Rarement on aura bousculé les idées reçues sur les rapports hommes-femmes avec tant d’intelligence ! Se présentant comme « évoféministe », c’est-à-dire féministe darwinienne, Peggy Sastre réfute le discours usuel selon lequel un sexe dominerait l’autre et explique que nous avons à faire en fait à deux stratégies reproductives distinctes. Non sans humour, elle s’excuse par avance « de ne prendre en compte que l’énorme tas de millénaires dénués de PMA qui ont fait notre histoire et modelé nos organismes ». Puisant de nombreux exemples dans le monde animal avant d’en revenir, toujours, à l’humain, elle aborde des sujets aussi délicats que l’infidélité, la jalousie, le harcèlement sexuel, le viol ou la violence conjugale. Rappelant que la biologie, tout comme l’histoire, est écrite par les vainqueurs, elle explique que les stéréotypes liés aux sexes, loin d’être des carcans arbitraires aliénant les individus, trouvent au contraire leur valeur dans le fait qu’ils ont toujours été les plus profitables à celles et ceux qui les ont adoptés que ce soit en terme de survie, d’investissement reproductif ou d’accès aux ressources énergétiques ou sexuelles.
Le livre passe en revue les survivances et les perpétuations dans la vie moderne de nos instincts les plus ancestraux, dans des contextes aussi surprenants que le paiement d’une pension alimentaire après un divorce, la drague de rue ou les rapports de séduction au bureau. A l’inverse de la version féministe classique selon laquelle les agressions des hommes à l’encontre des femmes ont pour but l’exercice d’un pouvoir, le sexe n’étant au mieux qu’un moyen, la version darwinienne place le coït comme but ultime de ces agressions, les rapports de domination n’étant qu’un moyen possible parmi beaucoup d’autres. Par ailleurs, « au cours de l’histoire humaine, les hommes ont toujours utilisé le pouvoir comme moyen de parvenir au sexe, parce que les femmes voyaient dans ce pouvoir un indice particulièrement manifeste de leur propre succès reproductif ». Mêlant dans sa prose la précision du vocabulaire scientifique et le ton badin et un peu provocateur de la critique sociétale, Peggy Sastre appelle ses lecteurs à « ne pas se laisser aveugler par des considérations idéologiques qui font du réel le début d’une insulte même si elles ont l’air de nous placer d’office dans le camp du bien ». Resituer les débats de société de ces dernières décennies dans la perspective plurimillénaire de l’histoire de l’humanité s’avère salutaire.