François Bégaudeau, l’auteur de ce si joli roman intitulé avec sobriété Amour, a commis une bourde, une bévue, une blague de potache. De celles qu’il faut éviter à tout prix, surtout si on la diffuse sur une réseau, si confidentiel soit-il.
« j’ai cru ma blague circonscrite à l’entre-soi amical qu’était devenu le forum begaudeau.info"
Car rien de plus efficace pour tronquer, modifier et dénaturer le moindre message que son apparition fut-elle éphémère sur le Net. La blagounette sexiste avait en plus pour coeur de cible une personne réelle, qui s’est sentie humiliée et partagél’affaire, avec bien entendu l’afflux immédiat de commentaires, attirés par la victime potentielle comme des mouches sur un étron.
L’affront est porté en justice. Mais FB n’a pas l’intention de s’excuser, et il explique pourquoi. Beaucoup plus développé que le roman sus-cité, le texte présente l’historique de ce conflit, en décortique les mécanismes et démontre que, non, il n’est pas l’immonde gros beauf que les commentaires pointent du doigt, qu’il est presque féministe, et conscient aussi des risques du moindre faux pas pour quiconque est un peu connu sur la scène médiatique. Mais il ne s’arrête pas à un simple défense de son cas personnel, et se livre à une analyse sociale et politique avec pour point de mire l’art, la littérature, le wokisme, les prix littéraires..…
Pas question de rebondir sur le débat engendré par l’affaire, on comprend la démarche et on est plus atterré par la bêtise du processus (la blague et les conséquences démesurées, sans vouloir minimiser l’insulte ressentie par la cible, cela aurait pu se régler face à face sans mobiliser l’appareil judiciaire qui a autre chose à faire).
Je retiendrai de cet écrit d’abord la qualité de l’écriture, la solidité de la démonstration, même si c’est parfois un peu redondant, et une réflexion bien menée sur notre fonctionnement social et ses supports numériques, pièges où il est difficile de ne pas tomber. De belles pages sur la littérature également.
Cette tentative de défense sera t-elle capable de réhabiliter l’auteur aux yeux de ses détracteurs ? Rien n’est moins sûr, car la nature humaine fait feu de tout bois et trouve derrière les mots qui justifient de nouveaux arguments pour enfoncer l’accusé.