L'histoire commence dans le Dakota au début du vingtième siècle. Elsa vient d'arriver chez son oncle pour fuir sa famille. Elle a pour ambition de se marier et de s'installer dans un vie calme et stable. Elle fait la rencontre de Bo Masson qui lui ne rêve que de réussite et de d'argent. Incapable de rester quelques part, il est constamment en quête d'une meilleur opportunité ailleurs. Malgré leurs aspirations divergentes, ils s'aiment, ont deux fils et traversent les années ensemble. Leur route est jalonnée d'épreuve, de revers et de crises.
Il y avait quelque part, pour peu qu’on sût les trouver, un endroit où l’argent se gagnait comme on puise de l’eau au puits, une bonne grosse montagne en sucre où la vie était facile, libre, pleine d’aventure et d’action, où l’on pouvait tout avoir pour rien.
Le thème central du roman est celui du rêve américain. Bo a intégré le concept du "self made man" et n'aspire qu'à s'accomplir pleinement. Il est dans une course effrénée pour faire de l'argent rapidement et pour cela il n'hesite pas à faire déménager sa famille tout le temps. Il est à l’affût des opportunités. Quand une nouvelle idée le traverse, il lâche tout pour y parvenir. La montagne de sucre c'est son rêve, une chimère après laquelle il ne cessera de courir. Il devient paysan, trafiquant, gérant d'un bar de jeux en fonction de ce qui lui apparaît rentable. C'est un homme en perpétuel mouvement et tendu vers l'avenir. Il est incapable de rester dans le présent. Son opiniâtreté l’empêche de voir les souffrances de sa famille. Ses ambitions l'aveugle.
Elsa et ses enfants se trouvent entraînés, bien malgré eux, dans une épopée faite de rares victoires et de trop nombreuses désillusions. Les garçons grandissent et se forment entre une mère aimante et dévouée et un père colérique et instable. Ils sont le fruit de deux courants contraires. L'auteur réfléchi beaucoup à la question de l'héritage familiale et montre comment les enfants s’accommode ou non de leur parents. Certaines réflexions sur le sujet sont très intéressantes.
Peut-être fallait-il plusieurs générations pour faire un homme, peut-être fallait-il plusieurs versions et combinaisons de la douceur et de l'endurance de sa mère, de l'immense énergie de son père et son appétit d'autre chose, d'un subtil mélange des principes masculin et féminin, d'égoïsme et d'oubli de soi, d'entêtement et de capitulation, pour façonner entièrement un homme.
J'ai aimé suivre ces personnages tout au long de leur vie, les voir évoluer au point d'avoir l'impression de les connaitre personnellement. Ils témoignent aussi d'une époque où les grands espaces sont encore à conquérir, les routes ne sont pas construites et les maisons n'ont pas forcement de voisins. On est vite seul au monde. Le champ des possibles parait vaste mais c'est un mirage dans lequel beaucoup se perde. C'est un grand roman américain et une formidable histoire quotidienne de gens tellement humains.
Qu'il est dur de refermer le livre et de dire adieu aux personnages... Un texte à découvrir !