Parmi les habiles tisseurs de contes, on connaît spontanément quelques noms Grim, Perrault et... Andersen. Les trois bien pompées par Disney, qui y trouva un moment de quoi faire fructifier les petites mains décalquant dans ses studios. Ici, c'est La Petite Ondine (maladroitement re-titrée Sirène, sans grand rapport avec les sirènes de la mythologies qui ont elles, plutôt à voir les harpies. Limpide, ou bien ?) qui a fait les frais d'une adaptation. Guère passionné par Disney et pas forcément réceptif à l'exercice, je me penche sur ces Contes dans le cadre d'un défi : lire un ouvrage par mois recensé comme étant parmi les 100 meilleurs de tout l'étang, selon le Cercle Norvégien de littérature. Bien que m'étant procuré l'ouvrage intégral (et fort volumineux, enfin pas dans ma liseuse toute fraîche), je me concentrerais ici grosso modo sur les contes de la période allant de 1835 à 1837, les plus célèbres.
Et ce que j'en retire au final, sinon le plaisir de m'auto-bercer la nuit, dans la pénombre à la seule lueur minimale de ma liseuse, à la lecture de quelques unes de ces histoires, tout en écoutant du vieux prog danois et bien : pas grand chose. Andersen ne me semble pas écrire particulièrement bien, ses histoires semblent assez peu porteuses de morales à méditer - sauf quelques contre-exemples sur lesquels je reviendrais), et le tout fait preuve d'un imaginaire parfois un peu étonnant, mais bien digéré par deux siècles d'exégètes. On sera tout de même surpris de voir un proto-Toy Story s'imaginant la vie secrète et tristoune des jouets ; beaucoup moins des innombrables histoires de princesse.
Une thématique un peu récurrente, et qui est fort logique : le pouvoir de l'imaginaire, et l'art de conter les choses comme forces en soi. Cela dit, à ne clamer que cette vertu sans trop ménager de réflexions morales ou même de véritables ossatures narratives, Andersen me semble souvent un peu tourner à vide, une fois que l'on a passé quelques historiettes sur le sujet. Les nouvelles les plus célèbres me semblent ainsi moins parlantes que ceux qu'on voulu leur faire dire : La Petite Sirène, par exemple, est une simple histoire de rivalités entre sœurs - ayant pour objet, attention, la beauté. Le Vilain Petit Canard (peut-être un peu plus récent que 1937) m'a paru bien plus creux que l'image que j'en avais étant petit. On se plait tout de même à suivre certains récits par la force des choses et le souffle du destin : ainsi du frère et de la soeur séparé par la glace à travers les continents (La Reine des Neiges) ou cette soeur tissant une cottes d'orties pour libérer ses sept frères d'un mauvais sorts. Dommage que, et je m'abstiens de tout jugement anachronique, mais tout de même, le tout soit si souvent pétri d'une misogynie ordinaire renvoyant les donzelles à leurs seuls apparats. Une brève histoire, m'a tout de même pas mal plu, et me semble revêtir un sens prophétique : celle du roi faisant faire par deux tisserands (mais escrocs en réalité), une tenue chic. Tenue chic fantomatique, n'existant que par la parole des deux bonimenteurs, mais que tout le monde s'efforce de voir, de peur de passer pour un idiot (l'évêque chargé de surveiller les travaux, le roi lui-même, se baladant alors à poil et prétendant avoir ladite tenue, mais aussi toute la populace). Jusqu'à ce qu'un enfant s'écrie : "pourquoi le monsieur est tout nu"... Du poids de la pression des pairs, de la vérité qui sort de la bouche des enfants et cette vérité toute simple : pourquoi Andersen écrit-il aussi à poil ?