« Accepte tout trav., même très dur, même insalubre, même pour salaire min. »
La traduction française « Tête de turc » a un peu trahi le bouquin : le titre allemand est « Ganz unten », tout en bas, en-dessous de tout. Pendant deux ans, Günter Wallraff va effectivement vivre en-dessous de tout et de tous : il se noie dans la masse des immigrés turcs, frappés par le chômage des années 1980, et qui acceptent des emplois de plus en plus misérables. A travers la très longue expérience auprès d’Adler et Remmert, dans le ventre des grosses industries de la Ruhr, Günter Wallraff fait avant tout un réquisitoire contre ce nouveau capitalisme sauvage.
Certaines expériences sont effarantes (l’industrie pharmaceutique), quelques unes sont un peu faciles (McDonalds), d’autres sont presque hilarantes (le meeting de la C.S.U.), et une seule est vraiment douteuse (demander des faux papiers à l’Eglise catholique). Mais cette épopée dans les tréfonds de l’Allemagne a deux fils conducteurs, qui se retrouvent dans chaque ville, chaque usine : le racisme banalisé contre les immigrés, et les logiques de classes.
Enfin, « Tête de truc » est aussi une leçon de journalisme : Günter Wallraff accepte de se remplir les poumons de limaille de fer, de s’injecter des médicaments expérimentaux, ou encore de travailler dans des environnements saturés de mercure et d'amiante. Pas vraiment un coup d’éclat, mais plutôt un mode de vie, pour celui qui avait infiltré l’industrie de la chimie dès les années 1960, et avait connu la torture dans la Grèce des colonels en 1974.
« Tête de turc » est l’une des pierres angulaires des enquêtes de Günter Wallraff ; un travail d’investigation malheureusement presque inconnu en France.
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