Lorsque j’ai envie de faire une petite pause dans mes lectures, je me tourne régulièrement vers une nouvelle de Stefan Zweig, l’un de mes auteurs préférés. Amok était depuis longtemps sur la liste.
A peine la lecture entamée, on se retrouve en terrain connu : un récit dans le récit, l’histoire d’une passion… Tout se déroule très vite, et comme à son habitude, Zweig sait tenir en haleine. Comme l’autre protagoniste du récit, on écoute avec grande attention l’histoire de ce médecin en état de choc, sa rencontre avec cette Anglaise hautaine et mystérieuse, et la succession d’évènements dramatiques qui s’en suit. La fin, est comme souvent avec Zweig, un sommet en terme d’intensité et d’écriture, et celui-ci réussit toujours à clore son récit par une phrase d’une très grande beauté.
Amok a créé un sentiment très ambivalent chez moi. Tout d’abord, les personnages sont particulièrement détestables. Si on pardonne facilement au personnage féminin son attitude sèche et prétentieuse par sa situation, le médecin est clairement antipathique au possible. Ultra raciste (on ne compte pas le nombre de réflexions, et d’attitude odieuses envers les quelques personnages asiatiques du récit), ça n’est clairement pas un “héros” malgré sa condition de médecin.
De l’autre côté, il faut saluer comme souvent chez Zweig, son étonnant progressisme pour l’époque. J’imagine d’abord que les romans parlant ouvertement d’avortement il y a 100 ans se comptent sur les doigts d’une main. Mais surtout, on parle d’ici d’une femme qui a trompé son mari, qui est enceinte, et qui cherche à se faire avorter. Et à aucun moment, le personnage n’est jugé, honni ou ne serait-ce qu’égratigné. Et j’avoue en avoir été assez impressionné.
Certains aspects du récit m’ont en revanche un peu moins emballé : les points de suspension tous les quatre mots pour accentuer le choc du médecin gênent clairement la lecture, et le déclenchement de cette soudaine passion de ce même médecin apparaît quand même amenée de manière un peu trop rapide pour qu’on y croit franchement.
Amok n’est donc pas le plus grand récit de Zweig, mais il faut avouer que le rythme, l’histoire, les thématiques sont là, et très réussies. Un bon Stefan Zweig.
(Dernière petite pensée complètement hors-sujet : je me fais régulièrement la réflexion, mais l’écriture de Zweig me fait penser de temps à autre à celle de Lovecraft. Comme dans les nouvelles de ce dernier, un personnage raconte son histoire souvent traumatisé (chez Zweig par la passion, chez Lovecraft par des créatures fantastiques), et recule à raconter ce qu’il a vécu.)