Pour un premier roman paru alors qu’elle n’avait que 26 ans, Marguerite Yourcenar dévoile une plume remarquablement accomplie. « Alexis » est une publication courageuse par son thème, et subtile par son approche. La question qui traverse le roman - l’acceptation de soi, d’une sexualité qui dévie de la norme - est abordée avec finesse, avec subtilité, et jamais explicitement nommée. Une telle pudeur s’explique peut être par le climat de la société de l’époque - l’œuvre étant parue en 1929 - ou tout simplement par un style d’écriture assez implicite.
Dans une longue lettre à sa femme Monique, Alexis demande pardon, « le plus humblement possible, non pas de la quitter, mais d’être resté si longtemps ». Touchant témoignage d’un homme qui lutte autant que possible contre son identité, et qui finit par rendre les armes, Alexis est un roman marquant. Sans crier gare, il nous altère et laisse sa marque. Je n’en attendais pas grand chose, et j’ai même trouvé le début un peu longuet, mais il y a quelque chose de très touchant dans le style de Yourcenar, qui ne laisse pas indifférent. Cela tient peut être aussi à la forme de l’épistolaire, qui est judicieuse et convaincante, et nous offre, plus que quelconque autre forme, une immersion dans l’intériorité du personnage. Nous ne nous contentons pas d’assister à la vie d’Alexis, mais nous vivons sa subjectivité. La première personne, à laquelle je suis souvent peu réceptive lorsqu'elle est maladroite, devient persuasive et réaliste sous la plume de Yourcenar.