Ce vampire est Meilleur que l'empire Meyer.
On ne présente plus le roman qui inspira à Bram Stoker son chef-d’œuvre, Dracula.
Bon, si, un peu.
En Styrie, actuel land d’Autriche, Laura coule des jours monotones et solitaires avec son père dans un manoir isolé. L’arrivée impromptue de la mystérieuse mais charismatique Carmilla enchante la jeune-fille bien qu’elle soit quelque-peu interloquée par les transports d’affection que lui porte par moment sa nouvelle amie, sa nonchalance naturelle ou encore ses curieuses errances nocturnes. Après une nuit secouée d’affreux cauchemars, Laura commence à développer un mal étrange et insidieux, une langueur pareille à celle qui caractérise Carmilla prend peu à peu possession d’elle…
Du point de vue purement romanesque, Carmilla est avant tout l’agréable découverte d’une œuvre qui, si elle n’est pas la première à l’aborder, marque un tournant dans l’usage du mythe vampirique en littérature. La relation qui se lie entre les deux jeunes-femmes, plus que simplement celle d’une proie face à sa prédatrice, n’oublie pas de parer le vampire de son aura de mystère, de lascivité mêlée de bestialité, traits qui deviendront par la suite sa marque de fabrique, si j’ose dire. Il est à noter que pour son époque, Sheridan le Fanu ose traiter d’une relation à l’homosexualité sous-jacente à peine voilée d’une manière à la fois subtile et sensuelle. La courteur du récit fait qu’il ne manque jamais de rythme et se lit d’une traite emballés que nous sommes, avouons-le, par son intrigue.
Là où j’émets tout de même quelques réserves, c’est sur la forme. Le récit nous est narré par le personnage de Laura, jeune-fille enjouée mais aussi, ne nous leurrons pas, assez stupide, et il semble que l’écrivain ait voulu que le caractère de la demoiselle transparaisse dans le style d’écriture qui lui est prêté, un peu comme si nous lisions une lettre qu’elle nous adressait ou un journal intime. L’idée est louable, certes, mais du coup le récit pâti d’une écriture assez pauvre, aux effets de style souvent maladroits voir ridicules et dans l’édition du livre qui est mienne, ce problème est même soulevé dans une note du traducteur en préface de l’histoire. Il cite, et je n’en ai pas de meilleurs, comme exemple un passage où Laura nous dit « Ecoutez bien ! Et émerveillez-vous ! » avant de… nous dresser la liste non exhaustive des habitants du château sur un ton monocorde… J’aurais été aussi émerveillée en lisant l’annuaire qui possède lui l’humilité de se passer d’un tel préambule. En fin de roman, certains détails sont passés sous silence, certains personnages sont intégrés au récit sans aucune présentation si ce n'est, encore, les notes du traducteurs qui aident à la compréhension.
Reste que Carmilla est pour ceux qui s’intéressent au mythe du vampire ou plus largement, à la littérature fantastique, un passage presque obligé, une lecture divertissante et possède malgré sa forme maladroite une habileté à distiller le mystère qui devrait vous empêcher de lâcher ce court roman avant d’en avoir tourné la dernière page.