Chronique acide et désopilante de la vie de caserne, dans l'U.S Air Force, pendant la seconde guerre mondiale, Catch 22 est une œuvre forte et atypique. Ecrit dans les années 50, certainement basé sur l'expérience vécue de son auteur, Catch 22 a sans doute préfiguré des films tels que M.A.S.H, sans parler de sa propre adaptation au cinéma dont je n'ai appris l'existence qu'hier.
Ce bouquin est avant toute une violente charge antimilitariste et une critique au vitriol contre l'institution militaire. Tout y passe : les hauts gradés y sont décrits comme des badernes incompétentes et gonflées de leur propre orgueil, préoccupés avant toute chose par leur avancement de carrière . Les officiers de rang intermédiaires, qui eux risquent leur peau, sont pour la plupart devenus fous ou dans le meilleur des cas sont simplement névrosés. Entre deux missions, ils occupent leur temps libre à se prendre des caisses et à visiter les bordels. Ils tirent bien évidemment au flanc et certains d'entre essaient de se faire exempter de missions. Tout cela est décrit par le menu, à travers des situations qui confinent souvent à l'absurde, voire au délire. C'est souvent très drôle. Mais d'une drôlerie noire, car la mort, la peur et l'angoisse sont également bien présentes dans Catch 22.
Et tant qu'à s'attaquer à l'armée, Heller ne s'arrête pas en si bon chemin : il tourne également en ridicule le patriotisme (en pleine période de Mac Carthysme, rappelons le), l'administration, l'esprit de libre entreprise en tant que socle de la nation américaine (l'intendant de l'escadrille fait du marché noir), la religion (ah, ce personnage d'aumônier). Enfin bref, toutes les valeurs des conservateurs étatsuniens. Et il faut avouer, qu'à mes yeux, certains passages n'ont pas pris une ride.
S'agissant maintenant de la forme, Catch 22 ne repose pas sur une narration chronologique, sauf peut-être dans les derniers chapitres. Il se présenterait plutôt comme un défilé de personnages, c'est du moins ainsi que le bouquin est structuré en chapitres. Mais, en outre, ces chapitres s'éloignent souvent du personnage qu'ils sont censés décrire et, en définitive, l'ensemble se présente plus comme une succession de scènes de la vie militaire. Une sorte de chronique désynchronisée, quoi. C'est une construction originale, qui donne l'impression d'un temps non linéaire et qui renvoie sans doute à un ressenti de l'auteur durant sa propre affectation à une unité de combat. Tout se mélangeant, avec des journées semblables aux autres et que rien ne permet de situer les unes par rapport aux autres. Si on met là dessus certaines scènes qui sont l'ordre du rêve ou délire, ça forme un ensemble confus et finalement pas évident du tout à lire. D'autant que les personnages sont très nombreux et j'avoue m'être mélangé les pinceaux à plusieurs reprises.
Tout ça fait de Catch 22 une œuvre originale et touffue, mais complexe et ardue et comme le bouquin est plutôt épais, il faut arriver à s'y plonger et être prêt à y passer du temps.