Chanson douce propose le portrait de deux femmes sur le fil du rasoir, la nourrice Louise qui souffre de sa solitude et de ses problèmes d'argent, et la mère Myriam qui est frustrée de ne plus travailler pour s'occuper de ses deux enfants. A priori, la rencontre entre ces deux femmes devrait leur être mutuellement bénéfique, puisque Myriam apporte à Louise de l'argent et des enfants qui lui permettent de réaliser sa vocation, tandis que Louise apporte à Myriam du temps libre, en faisant régulièrement des heures sup pour que Myriam puisse elle aussi travailler plus tard. Cependant, il s'avère rapidement que cet accord, parfait en apparence, met les deux femmes en opposition : Myriam a des doutes sur la manière dont Louise s'occupe de ses enfants, tandis que Louise supporte difficilement le fait de voir cette famille dans une aisance relative alors qu'elle-même pourrait tout perdre, y compris son logement, jusqu'au moment où elle craque.
Chanson douce apparait avant tout comme un livre cathartique, qui cristallise les doutes et la mauvaise conscience d'une jeune mère d'un milieu relativement aisé : est-il possible de conjuguer travail et enfants, sans que l'un empiète sur l'autre ? Peut-on être sûre que ses enfants sont en sécurité si on les confie à une autre ? La sécurité et la stabilité indispensables au foyer familial ne peuvent-elles pas perpétuer des injustices sociales (voir l'amie de Myriam qui met ses enfants dans le privé pour qu'ils ne subissent pas la mauvaise influence des élèves du public) ?
Le roman est bien écrit et bien construit, l'écriture et fluide et le rythme est maîtrisé, en particulier la manière dont le doute et la haine s'installe entre les deux femmes. Cependant, le développement des thèmes abordés et des personnages manque un peu d'originalité, ce type d'histoire où on oppose deux personnages venant de milieux sociaux très différents restant assez convenu, les questionnements présentés ci-dessus étant assez peu dépassés, et les personnages manquant parfois d'un peu plus de relief.