Ce qui est impressionnant avec ce livre c'est que malgré sa taille des plus respectables, on peut le résumer en une phrase : c'est l'histoire d'un mec qui va voyager dans le temps pour empêcher la mort de Kennedy.
Ouais, ça ne raconte que ça. Enfin, à peu près. Parce qu'il va quand même y passer 5 ans de sa vie, le Jack/George. Et ces 5 années, on va les vivre en détails. C'est tout l'intérêt de ce livre d'ailleurs. Le voyage dans le temps, on s'en fout un peu, Kennedy aussi. Amateurs de roman de science-fiction et de paradoxe temporel, passer votre chemin. Vous serez certainement déçu.
En vérité, c'est le lecteur qui voyage dans ce début des années 60 et qui en découvre les avantages (le sentiment de sécurité, l'insouciance, la nourriture qui a du goût...) et ses inconvénients (le racisme assumé, la condition des femmes...). Car le personnage va passer plusieurs années à observer Lee Oswald, et il va bien être obligé de vivre avec son temps. C'est grâce à une quantité de petits détails du quotidien qu'on aura le sentiment de découvrir cette Amérique d'antan. On retrouve là une des forces de Stephen King : cette incroyable capacité à nous faire entrer dans son univers. On y est tellement plongé que même certains rebondissements téléphonés paraissent tombés sous le sens.
Alors, avant d'aller se la couler douce à Jodie, charmante bourgade du Texas, il faudra affronter Derry et ses démons. Ceux qui comme moi ont lu "Ça" retrouveront avec émotion cette ville poisseuse du Maine et son ambiance franchement glauque. Cette partie c'est Stephen King qui fait du Stephen King. C'est intense et stressant. On est tenu en haleine. Bref, suspens et angoisse, comme on aime. Et la brève apparition de certains personnages de "Ça" ne fait qu'ajouter au plaisir de cette lecture. C'était un peu mon deuxième voyage dans le temps, l'impression de retrouver des vieux copains.
Après un petit détour par le Sunshine State, direction le Texas, ses armes à feu, son racisme et ses petites villes tranquilles ! Bon, vous allez me dire, si le cœur du livre c'est de nous raconter l'histoire d'un mec qui profite de la vie dans les années 60, pourquoi utiliser le voyage dans le temps ? Et bien, ça offre un superbe prétexte aux rebondissements dramatiques. Pas besoin de les rendre crédibles ou de les expliquer : c'est simple, c'est le passé qui se défend. Et c'est là le véritable adversaire de Jake/George, ce passé qui va l'empêcher de faire ce qu'il veut.
Je vais pas vous mentir, à un moment, je me suis dit qu'il devrait lâcher l'affaire pour Kennedy, le laisser se faire buter, reprendre son poste d'enseignant et épouser Sally. En vrai, ça m'aurait bien plu. Ils auraient été heureux. Et on s'en fout de ce qu'il advient de l'avenir. En vrai, dans l'avenir, il a une vie de merde Jake. Alors que George il a une vie chouette. Bon j'admets, je suis une midinette romantique, égoïste et niaiseuse. Mais avouer, vous aussi vous avez trouvé ça tentant hein !
Alors quand même, Stephen se fout pas complètement de nous. Le problème des paradoxes temporels, il va le régler. Un peu vite, mais suffisamment bien pour que ça tienne debout. Et si la fin est loin de celle que j'aurais aimé lire (because, je suis une midinette niaise), elle est tout à fait cohérente.
Je vous encourage donc à faire ce sympathique voyage dans le temps, le tout avec une petite playlist Rock des 60' s. Dépaysement garanti !
P.-S. je conseille la lecture en anglais de ce livre. Le phrasé un peu particulier de King joue beaucoup dans le charme de ce roman.