Cannibale est un petit roman, au style plutôt classique, voire parfois facile.
Un roman revenant sur notre passé colonialiste et critiquant les comportements d'une société enduite de l'avidité malsaine d'un spectacle humain, ici les Africains, des sauvages cannibales païens et polygames au femmes dansant poitrine nue. Une société sclérosée par les stéréotypes de régions trop lointaines pour en faire soi-même l'expérience.
Oui, c'était dégueulasse de notre part. Oui, cette mentalité qu'était la nôtre il y a 85 ans (au jour de l'écriture de cette critique) était horrible et méprisable. Et oui, je plains, à titre personnel, toutes les victimes passées, actuelles et futures de ce genre de traitements. Mais ce que je ne supporte pas, c'est quand un auteur en fait l'apanage d'un récit à visée historique. J'apprécie que l'on immisce une réflexion sur un statut social dans le récit d'une aventure, mais Cannibale finit par tomber dans la morale bien-pensante d'une contemporanéité rongée par la culpabilité. Ce roman est sorti en 1998 ; c'était une bonne période pour un plaidoyer en faveur des noirs toujours victimes de racisme. Mais de l'eau a coulé sous les ponts, et rappeler les horreurs d'une époque colonialiste n'est pas le meilleur moyen de traiter la question d'un racisme ayant lui-même évolué en 70 ans ; au mieux il fait prendre conscience d'un racisme n'étant pas nouveau, au pire il amène un sentiment de nostalgie chez les pires esprits de son lectorat.
Didier Daeninckx ne manque pas de rendre quelques uns de ses personnages assez clichés, mais l'aventure décrite dans Cannibale, une quête pour retrouver la femme que l'on a juré de protéger, se lit rapidement. On regrette cependant qu'un roman visant à rappeler un passé historique fasse plus place à la narration qu'à la réflexion et la description des mentalités. Ces dernières se font très discrètes jusqu'à la fin de la nouvelle (ou plutôt du récit mis en abyme de Gonécé).