée dans laquelle s’installent les frères, s’ouvre à nous ensoleillé et fertile. La vie s’écoule paisiblement. Mais quelques pages plus loin le livre nous piège, la sécheresse commence. La quiétude laisse alors place à l’angoisse, mais pas seulement. Steinbeck est un écrivain talentueux parce qu’il ne juge pas, il observe et invite son lecteur à vivre avec ses personnages sans jamais les regarder, ni de loin, ni de haut. À l’angoisse se mêle alors l’amour, le respect, l’espoir et la foi. Profondément philanthrope, Steinbeck donne une dimension céleste à l’histoire de ces pionniers, à la fois figures bibliques et réalistes. Comme quoi il n’a pas attendu Des Souris et des hommes ou les Raisins de la colère pour faire de la grande littérature. Au Dieu Inconnu est un livre immense duquel on ressort épuisé et désemparé.
L'Infinie Comédie (1996)
Infinite Jest
Sortie : 20 août 2015 (France). Roman
livre de David Foster Wallace
-Alive- a mis 10/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Vous qui n’avez pas lu ce livre, il faut vous prévenir : vous ignorez où vous mettez les pieds. Exception faite, si vous avez déjà lu du Pynchon ou du Joyce (là, okay, vous êtes déjà mieux armé). Mais dans le cas contraire, vous ignorez tout du labyrinthe dans lequel vous entrez. Ce qui va vous surprendre d’abord, c’est cette verbosité qui s’étale en milliers de notes, en sigles, en sémantique réinventée, en univers politique complètement fou sorti de la tête d’un comique. Même la temporalité est triturée dans ce bouquin. Mais on n’est pas simplement dans une œuvre somme et labyrinthique, on est aussi dans une œuvre constamment drôle. Blague sur blague sur blague sur blague. Une inventivité folle, des personnages dont on apprendra le physique, la vie, la psyché, les espoirs, les tracas, dans un dégueuli de lignes hilarantes et inventives, et ça pendant 1400 pages. Un torrent d’histoires et d’anecdotes qui finissent par faire réseau et raconter une histoire qu’on voudrait sans fin, tellement elle est plaisante, et qu’on n’a plus aucune force pour se dégager de ce tourbillon.
D'autres vies que la mienne (2009)
Sortie : mars 2009. Récit
livre de Emmanuel Carrère
-Alive- a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
D’autres vie que la mienne est le Carrère le moins aventureux. Lui qui aime les destins romanesques, les personnages fous (K.Dick, Jean-Claude Romand, Limonov, les premiers évangélistes), c’est son livre où les destins qu’il choisit de raconter sont les plus banals. Et il le sait, c’est pour ça qu’il choisit de les raconter autrement. Exit la biographie peinte en traits larges, et l’écriture passionnée. Carrère écrit un livre intimiste, pousse silencieusement la porte pour entrer dans la vie des gens, avec respect certes, mais sans autorisation, ou sinon tacite. Et ce qu’il écrit, c’est un livre pour eux. Il semble presque oublier le lecteur et écrire pour ses personnages, pour ceux qui ont perdu enfant et femme, et qui veulent nourrir leur deuil, se rappeler les perdus. En lisant ce livre, on se croirait nous aussi entrés sans permission, on ressent un peu de gêne mais on partage surtout la douleur de ces gens alors qu’on ne les connaît pas et qu’on sait pourtant que leur expérience douloureuse n’est pas exceptionnelle, qu’on pourrait la vivre à notre tour. C’est que Carrère a un talent de conteur exceptionnel.
Le montage (1982)
Sortie : août 1992 (France). Roman
livre de Vladimir Volkoff
-Alive- a mis 10/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Le Montage est un livre politique. Volkoff n’écrit que pour ça, l’analyse historique. Ici précisément, il s’attaque à un sujet assez peu représenté en littérature : la dissidence russe. Mais il ne fait pas qu’en parler, il la déshabille et révèle sa vraie nature. C’est l’histoire d’un dissident monté de toute pièce, l’histoire non conté dans les livres, l’histoire d’en dessous, même pas celle des services de renseignements, non encore plus en dessous, l’histoire des “agents d’influence”. Hommes de pouvoir infiltrés dans l’intelligentsia française qui agissaient secrètement pour l’URSS. Et Volkoff en profite pour se moquer ouvertement de cette intelligentsia, petite élite gauchiste convaincue du bienfait de ses valeurs, mais en réalité manipulée, elle aussi montée de toute pièce. Et surtout Volkoff nous parle de la Russie, de son Histoire et remet en lumière certains faits que les dissidents eux-mêmes avaient pointé du doigt (dont Soljenitsyne) comme le rôle majeur des juifs dans les révolutions rouges et leur rôle dans l’établissement de la gauche caviar, celle-là même qui accueillit, d’abord heureuse puis à regret, les dissidents réfugiés chez nous. Volkoff nous rappelle les épines de l’Histoire et nous pique avec. Il le fait en riant, en ironisant sans cesse, persifleur mais renseigné, en oubliant jamais les codes du livre d’espionnage : la force de son intrigue et la causticité de son propos.
Crime et Châtiment (1867)
(traduction André Markowicz)
Pryestupleyniye i nakazaniye
Sortie : 1998 (France). Roman
livre de Fiodor Dostoïevski
-Alive- a mis 10/10.
Annotation :
Dostoïevski n’a rien inventé ! Des Raskolnikov ça existe, j’en connais un. À la différence que mon Raskolnikov n’est pas obnubilé par le meurtre. Mais chaque jour il sort de son petite appartement minable pour marcher en ville, sans but, ne va nulle part et réfléchit, pense, repense, fait tourner dans sa tête ses obsessions. Avant même de parler de rédemption, de religion, de misère ou de Russie, le génie de Fedor est d’avoir écrit sur ce genre d’individu. Il en faisait probablement partie. Car Raskolnivok est un croisement de plusieurs choses. À la fois inspiré des nihilistes convaincus, de ceux qui effrayaient Dostoeivski, qui lui faisaient redouter l’avenir de son pays et qui lui ont inspiré ses carnets du sous-sol. Mais aussi tiré de lui-même. Dostoeivski pense avec ses personnages et leur donne son vocabulaire, ses réactions, ses phobies. Crime et châtiment est un faux roman policier, faux car il oublie ses propres codes. Dostoeivski se fout du crime et de l’enquête, ce qui l’intéresse c’est son personnage. Un jeune homme intelligent, altier, fou, criminel mais paradoxalement plein de bonté, près à aider l’ivrogne qui crève la gueule ouverte sur le trottoir et que personne ne remarque, soucieux du destin d’une jeune prostituée qu’il traite comme si elle était la sainte vierge Marie. Ce genre d’individu existe, sur les trottoirs, sous les mansardes, dans les sous-sols, et Dostoeivski les a compris.
Stalker (1972)
Pique-nique au bord du chemin
Пикник на обочине
Sortie : 1981 (France). Roman, Science-fiction
livre de Arkadi Strougatski et Boris Strougatski
-Alive- a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Stlalker c’est l’histoire d’un fiasco. La science-fiction n’est plus matière à rêver, ni même à craindre (pas de dystopie ici) mais elle nous pousse à constater amèrement notre défaite. Des extra-terrestres sont passés sur notre planète pour repartir aussitôt et nous les avons ratés. De leur passage ne restent que des traces, quelques déchets abandonnés en cours de route, que nous récupérons, pesons, observons, analysons en vain. Les objets récoltés dans la zone, au péril de la vie des stalkers, restent muets à notre science. Que dire de ce silence sinon qu’il nous laisse devant une triste vérité ? Nous ne sommes rien dans cet univers. Stalker c’est l’histoire d’un échec, d’une rencontre foirée, de l’incapacité des hommes à s’élever au delà de leur état d’insectes. Comme des fourmis, ils s’activent autour de la zone de passage, comme si elle portait un nouvel espoir, alors qu’elle est aussi silencieuse que le ciel. Une zone dangereuse dans laquelle beaucoup ont péri pour rien, reflet de la destinée humaine : l’homme a besoin de croire en quelque chose, une chose pour laquelle il donnerait sa vie, aussi chimérique soit-elle.
Les Particules élémentaires (1998)
Sortie : 15 octobre 1998. Roman
livre de Michel Houellebecq
-Alive- a mis 10/10.
Annotation :
Que dire sur les particules élémentaires sinon qu’il est un livre trompeur. N’est-ce pas ça, la recette Houellebecquienne ? Marteler une idée pendant des centaines de pages, mais distiller une idée inverse derrière les lignes, de sorte qu'après lecture on ne sache plus quoi en penser. Ici, il nous dit, inlassablement, que notre société actuelle occidentale fonce droit dans le mur. Il nous dit que la génération soixante-huitarde a tout merdé, qu’elle voulait bâtir un monde meilleur mais que ses fondations reposaient sur du sable, une utopie, et que son rêve a été repris, marchandisé, tué dans l’oeuf. Il nous dit qu’à courir après la raison, nous avons oublié le sacré, qu’en gagnant la liberté sexuelle, nous avons perdu l’amour, qu’en cherchant l’affranchissement, nous avons foncé dans le libéralisme. Il nous assomme avec toute cette vérité, mais pourtant il distille un espoir. Celui d’une évolution humaine, celui d’une adaptation qui devra passer par l'extinction de notre race et la naissance d'une nouvelle. Tout le cynisme de Houellebecq est là : le bonheur est atteignable mais nous ne le vivrons pas.