Carmilla intervient entre Le Vampire de Polidori et Dracula de Bram Stoker. Il représente dès lors un intérêt important dans la chronologie des œuvres littéraires vampiriques. Ce n'est bien sûr pas son seul intérêt, puisque cette nouvelle présente le vampire sous un jour un peu différent, à nous, habitués à toutes les représentations du vampire possibles. De plus, l'univers, les personnages, le style et le rythme du récit forment un tout des plus réussis.
On critique beaucoup le style, un peu désuet, naïf, mais après tout la narratrice est une jeune fille depuis toujours cantonnée à son château solitaire sans vraiment d'expérience de la vie. Ce qui au final est une excellente chose, car on a l'impression de découvrir pour la première fois le monstre vampirique bien connu au jour d'aujourd'hui, en lui enlevant toute l'horreur de son mythe, et on le perçoit fascinant, merveilleux, avec cet effroi sous-jacent. La technique est subtile, et Le Fanu arrive presque à nous faire ressentir du suspense quant à la nature de Carmilla, à nous qui connaissons parfaitement toutes les caractéristiques du vampire.
Le récit de Laura est à la fois innocent, romantique, sensuel et méfiant. Personnellement, je n'y vois pas d'érotisme lesbien, mais juste une amitié fusionnelle teintée d'amour platonique inconnu de la jeune Laura. Si Carmilla ne s'éprend (vampiriquement, et pas amoureusement) que de jeunes filles, c'est parce qu'elle est et restera à jamais une jeune fille elle-même. Je ne la vois s'attaquer à de jeunes garçons dans un délire de désir hétéro. Elle cherche surtout à sublimer son éternelle apparence d'adolescente et donc à se nourrir de ses semblables féminines. Je n'y vois pas d'amour interdit et d'homosexualité, mais plutôt la caractéristique bien connue du vampire de toujours rechercher la beauté, la séduction, l'immortalité. Ceci n'est par contre pas ma vision des vampires en général, mais uniquement celle de la Carmilla de Le Fanu. Les autres vampires sont différents à mon sens, et cherchent plutôt à se nourrir de la jeunesse et la beauté, dans un style plus sexuellement hétéro et brutal.
L’œuvre Carmilla est donc particulière et se démarque de ses pairs, plus subtile, moins charnelle, plus romantique, dans un style beaucoup plus implicite et poétique. A lire absolument si vous aimez le mythe du vampire et que vous voulez approfondir ses origines.