Contes de la bécasse par Gauvain
Il y a des nouvelles dont on se demande ce qu'elles font là : "Menuet" est ennuyeux, "Farce normande" est inutile. Quant à "Un coq chanta", on ne voit pas bien à quoi cela rime. Mais la plupart se lisent, se grignotent, avec un sourire qui ne quitte pas nos lèvres. L'efficacité avec laquelle Maupassant arrive, en quelques lignes, à recréer une ambiance, à poser un cadre, à raconter une histoire... et à nous en faire sortir aussitôt pour enchaîner sur autre chose, est absolument incroyable. Et quelle précision, quelle justesse psychologique dans l'amour frustré de la rempailleuse, dans l'angoisse de Walter Schnaffs (quelle grande nouvelle pacifiste, au passage !), dans la brutalité sauvage des paysans d'"Aux champs" ! "Le testament" est un émouvant conte féministe, "Un fils" est une satire sociale voilée mais cruelle. Et les nouvelles les moins réussies, au fond, participent toujours de cette ambiance normande ou parisienne, de cette légèreté, de cette fantaisie pétillante et parfois amère qui fait à Maupassant effleurer tous les sujets, toutes les passions et tous les drames humains sans s'y poser trop longtemps. Si tous les contes étaient aussi bons, il y aurait un problème de rythme, une surchauffe de l'attention. Il faut bien des temps faibles, et Maupassant sait remarquablement les ménager, pour notre plaisir et notre frustration.