Que laissons-nous derrière nous ? Un nom de famille, un terrain, une propriété, un titre ?
Cette question de la transmission obsède l'Homme depuis qu'il a pris conscience de sa propre mortalité. Depuis qu'il a fait sienne le concept de propriété, il a souhaité pouvoir transmettre afin d'assurer à la future génération une vie (et un statut) meilleure.
Mais la famille décrite dans ce roman n'est ni cupide ni surannée. Il s'agit plus d'un agrégat d'individus mêlant sincère bienveillance & attitude candide.
L'auteur y décrit avec force les pérégrinations d'une famille, les Buendia et aux bouleversements de leur village face aux changements du monde. D'abord isolé et tranquille, le village va se retrouver point de chute de voyageurs et marchands en tout genre. Les rencontres avec des individus venants du Vieux Monde et des découvertes scientifiques plus loufoques les unes que les autres va forcer une révolution anthropologique. S'y mêle des fantômes refusant de quitter la place et une maison servant de catalyseur pour tous les membres de cette famille singulière.
Cette maison, d'ailleurs, peut être considérée comme le personnage principal de ce roman. Refuge, prison, elle se voit agrandie, retapée dans tous sens au fil des générations et des besoins. Perpétuellement nettoyée, elle semble toujours avoir besoin d'entretien et assiste silencieuse aux différents ébats, aux disputes et aux solitudes des uns et des autres. C'est entre ses murs que les vivants discutent avec les morts dans les ateliers. C'est elle qui tient debout alors que les générations vieillissent ou disparaissent.
Cette maison est occupée par des êtres sincèrement bons, comme Ursula, et d'autres sincèrement torturés comme Aureliano (l'un d'entre nous ou la plupart en vrai). Mais au final, que leur vie soit courte ou longue, la maison reste ce témoin de la gloire et de la chute de la lignée.
Ce que Gabriel Garcia Marquez nous rappelle dans ce roman qui retrace la vie de quelques 5 générations, c'est que les acquis d'une première génération ne présume de rien pour celles qui suivent. Tout peut être balayé : par la nature, par la fureur des Hommes ou par les rancœurs des sentiments.
Au fond, on peut tenter de construire mais rien n'est assuré. En tant que membre d'une famille, nous ne faisons que passer le relais entre deux générations et que la vérité d'une décennie est très fragile.
Ce roman, lu en version traduite, conte assez justement l'Histoire romancée d'un village fictif existant sur le continent sud-américain, déjà connecté au Vieux Monde, et en pleine révolution administrative et industrielle. L'auteur n'hésite pas à inclure, quelques éléments fantastiques en y incluant des fantômes sans pour autant perturber la crédibilité du récit.
La lecture de ce siècle d'histoire familiale est rendue fluide par la traduction qui je l'espère rend justice au style orignal. Mon incompétence linguistique en espagnol m'empêche malheureusement de valider ce dernier point. Le foisonnement de personnages permet en tout cas au lecteur d'éviter de ressentir la moindre solitude. Et ca, c'est réussi.
Au vu du destin parfois tragiques de certains personnages, me vient les mots du sage :
"Certains pensent que le génie est héréditaire, d'autres ont des enfants."