Je ne sais pas écrire sur les livres, c'est un fait. Alors, quand je me retrouve ici pour faire ma première critique de livre, qui plus est dans le cadre d'un « concours » pareil, je suis un peu pris au dépourvu. Pourtant, il est relativement aisé de commencer sa carrière de critique littéraire par La maison Matchaiev, qui sonne comme une douce évidence tant dans le style que dans le fond.
Ce livre est divisé en deux parties : la première conte la vie quotidienne des trois enfants Matchaiev à Paris (Pierre et son couple fantôme avec Élise ; Joshua partagé entre ses dessins et ses amourettes homosexuelles ; Anne et son appartement à refaire, tiraillée par le retour de son ex). Elle est très agréable et on se prend rapidement d'amitié pour ces différents personnages, tous assez attachants et suffisamment bien définis pour qu'on n'ait pas l'impression d'avoir affaire avec des coquilles vides. Nous en profitons pour revenir sur le personnage tant décrié de Roman, dont je ne comprends pas l'existence dans ce roman, lui qui me semble comme un cheveu sur la soupe. Peut-être fallait-il montrer le cynisme pour l'évacuer aussitôt ? En tout cas, c'est avec plaisir que nous l'avons vu disparaître des pages de ce roman. La seconde partie raconte le voyage et les quelques jours passés dans la maison familiale bourguignonne par les trois mêmes enfants. Cette seconde partie est malheureusement plus faible, non à cause d'une baisse de qualité de l'écriture, mais à cause simplement du contexte. Les trois personnages perdent avec ce passage de la ville à la campagne en force : le déménagement de la maison familiale, les engueulades à propos des choses que l'on emporte ou que l'on jette, les hésitations à propos de la maison qu'on vend ou pas. Tout autant de passages obligés du post-deuil qui sont bien traités par Wails mais qui souffrent de mon manque d'intérêt : j'avoue sans mal avoir préféré les voir évoluer dans leur quotidien parisien.
Si ce livre est divisé en deux parties, c'est bien parce qu'un événement important et traumatisant a eu lieu : le père Matchaiev, Sergueï, s'est suicidé. Là se situe l'un des énormes points forts du roman : on ne saura jamais vraiment si ce décès a eu lieu avant le début du roman ou pendant la première partie. Il est laissé en hors-champ : une lettre écrite avant même le début du roman, mais tout le monde semble commencer à y faire allusion au milieu de la première partie. On n'en saura pas plus sur le moment précis, Wails ayant la bienveillance de ne pas tout expliciter (telles ces expressions russes employées régulièrement par les trois Matchaiev) avec une douceur et une finesse qui rappelle par instants le Kore-Eda de Still Walking. Ici, de la même manière, aucune révélation-bouleversante-qui-va-à-tout-jamais-changer-la-vie-de-tous dans cette « réunion de famille » de la seconde partie, juste quelques discussions, quelques accroches évidentes et des moments de passé que l'on découvre tandis qu'ils les redécouvrent.
En définitive, La maison Matchaiev est un beau premier roman, doux et agréable, qui réussit à traiter de la meilleure manière possible son sujet. On attendra désormais avec une patience non dissimulée le second roman de son auteur.