Dans ma (re)découverte 2022 de Proust, 2nde étape "estivale" du côté de Balbec.
Comme le 1er tome, chaque œuvre d'A la recherche du temps perdu est commenté sous 2 angles :
- Le style Proust ;
- L'humanisme chez Proust.
Le style Proust
Le roman est a priori fidèle à l'ensemble : un style opulent et imaginatif.
L'auteur a un talent incroyable pour doter ses narrations de moult détails en faisant appel à un vocabulaire extrêmement riche.
Quand il fait l'effort de phrases courtes, il obtient même des tournures très poétiques.
De manière similaire à Du côté de chez Swann, j'ai d'ailleurs préféré les cartes postales teintées d'impressionnisme de la 2nde partie Noms de pays : le pays à la description guère enthousiasmante des mœurs de la famille Swann.
Mais dans le dilemme de l'appréciation du style si particulier de Proust, on peut citer M. de Norpois qui - dans le livre - dit au sujet de l'écrivain nommé Bergotte :
Jamais on ne trouve dans ses ouvrages sans muscles
ce que l'on pourrait nommer de la charpente.
Pas d'action - ou si peu -
Mais surtout pas de portée.
Alors pour savoir si vous pouvez apprécier À l'ombre des jeunes filles en fleurs, je vous propose 3 questions :
Passerez-vous outre les phrases et paragraphes qui semblent voués à battre des records de longueur sans espoir d'impromptu ?
ou comme Brel voulez-vous renverser la table ?
Brûler d'une possible fièvre
Partir où personne ne part
Savourerez-vous l'ambiance bourgeoise désuète ?
ou au contraire aimez-vous reprendre en cœur le Grand Jacques ?
Les bourgeois c'est comme les cochons
Plus ça devient vieux plus ça devient...
Saurez-vous saisir les allusions au temps qui passe et emmène inexorablement le jeune protagoniste vers l'âge adulte ?
ou avez-vous besoin comme l'Abbé Brel de porter un regard acéré sur l'Humanité ?
Et puis y'a la toute vieille
Qu'en finit pas de vibrer et qu'on attend qu'elle crève
Vu que c'est elle qui a l'oseille
Selon votre réponse, la lecture risque d'être
- un chemin de croix ardu (c'est mon cas),
- au contraire un délice qui s'étirera indéfiniment.
L'humanisme chez Proust
Au risque d'avoir la dent dure, M. de Norpois peut à nouveau être cité :
Je sais que c'est blasphémer contre la Sacro-Sainte Ecole
de ce que ces messieurs appellent l'Art pour l'Art,
mais à notre époque il y a des tâches plus urgentes
que d'agencer des mots d'une façon harmonieuse.
Contrairement à Hugo ou Dostoïevski, li ne faut donc pas attendre de ce roman des éclairages sur la Société et le sort des Femmes et Hommes du début du XXème siècle.
L'entre-soi de la bourgeoisie et les pensées idoines d'un jeune de 15 ans en limitent drastiquement la portée.
On peut tout de même relever quelques allusions aux thèmes suivants :
- la force de l'image pour prendre sa place dans la "bonne société" ;
- l'amour comme pulsion et/ou force vitale inexorable ;
- les vertus de l'Art, particulièrement la Peinture, la Littérature ou la Musique.
Enfin on pourra relever quelques références - peu exploitées à ce stade - à Proudhon (surprenant) et à l'Affaire Dreyfus (plus largement développé dans Le côté de Guermantes).
En somme, encore un roman qui requiert concentration et patience,
pour profiter du temps qui passe,
en tant que tel.
Critique suivante : le Côté de Guermantes