De la musique des 60's, de l'occulte et de références à Tolkien !
De base assez enthousiasmée par la saga épique A Song of Ice and Fire et par le style si particulier de G. R. R. Martin, c’est assez naturellement que je me suis récemment penchée un peu plus sur sa bibliographie. Un réflexe presque automatique qui m’avait permis de découvrir des petits bijoux comme le Silmarillon ou les Contes et Légendes inachevés de J. R. R. Tolkien juste après avoir englouti la saga The Lord of The Rings en quelques jours. Mais là, surprise : Armageddon Rag. Qui n’a rien à voir ni avec la choucroute, ni avec la saga qui a rendu son auteur célèbre.
C’est grâce à la série Game of Thrones, adaptée à la télévision et diffusée sur la chaîne cablée HBO, que Georges R. R. Martin est à présent un nom familier de pas mal de non-lecteurs de fantasy et de non-lecteurs absolu. Une popularité tardive qui a permis la réédition et donc la sortie de l’ombre de certaines œuvres publiées bien avant la publication de A Song of Ice and Fire, pour le plus grand bonheur des curieux et également pour le plaisir commun des comptes en banque de son éditeur et de son auteur (tant qu’à faire).
L’histoire se passe dans les années 80. Le personnage principal est un auteur de seconde zone vieillissant, peinant à terminer son livre dans un délai raisonnable ou même à aligner les mots de manières satisfaisante sur une page blanche. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de Martin à la même époque, qui tenta de percer sur le marché grand public sans réel succès après avoir été plusieurs fois primé pour ses écrits de science fiction. Armageddon Rag a été assez mollement accueilli à sa sortie en 1983 et a surtout été un échec commercial. Échec commercial qui n’a cependant pas empêché l’auteur de s’aventurer par la suite sur le terrain de la fantasy, avec le succès qu’on lui connaît aujourd’hui.
Lorsque l’un de ses anciens rédacteurs en chef le recontacte pour lui proposer d’enquêter sur le meurtre de Jamie Lynch, l’ex-producteur des Nazgûls (on notera le nom du groupe par le fan absolu de Tolkien qu’est Martin ^^), Sander renoue avec son passé d’ex-critique musicale et part sur les routes dans le but de retrouver les derniers membres du groupe. Cette enquête est également pour lui l’opportunité de proposer toute une série d’articles de fond traitant de la génération des rockers et des militants des années 70. La première moitié du roman relate cette « traque » et les investigations menées autour de ce meurtre, avec quelques petites retrouvailles d’amis du lycée en cours de route et une bonne dose de réflexion et d’introspection en narration.
Difficile de ranger Armageddon Rag dans une unique case tant les genres y sont mélangés, puisque l’auteur y développe son enquête tout en versant dans la nostalgie de la musique des années 60, la nostalgie culturelle (avec une multitude de références à l’oeuvre de Tolkien) ou l’imaginaire occulte. Le tout, très subtilement saupoudré d’occulte et de corruption, avec toujours l’idée sous-jacente selon laquelle l’industrie musicale est sans scrupules…
Le mélange a le mérite d’être original et bien ficelé, avec en arrière plan l’idée que tous les actes manqués et non-dits du passé hantent les principaux concernés sans qu’ils ne puissent rien y faire. Sander voyage dans son passé à travers un certain nombre de cauchemars et de visions, mais prend aussi le temps de réfléchir à un tas de choses, comme notamment les évolutions conduites par la musique en termes de droits civils.
J’ai eu du mal à entrer dans l’histoire et il aura vraiment fallu que je m’accroche aux premiers chapitres pour finir par vraiment accrocher à cette manière de raconter les choses. Le style de Martin a quelque chose de vraiment particulier – souvent très vulgaire – qui passe assez mal une fois traduit en français. Et si la version française de A Song of Ice and Fire est lisible (quoique clairement moins bonne que la version originale), celle d’Armageddon Rag n’a pas bénéficié du même soin et regorge de phrases lourdes ou traduites sans doute de manière un peu trop « mot-à-mot ». Au-delà des considérations de formes et du fait qu’après réflexion, j’aurais du lire ce roman en anglais pour en apprécier les subtilités, j’ai beaucoup apprécié la manière dont le passé rencontrait le présent, et toute la nostalgie de cette époque qui se dégageait de l’histoire et des pensées du personnage principal.