Texas, ton univers impitoyable. Cet Etat a toujours été à part dans la géographie et l'histoire américaine. Espagnol, mexicain, indépendant et enfin rattaché aux Etats-Unis avec une frontière longtemps contestée par le Mexique. Le tout sur fond de génocide indien, de ségrégation raciale, d'immenses ranchs, de culture de coton et d'élevage avant l'extraction de pétrole et de gaz. Un Etat où la loi du plus fort a prévalu plus qu'ailleurs dans un climat de violence récurrente. Le fils est une saga qui raconte un siècle et demi d'histoire du Texas à travers le destin de plusieurs générations d'une même famille. Les récits alternent nous baladant principalement de 1835 à nos jours en passant par 1917. L'arbre généalogique qui ouvre le roman de Philipp Meyer n'est pas inutile bien que très vite l'on s'y retrouve facilement, dans les pas et l'histoire de trois personnages principaux. Ceux-ci présentent un intérêt inégal et il est bien évident que le plus représentatif est celui de l'aïeul, duquel vient en quelque sorte le péché originel. Car loin d'être une ode aux pionniers de l'Amérique, Meyer montre à quel point la domination blanche s'est construite sur les cadavres des tribus indigènes et des mexicains. L'envers du rêve américain au goût de sang et de boue. La partie la plus passionnante, extrêmement documentée, concerne le "kidnapping" par les comanches du jeune garçon qui deviendrait bien plus tard le patriarche de cette dynastie texane. Son quotidien et son intégration au milieu de la tribu est conté de façon minutieuse, avec un humour noir dévastateur, et une sorte de tendresse pour une culture laminée au fil du temps par les maladies et la lutte incessante contre les visages pâles. Une étude de moeurs prodigieuse qui constitue un véritable morceau de bravoure. Le reste du livre n'est pas du même niveau, il aurait pu difficilement l'être, mais reste en bout en bout palpitant et étonnant par la grâce d'un style changeant mais toujours coloré et brillant.