Histoire texane et approximations / exagérations en tous genres
Le Fils est le second roman de l’écrivain américain Philipp Meyer. Au fil des pages se dessine sous nos yeux l’histoire du Texas à travers la vie de la famille McCullough. Qu’il s’agisse de l’ascension et de la chute des amérindiens, ou des Mexicains et des colons blancs qui contestent la propriété de ce vaste territoire, le roman n’omet aucun des éléments ayant conduit à la création de cette identité texane si forte.
Cette saga familiale aux allures de patchwork de fiction, avec un soupçon de Dallas et une touche de the Big Valley, est en réalité un roman mûrement réfléchi pendant plus de 5 ans. 5 ans pendant lesquels Philipp Meyer s’est documenté sur l’histoire des Etats-Unis, et – plus particulièrement – sur l’histoire texane. Ainsi, certains passages ont parfois des allures d’extraits d’encyclopédies (dans le bon sens du terme, rassurez-vous ^^), et on apprend énormément sur le monde du travail, la vie des Comanches, les forages pétroliers… , malgré quelques erreurs historiques ou sur le plan de la géographie. Malgré tout, l’ensemble est vraiment harmonieux et attrayant malgré quelques maladresses – le côté un peu « pleurnichard » du récit par moments, par exemple.
Le livre s’organise en trois récits bien distincts sur quatre générations du clan McCullough, barons du bétail et rois du pétrole. Le narrateur de la première partie est le patriarche implacable et impitoyable Eli McCullough, dont l’histoire a débuté le jour de ses 13 ans, lorsque des Comanches l’ont enlevé après avoir massacré sa famille sous ses yeux. Adopté par la tribu, Eli qui n’était alors pas franchement très éduqué développe assez rapidement un don pour la géographie et une expertise impressionnante dans un tas de domaines. Lorsqu’il regagne enfin le « monde civilisé », il se bâtit un empire grâce à la vente de bétail, de pétrole, mais également grâce au vol et à la corruption. Sur cet empire constitué dans le sang – celui des Amérindiens, principalement – Eli règne en seigneur absolu.
La seconde partie est consacrée au fils d’Eli, Peter, devenu Texas Ranger et officier confédéré. Après avoir volé une fortune, il épouse la fille d’un juge et s’installe dans un ranch au milieu de plusieurs hectares de terres. Contrairement à son père un peu rustique et vulgaire sur les bords, Peter est un homme doux qui ne tarde pas à embrasser le romantique de la culture mexicaine qu’Eli méprisait tant. Le personnage de Peter semble le seul à être tourmenté par l’héritage sanglant que lui a laissé sa famille.
La dernière partie est consacrée à l’arrière petite-fille d’Eli, Jeannie, une sorte de Scarlett O’Hara fougueuse, indépendante et difficile à impressionner qui a hérité de la fortune familiale. Menant une vie de malheur dans une solitude des plus extrêmes, elle est aux prises avec son statut de femme, l’histoire de sa famille ainsi qu’avec les richesses et les responsabilités de sa famille.
C’est la capacité de son auteur à nous présenter des figures écrasées par le poids de centaines d’années d’histoire qui m’a séduite et incitée à poursuivre ma lecture. Meyer souligne l’importance du passé dans la manière dont se dessinera notre avenir et nous livre un avertissement assez inquiétant sur notre obsession de l’identité et du territoire qui y est rattaché lorsqu’un groupe de personne en défie un autre. Ainsi, chacun des trois récits est celui d’une prise de conscience, ponctuée de temps à autre – à la manière d’une série télévisée – de caméos faisant intervenir des personnages célèbres de l’histoire américaine. Des caméos pas nécessairement très intéressants et qui nous écartent du récit et qui n’apportent de ce fait pas grand-chose à l’histoire.
J’ai apprécié cette lecture, mais j’aurais aimé que Meyer s’applique d’avantage à remettre en question les mythes fondateurs du Texas plutôt que de simplement s’évertuer à les tourner en dérision un par un.