Dans la grisaille de la routine, des gens sans visages, des personnes sans bouches, il y a un comptable, qui compte, qui compte,... qui conte. Il conte son poème, il conte sa cicatrice. Il y a son passé sombre, il y a l'album blanc des Beatles, il y a ses fantômes. Il y a surtout Pierre-Jean, son grand père. Peut-être a-t-il découvert une nouvelle couleur primaire ou peut-être est-il de ces hommes rares qui pour survivre repeignent de milles couleurs les noirs et blancs de nos vies.
J'ai été happée par ce roman chargé en énergies et en couleurs. Malgré le mystère qui entoure le narrateur, je me suis vraiment sentie à ses côtés, j'ai ressenti la solitude, le poids de la routine et de ces interactions sociales dénuées de sens, la chaleurs de celles qui font du bien mais qui, auréolées de pudeur, restent encore timides. J'ai partagé ses rêveries, sa nostalgie, ses mémoires, je me suis sentie agressée parfois par le retour à la réalité, peut-être un peu trop au début bien que cela se justifie car à l'instar de l'amitié naissante entre le narrateur et ses copains de bar, l'essence du roman nous est distillée progressivement. Il y a une belle montée en puissance dont on apprécie la majesté lorsque l'on referme l'ouvrage (non seulement au niveau des émotions mais aussi des autres sens, j'ai personnellement été très sensible au travail de suggestion des couleurs). rêveuse dans l'âme, cette lecture m'a indubitablement donné envie de lire le second roman de l'auteur.