Il y a dans ce roman bien plus qu’une petite gamine qui s’étonne d’avoir cassé son jouet après l’avoir secoué dans tous les sens et jeté contre les murs.
Si Françoise Sagan nous décrit les affres de Cécile sous les dehors d’une enfant gâtée, oisive et capricieuse, on aurait tort de s’arrêter là. Toute la force de Bonjour tristesse n’est pas dans ce quintet amoureux finalement convenu mais plutôt dans la finesse d’évocation des relations entre les uns et les autres et dans la lucidité de Cécile, qui semble enchainer les déconvenues et les mauvais choix juste avant de prendre conscience de son erreur. Et, si cela peut agacer par instant, cela démontre l’incroyable acuité de Françoise Sagan. En quelques semaines de la vie de ses personnages, elle nous donne toutes les clés pour bouder son plaisir et se gâcher la vie avec une effrayante efficacité. Cécile fascine par sa capacité à comprendre ce qui se trame entre les êtres, à se jouer des sentiments des uns et des autres, autant qu’elle émeut ou irrite quand elle réalise soudain que ses manipulations mesquines ont des conséquences non seulement sur les autres mais surtout sur la construction de son propre bonheur. Et c’est en cherchant à préserver un bonheur fictif, une liberté trompeuse, que Cécile semble se fermer la porte non pas DU Bonheur mais en tout cas d’un chemin qui y menait.
Sagan montre ici avec cruauté comme les calculs vicieux d’une adolescente qui s’ennuie vont détruire une à une les voies de la joie et ne lui laisser comme seule interlocutrice que la Tristesse. Tristesse que Cécile accueille finalement, avec sagesse, d’un « Bonjour Tristesse » amer et désabusé, terriblement beau.