Le cow-boy solitaire
Il l’a fait ! Après avoir mis en mots un paquet de mes affects anti-bourgeois, dans Histoire de ta Bêtise, puis m’avoir déconfusionné par Notre Joie, je n'étais pas sûr que Bégaudeau soit capable de...
le 7 oct. 2024
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Têtu comme une mule, chargé comme un baudet
C'est un objet assez déroutant que ce dernier essai de François Bégaudeau. En effet l'écrivain adopte la forme littéraire qui lui avait plutôt réussie dans le percutant et corrosif "Histoire de ta bêtise" et qu'il avait poursuivi dans "Notre joie". Nous sommes une nouvelle fois ici sur un livre qui mêle essai politique et récit introspectif. Le procédé est à chaque fois plus ou moins le même : Partir d'un évènement de la vie personnelle de l'auteur pour disserter sur un sujet politique dans un style épistolaire à l'adresse d'un individu ou d'un groupe représentatif d'une idéologie dont il s'agit de montrer les contradictions et les inconséquences. A la différence près qu'ici l'auteur ne s'adresse pas directement à la responsable de la discorde dénommée par ses initiales, LB, mais bien plutôt au milieu de la gauche radicale ou de l'édition incarné par quelques figures parcourant l'ouvrage et affublées de différentes lettres de l'alphabet latin. Les intéressés se reconnaitront.
Ce mélange des genres propre à l'écrivain se transforme dès lors en un exercice d'équilibriste dans l'articulation entre analyse de ses contemporains et analyse de soi, qui, comme une recette de cuisine, fonctionnera plus ou moins bien selon le dosage des ingrédients et l’appétit des convives. Cela vaut en particulier pour les digressions psychanalytiques ou sociologiques de Bégaudeau sur sa personne qui, et c'est affaire de goût, peuvent parfois provoquer chez moi une certaine indigestion, tout comme une tendance chez l'écrivain à la psychosociologisation, notamment de ses contradicteurs, via différents procédés tel que l'usage immodéré et parfois discutable du fameux concept d'affect, ou dans le pire des cas par des attaques ad personam, qui, bien que parfois drôles ou sarcastiques, peuvent aussi desservir les arguments de fond au lieu de les renforcer par l'effet littéraire.
Si la formule marche néanmoins plutôt bien sur "Histoire de ta bêtise", j'aurai plus de réserve sur ce "Comme une mule" qui, s'il m'a par moment convaincu sur ses analyses, m'a beaucoup plus dérangé sur la forme et la présence trop importante de son "différend" avec l'historienne Ludivine Bantigny, alias LB, pour ne pas la nommer.
En effet bien que l'intéressé lui même s'en défende, "Comme une mule" s'apparente à l'exercice d'autojustification le plus sophistiqué que j'ai pu lire de mémoire. Les potards des mécanismes de défense sont poussés au maximum, et l'idée est bien de se poser en victime d'un certain féminisme dit moral. Car oui si factuellement l'"Affaire" ne représente pas un pourcentage très important du livre, elle est en permanence présente et revient régulièrement au fil des pages jusqu'au dénouement final, le jour du procès concluant l'ouvrage. On sent que Bégaudeau n'a pas digéré ce qu'il s'est passé, les attaques sur les réseaux et les reproches qui lui ont été fait par le milieu de la gauche radicale dont il se réclame. Puisque l'ouvrage use et abuse de psychologismes, n'hésitons pas à affirmer qu'il y a là une blessure narcissique profonde, et que ce livre est en partie une revanche à l'endroit de Bantigny et des Chiennes de garde, mais aussi de toutes les personnes du petit milieu de la gauche parisienne qui ne l'ont pas soutenu au creux de la tempête. Même si les saillies ironiques et provocantes de Bégaudeau la mule m'ont parfois fait sourire, c'est à cet endroit là qu'il est finalement le moins juste, ce qui est dommage car le livre propose par ailleurs des réflexions vraiment pertinentes sur le rapport de l'art à la morale et à la politique. D'autant plus que Bégaudeau reste un très bon écrivain, avec un sens de la formule qui n'est plus à démontrer, tout comme une capacité, par le recours à la métaphore ou l'analogie érudite, à donner à ressentir le monde social et donner de la chair à des concepts abstraits.
Déroutant donc que ce "Comme une mule", cet essai politique intime qui selon le bout par lequel on le prend tient autant de l'essai subtil que de la vengeance puérile d'un égo boursouflé. Un objet à la fois drôle et désarmant, insignifiant et profond, limpide et contradictoire, trivial et inspirant.
Le mouton n'a pas de plumes, et l'oiseau n'a pas de laine
Un ouvrage qui laisse une impression paradoxale donc mais qu'il serait injuste de résumer au conflit Bégaudeau/Bantigny.
Car "Comme une mule" c'est bien plus que cela. Les avis sont comme souvent chez l'auteur tranchés mais les argumentations sont plutôt fines et subtiles. On éprouve un réel plaisir à suivre les raisonnements intellectuels, sans forcément adhérer à tout les arguments. Bégaudeau donne à penser. Et c'est toujours précieux.
L'idée ici n'est pas de lister de manière exhaustive toutes les réflexions présentes dans le livre ni de les commenter, mais plutôt d'en donner un aperçu.
Dans une première partie introductive l'écrivain revient sur le déclenchement de son affaire pour réfléchir entre autre choses à la manière dont les mots et les faits de violences masculines sont sanctionnés aujourd’hui par un certain féminisme militant sans discernement ni mesure quant à la qualification ou la nature de ces derniers, toutes les agressions étant plus ou moins mise sur le même plan sans nuances. Il remet également en question le fameux "je te crois" à la tonalité totalisante et préfère utiliser le terme plus approprié selon lui du "je t'écoute" qu'il appelle de ses vœux. Il critique également la judiciarisation des affaires de violences et le féminisme dit punitif. Il s'inspire pour ce faire de la militante queer Elsa deck Marsaul et de son ouvrage "Faire justice". C'est aussi l'occasion de dénoncer l'emballement propre au réseaux sociaux et la campagne de dénigrement dont il a été l'objet.
Bégaudeau se livre ensuite à une réflexion sur l'humour. En revenant sur sa blague et la réception de cette dernière, il tire un fil qui va l'amener à s'interroger sur plusieurs aspects de l'humour. Est-ce que faire une blague raciste fait de moi une personne raciste ? Est-ce qu'une même blague misogyne dit dans un contexte privé change sa nature ? Il évoque également son goût pour la trivialité et la crudité et se livre à une réflexion sur les désirs contradictoires en chacun de nous, les fantasmes que l'on cache et que l'on n'ose exprimer. Il affirme l'importance d'être libre de se moquer, de rire de l'autre, liberté qui est selon Bégaudeau finalement salvatrice pour créer du commun. Il digresse également sur le cas Dieudonné, en décortiquant le parcours de l’humoriste si décrié qui condense un certain nombre de questionnements sur l'humour, la morale et la politique. Enfin tout un passage est consacré aux limites de l'expression et au traitement par l'humour de sujets dérangeants ou atroces .
Il revient également sur le rapport de l'art à la politique et à la morale. Il essaye ainsi de définir ce qu'est l'art, et utilise pour ce faire de nombreux exemples, analogies ou métaphores issues du cinéma, de la littérature ou de la vie, où l'on entraperçoit par moment Bégaudeau le romancier. Les amateurs de la "Gêne occasionnée", son podcast sur le cinéma, retrouveront ainsi avec plaisir des sujets, des références et des pensées chères à l'auteur. Ce passage sur l'art est aussi une attaque à l'endroit de ceux que Milan Kundera qualifiait en son temps de misomuses en parlant de personnes qui, parce qu'elles sont incapables de comprendre l'art ou de ressentir des émotions esthétiques, le dévalorise ou le censure par ignorance ou moralisme. Begaudeau à cette occasion utilise quant à lui le terme de politimane, une espèce d'individu qui ne voit l'art qu'à travers une lecture strictement politique ou politicienne. L'écrivain montre au contraire que l'art ne peut être réduit à la morale et à la politique et qu'en tant qu'émanation de la vie même, de sa complexité tout comme de ses contradictions, il est bien sûr beaucoup plus qu'un simple discours sur le monde. Fort de ce constat, Bégaudeau pointe le problème inhérent à la saisie militante et politique de l'art. L'art a sa propre morale.
"Appelons politimanie la névrose qui consiste non à voir de la politique partout, mais à ne voir partout que de la politique. A travers ce prisme le particulier devient général, un fait devient une illustration, une chose un exemple, une œuvre un discours, une page un tract, un lampadaire un symbole, un âne une pie."
Bien sûr l'ouvrage n'est pas juste un long pavé argumentatif tel que je viens de le faire. Bégaudeau fait de la littérature, et sa prose est assez brillante, parfois drôle, parfois provocante et émaillée de très nombreuses références culturelles et digressions littéraires. Si l'on devait résumer le livre on pourrait dire que c'est un long plaidoyer pour la liberté d'expression et la liberté de l'artiste, même si c'est forcément un peu réducteur.
Un essai plutôt réussi donc, même si une fois la lecture terminée on se dit que Bégaudeau enfonce quand même quelques portes ouvertes. Avec style certes, mais quand même. Rien de bien nouveau dans les problématiques exposées, qui ont pour la plupart déjà été traitées ailleurs. Mais ici Bégaudeau le fait à sa manière, certainement plus percutante et vivante qu'un ouvrage de chercheur. Le livre est également un peu fouillis, les digressions digressant par moment en donnant le sentiment de partir dans tout les sens dans une herméneutique sans fin parfois un peu verbeuse. Mais cela fait partie du personnage et c'est aussi et sans doute la forme littéraire qui veut ça. L'ouvrage perdrait sûrement en énergie s'il était plus structuré.
Le reproche que je ferai à l'essai de Bégaudeau ne se situe donc pas au niveau de son sujet ni de ses arguments (même si toujours discutables et parfois contradictoires entre eux) et encore moins de son style littéraire que je peux apprécier. Le problème principal de l'ouvrage vient en réalité de l'articulation de ses réflexions avec son affaire personnelle. Et sur ce point on peut dire que la mayonnaise ne prend pas. Elle a même plutôt tournée pour ainsi dire.
On ne fait pas avancer un âne qui chie. Comme un bourrin
On est là en face du problème majeur de l'ouvrage de Bégaudeau, et qui aux yeux de certains disqualifiera probablement l'auteur dans sa capacité à s'engager sur des problématiques ayant trait au féminisme.
Car ce qui pose question dans le livre est d'une part l'omniprésence malaisante de son conflit avec Bantigny au milieu de considérations plus générales sur la vie et le monde mais aussi la forme et le style que Bégaudeau choisit pour évoquer et raconter son "Affaire" avec LB, sa très chère "nemesis".
Le soucis ici tient donc dans l'articulation entre deux pôles, le cas personnel et le propos plus général sur l'époque. Et clairement l'"Affaire" prend beaucoup trop de place à côté des autres sujets parfois importants et graves : le viol, le racisme, la condition ouvrière, la guerre...En résulte le sentiment que des sujets dont les dimensions sont sans commune mesure se retrouvent placés en équivalence sur un même plan littéraire et ce sentiment est très dérangeant. Comme si finalement toute cette réflexion politique ne servait qu'à une autojustification laborieuse sur un fait anecdotique vu de l'extérieur eu égard à ce qui est traité dans le livre par ailleurs...On ne peut s'empêcher de penser par moment que Bégaudeau instrumentalise des questions fondamentales à la seule fin de se donner le beau rôle de la victime expiatoire des moralistes sévissant sur internet. Un procédé récurrent et douteux est ainsi utilisé tout au long du livre, celui d'effectuer une longue digression sur un sujet philosophique et sérieux puis, comme si de rien n'était, d'insérer une petite phrase piquante sur le récit de sa brouille avec Bantigny avant de poursuivre ses démonstrations.
Bégaudeau fait en réalité exactement la même chose que ce qu'il reproche aux autres. Il se victimise alors qu'il est quand même à la base d'une soi disant blague qui de part sa gratuité peut être légitimement perçue comme une agression. Et se réfugie avec une certaine mauvaise foi derrière "le droit à la beauferie". On ne demande qu'à le croire même si on peut douter du caractère humoristique de son intervention sur ce forum de discussion. Car si sa propre blague misogyne l'a bien fait rire et que c'est une affaire de goût, cette dernière a plutôt un goût de merde. Le problème n'étant pas la trivialité, beaucoup d’humoristes en usent avec talent (Lompret et Barré par exemple) mais plutôt la gratuité et l'agressivité des propos. L'humour est affaire de degré ou d'incarnation de personnages cathartiques. Difficile de percevoir une subtilité de ce genre dans la blague de Bégaudeau. N'est pas humoriste qui veut.
En parlant de gratuité il serait également nécessaire de revenir sur la forme et la manière dont Bégaudeau s’attaque à la personne de Ludivine Bantigny. Car, que l'on apprécie ou non la personne et les écrits de cette historienne, on ne peut que trouver le traitement que lui réserve Bégaudeau assez minable et empli d'un mépris qui ne cesse de surprendre au fil des pages. A commencer par la dénommer par ses initiales. Comme si il était insupportable même à Bégaudeau d'écrire son nom. Que de ressentiments. L'écrivain va aussi par exemple prêter des pensées ou des intentions à Bantigny avec une volonté évidente de nuire dans des passages qui sont plus de l'ordre de la psychologie de comptoir que de l'analyse sérieuse. A le lire tout cela ne serait finalement que de la jalousie de Bantigny à son endroit, lui l'écrivain à succès si talentueux. En effet l'historienne ne supporterait pas son succès sur internet...Je ne peux m'empêcher de retranscrire quelques extraits pour illustrer mon propos, passages qui sonnent parfois, et c'est plutôt ironique, comme une propre projection de l'auteur sur la personne de Bantigny où l'on pourrait croire qu'il parle de lui :
"Le premier réflexe de l'enseignante LB est pédagogique et non comique, comment lui en vouloir ?Consciemment ou non LB a fabriqué la diffamation. L'a construite tiens. Pourquoi vouloir ça ? hypothèses en vrac : nécessité de justifier la plainte à venir, envie de publicité, envie d'un quart d'heure de célébrité sur twitter, envie de se venger de G à travers moi, envie de m'emmerder, n'aime pas ma gueule, n'aime pas mes genoux, n'aime pas ma villa corse, aime si peu mes livres que n'en a lu aucun"
"A supposer qu'elle s'engage corps et âme dans la défense des conquis sociaux en souvenirs de grands parents qui les ont précisément conquis, cette part sentimentale est de basse intensité par rapport au matériau affectif que réveille ma blague"
Et les passages de la sorte sont très nombreux et sur la même tonalité. Certains trouveront peut être cela drôle, mais c'est aussi assez bas. Et gras. Finalement si Ludivine prend mal la petite blaguounette salace de François, c'est un peu de sa faute, empêtrée qu'elle est dans sa moraline et sa bêtise. D'ailleurs pourrait elle même comprendre la subtilité de l'art ou de l'humour, cette universitaire bourgeoise sans talent ?
Car si Bégaudeau s'estime aussi légitime dans ses diatribes, c'est qu'il est une victime mais aussi un auteur qui a une (très) haute idée de lui même. Et Bantigny alors ? Où est l'empathie de l'écrivain là dedans ? Cette dernière s'arrête quand on touche à sa personne ? Certes on peut regretter tout ce qui est arrivé à Bégaudeau mais quid des conséquences de cette blague sur la vie de Bantigny ? Professionnellement, familialement. Comment elle a dû gérer cet épisode auprès de ses collègues, de ses amis, de son mari, de ses enfants ? La rumeur qui a dû s'en suivre ? Cela a t il même traversé l'esprit de Bégaudeau au moment d'écrire ce livre ? En tout cas la question ne semble pas sans fondement, d'autant plus pour un auteur qui aime tant à revendiquer son attachement aux faits et au réel. Il faudrait peut être ici rappeler à Bégaudeau une règle assez simple de la psychanalyse qu'il chérit tant. On n'est jamais moins objectif que sur soi, quand bien même "les faits on les as tous dans la tête" comme il se plait à le dire avec assurance. Vraiment ? Peut on se distancier objectivement de ce qui nous touche narcissiquement ? Le livre apporte la réponse. Et puis les faits on peut en sélectionner certains tout en omettant les autres. Et un fait est toujours soumis à l'interprétation subjective de celui qui s'en saisit.
Il peut être agaçant Bégaudeau. Son arrogance, ce ton péremptoire et parfois condescendant, ces avis définitifs, cette jouissance visible et malaisante à démolir son interlocuteur dans des débats , son mépris ostentatoire, son omniprésence sur internet...Mais d'un autre côté il y a une forme d'honnêteté et de franchise presque touchante et sans filtre, une générosité dans l'exercice de la pensée et un vrai goût pour l'échange, une ouverture, une sensibilité parfois à fleur de peau, un écrivain certes égocentré mais qui donne toujours à penser. Et c'est peut être cela le principal même si au final il se tire une belle balle dans le pied, ses choix littéraires et ses provocations produisant très souvent dans cet essai l'inverse de l'adhésion qu'il espèrerait sans doute susciter chez son lecteur. Pire cela jette un voile de suspicion sur sa capacité et au fond sa légitimité à parler du féminisme.
Les bourgeois c'est comme les cochons
Est-ce que l'on ne touche pas finalement aux limites d'une formule, l'essai politique intime ? Est-ce qu'il n'y a pas une sorte d'usure, arrivé au troisième livre, ou plutôt un sentiment de lassitude qui s'installe au moment de quitter François à l'épicerie attenante au tribunal, et ce malgré les qualités indéniables du dernier opus de sa trilogie politique ?
En refermant son ouvrage je ne peux m'empêcher de me dire qu'au fond Bantigny et Bégaudeau, Bégaudeau et Bantigny, c'est un peu blanc bonnet et bonnet blanc ou pince mi et pince moi sont sur un bateau, les deux faces d'une même médaille, celle de la société du spectacle auxquels ils participent tout les deux à leur manière. On pourrait ainsi légitimement trouver, vu de l'extérieur, que cette histoire est assez pathétique au fond et que ces intellectuels parisiens sont les victimes d'un même système dont ils sont les acteurs et qu'il aurait été intéressant d'analyser par ailleurs. Le préjudice subie semble évident des deux côtés, et montre bien la démesure des réseaux sociaux aujourd’hui, mais aussi la judiciarisation croissante de l'expression publique, qui je donne le point à Bégaudeau là dessus, est problématique, tout comme l'ostracisation de ce dernier par une frange militante de la gauche. En reste le sentiment d'avoir lu dans ses meilleurs moments un très bon essai politicolittéraire et dans ses travers une longue complainte sur les ressentiments et les ruminations d'un intellectuel bourgeois dans le monde dérisoire de la gauche parisienne.
L'on pourrait ainsi conclure de cet essai qu'il vaut bien la peine d'être parcouru tant il fourmille de réflexions et d'idées, même si l'ensemble manque de structure ou plutôt de direction claire, si ce n'est la propre petite "Affaire"de l'auteur, qui est en réalité le véritable fil conducteur. On retrouve bien ici le style érudit, foisonnant et sarcastique de ces précédents ouvrages politiques. Sans être en accord sur tout, on ne peut pas nier que Bégaudeau donne matière à réfléchir, et cela fait du bien. Quant au récit subjectif de l'"Affaire" et aux auto-analyses de l'écrivain, cela reste bien oubliable et peut même provoquer un certain agacement sur certains passages que ne manqueront pas d'utiliser ses détracteurs, qui de toute façon ne le liront pas, les réflexions de Bégaudeau ne seront ainsi reçu que par ceux qui apprécient déjà son travail, ses propos ou le personnage qu'il est devenu au fil des années et de ses interventions médiatiques, notamment sur la toile, n'en déplaise à l'intéressé. Si le but de Bégaudeau avec ce livre était d'avoir raison contre la meute, il n'est selon moi pas vraiment atteint et donnera même de la matière à ceux qui s'empresseront de hurler avec les loups. C'est d'ailleurs déjà le cas, à Libération comme à Mediapart, qui de façon malhonnête met dans un article sur le même plan l'essai de Bégaudeau avec celui de Caroline Fourest, donnant cette fois raison aux arguments de l'écrivain.
Ces dernières remarques soulèvent aussi un paradoxe. Sans les mésaventures judiciaires de Bégaudeau ce livre aurait il existé ? Ce dernier aura beau jeu de dire que la matière de son livre existait déjà avant l'affaire mais pourra aussi affirmer à d'autres moments qu'il ne peut écrire sans partir de sa propre vie et d'évènements le touchant directement, comme un élément déclencheur littéraire. Il est donc très probable que cet essai stimulant n'aurait pas vu le jour sans cette "Affaire", et il faudra donc bien se faire à cette idée emprunte de résignation : Pour apprécier la qualité intellectuelle et littéraire du travail de Bégaudeau, il va bien falloir, bon gré mal gré, se coltiner François. Pour le meilleur comme pour le pire.
Créée
le 26 oct. 2024
Modifiée
le 30 oct. 2024
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