L'idée est d'analyser et de mettre à nu ce qui se cache derrière certains mots et certaines expressions très en vogue dans les mondes médiatique, politique et de l'entreprise. Il y en a comme ça une quarantaine, qui font chacun l'objet d'un texte de deux à quatre pages. Par exemple, écosystème, transclasse, confort (sortir de sa zone de), résilience, j'assume, algorithmes, transition. Pour en donner un échantillon. Le court texte qui accompagne chacun de ces mots/expressions peut prendre des formes diverses : illustration par des personnages de fiction, narration d'une expérience personnelle de l'auteur ou encore commentaire de l'actualité. Voilà pour la forme.


Après, pour ce qui est du fond, l'idée est de démonter ces locutions qui sonnent si bien et que nous avons tous entendu à un moment ou à un autre. Non pas qu'elles seraient, selon Bégaudeau, totalement vides de sens ou, pire, qu'elles signifieraient l'inverse de ce que l'on croit entendre. Ce sont plutôt - d'où le titre de l'ouvrage - des boniments au sens où elles présentent quelque chose de désirable, mais dont la réalité complète n'est jamais évoquée. Sans surprise, la grille d'analyse est marxiste (qui sont les gagnants, en termes de profits économiques, et en corollaire les inévitables perdants) et penche également parfois du côté de l'ingénierie et du contrôle social. Le dernier chapitre, qui porte sur le mot novlangue, expose ainsi qu'il ne s'agit pas d'une novlangue, au sens orwellien, mais plutôt de termes ou d'expressions destinées à enjoliver la réalité crue des rapports sociaux dans une société capitaliste moderne.


C'est assez plaisant à lire, car c'est comme toujours bien écrit, dans une langue accessible, concrète et non dénuée d'un punch certain. Beaucoup de lucidité et des situations qui font indéniablement écho à la France de 2023. Une lecture qu'on ne peut que recommander, mais dont la diffusion sera probablement restreinte pour l'essentiel à des lecteurs déjà convaincus. Et ça ne touchera pas autant de monde que BFM TV et C News, loin s'en faut, alors que ça ouvrirait probablement l'esprit de certains de leurs téléspectateurs.

Marcus31
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lu en 2023

Créée

le 26 août 2023

Critique lue 29 fois

2 commentaires

Marcus31

Écrit par

Critique lue 29 fois

2

D'autres avis sur Boniments

Boniments
Odenuum
8

L'individu libéral et sa trottinette

Si vous cherchez de la nouveauté dans la pensée de François Bégaudeau, sachez que Boniments (2023) n'est ni plus ni moins qu'une (bonne) extension d'Histoire de ta bêtise (2019). Et comme tout bon...

le 26 janv. 2023

2 j'aime

Boniments
ManuMcintosh
7

Critique de Boniments par ManuMcintosh

De François Bégaudeau, j’apprécie souvent davantage ses romans que ses pamphlets. Cependant, cet homme a un sens de la répartie et un humour qui fonctionne toujours, et il n’est jamais aussi brillant...

le 23 août 2023

1 j'aime

Boniments
Cabeb_Mapk
10

Le genre de livres qu'on aimerait avoir écrit

"On dirait du Desproges", était ma première impression en pleine lecture.Car oui, j'imagine bien un humoriste (du siècle dernier, hem) déclamer certains chapitres sur scène : la prose est simple et à...

le 28 mars 2024

Du même critique

Papy fait de la résistance
Marcus31
10

Ach, ce robinet me résiste...che vais le mater

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'extrême jubilation avec laquelle les acteurs semblent jouer leur rôle. Du coup, ils sont (presque) tous très bons et ils donnent véritablement...

le 2 sept. 2015

42 j'aime

5

Histoire de ta bêtise
Marcus31
10

A working class hero is something to be

Un pamphlet au vitriol contre une certaine bourgeoisie moderne, ouverte, progressiste, cultivée. Ou du moins qui se voit et s'affiche comme telle. On peut être d'accord ou non avec Bégaudeau, mais...

le 15 avr. 2019

32 j'aime

7

Madres paralelas
Marcus31
5

Qu'elle est loin, la Movida

Pedro Almodovar a 72 ans et il me semble qu'il soit désormais devenu une sorte de notable. Non pas qu'il ne l'ait pas mérité, ça reste un réalisateur immense, de par ses films des années 80 et du...

le 14 déc. 2021

25 j'aime