Pas franchement un roman, pas du tout épistolaire

Mais plutôt un essai.

Donc :

Oscar, écrivain humainement assez médiocre, vient de se faire "metoosier" par Zoé son ancienne attachée de presse, dont il était fou amoureux, qui, a de son coté dénoncé un harcèlement. Rebecca actrice dont la carrière s'essouffle (car c'est une femme de plus de cinquante ans) et Oscar s'échangent lettres puis mails au cours du livre. Zoé publie sur son blog féministe militant.


Et globalement Oscar et Rebecca se réconcilient, apprennent l'un de l'autre et deviennent amis. Zoé, féministe acharnée, après un passage en hospitalisation psychiatrique face à l'afflux de haine, menace de viol et de mort qu'elle reçoit, reprendra le combat - peut-être - moins torturée et plus tenace


Pour la progression de l'histoire, et bien ce sera à peu près tout.


Peu d'évènements seront relatés, et la forme épistolaire assez peu tenue. Celle ci servant surtout à justifier le dialogue entre Oscar et Rebecca, noyau de l'ouvrage. La longueur des messages, mais aussi le rythme d'envoie, leur contenu me paraissant peu réalistes pour un véritable échange épistolaire.


S'il ne font pas grand chose, les personnages bénéficient d'un véritable éclairage au fur et à mesure de ce qu'ils révèlent sur eux. L'enchainement des révélations de ce qu'ils ont vécus des anecdotes est extrêmement bien maitrisé et à chaque fois, après un bref effort de mémorisation on pourra intégrer chaque élément dans le puzzle de leurs histoires et personnalités.


Plus problématique est ce présent de vérité général presque omniprésent. A peine l'élément nouveau est évoqué qu'on bascule dans les grandes vérités. le rapport entre hommes et femmes bien surs, mais aussi entre amis, entre mère et fils etc... Ca donne une idée assez directe de la conception des choses de Despentes (tant mieux c'est la première fois que je la lis), mais ça étouffe beaucoup le rythme et l'intérêt narratif. Et donne une dose d'arrogance au livre.

Au passage Céline prendra une rafale dont on peut quand même se demander si l'auteur de "La bagatelle pour un massacre" aurait reçu autant de haine si il en était finalement resté au "Voyage au bout de la Nuit" ( considéré comme livre de gauche à l'époque). Enfin c'est la critique exclusive de son -apparament- manque total de qualité littéraire (et ce sera le seul du livre à se faire détruire) qui interroge. N'y a t'il pas assez à dire simplement sur les convictions de l'auteur ?


On glisse donc assez surement sur le texte politique. Le quart de notre pays qui serait l'extrême droite en 2022 sera globalement la bête immonde à combattre. Le privilège blanc sera dans la foulée dénoncé à deux reprises alors qu'on parle juste avant et sans transition ni explication du privilège masculin. L'intersectionnalité manque parfois un peu de clarté.


Ce qui marque surtout c'est la dureté des rapports hétérosexuels. On parlera beaucoup de séduction, un peu de "marché", pas mal de sexualité. Mais à aucun moment d'amour. Dans les nombreuses relations évoquée, pas une n'est durable. Ca me rappelle "l'extension du domaine de la lutte" de Houellbecq (dans un registre politique sans doute opposé). La séduction est un marché ultralibéral. Ici il convient de le réguler en corrigeant l'inégalité dont sont victimes les femmes, de reconquérir leur sécurité.


Mais l'écrit politique ne signifie pas une absence absolue de nuance et c'est ce point positif qui a été beaucoup mis en avant dans la presse. D'abord dans les conceptions du féminismes, avec un intérêt particulier des échanges entre Rebecca et Zoé , féministes de 2 générations différentes qui se répondent , parfois se corrigent. Clémentine, fille adolescente d'Oscar viendra former la troisième génération -émergente- de femmes dans le roman.


Surtout on obtiendra finalement un peu de beauté lors des échanges sur les narcotiques anonymes. Cet "anti-instagram", qui par l'exemple des héros silencieux qui avancent permets aux deux personnages principaux de se remettre debout. C'est encore hors des combats que la plume de Despentes est la plus travaillée.


Bref, l'intérêt littéraire de ces 352 pages reste non nul, et la pensée de l'autrice sulfureuse est assez transparente. Mais il est regrettable que la seconde empiète autant sur le premier. Après Cher connard, la lecture de King Kong théorie risque d'être un peu redondante ( si ce n'est leur 16 ans d'écart). En revanche la triolgie Vernon Subutex sera peut être intéressant.

Dr-Wayn
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le 9 mai 2023

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