Plus encore que Crépuscule, pensum sur-écrit, sous-branlé, je sens que je voudrais parler de son préfacier, Denis Robert.
Je suis depuis un petit moment les émissions de la chaine web du Media, et en particulier les éditos de leur daron, Denis Clearstream Robert himself, et ses imprécations contre le système macronien, ses putains (médias) et maquereaux (Niel, Bolloré, Arnault et toute la clique), je les regarde chroniquant les turpitudes de politiciens qui ne sont, comme disait l'autre, que les avoués de pouvoir du capital, dans une attitude perpétuelle d'indignation constipée, et après tout je me dis que j'aime bien çà, que moi aussi j'aime entendre la litanie des griefs contre ces politiciens vendus, leur impéritie, leur compromission, leur nullité morale, leur dédain fascinant pour toute décence, pour toute humanité, se lamenter ensemble de les voir employant les flics lepinistes pour tabasser les jeunes à casquettes et les gilets jaunes, et comble de l'ignominie gazer les soignants et les pompiers, se dire que Philippe, Castaner et Penicaud, pantins ridicules au passé douteux et à l'avenir incertain, adjoignent la crapulerie politique à l'absence totale de morale personnelle, me dire que cette caste de zéros existentiels n'ont décidément pour eux que leur naissance et leur fréquentation de collèges huppés, enfants bâtards d'une classe moyenne supérieure qui a abdiqué toute prétention à l'humanité et se complait dans un entre-soi aussi complaisant que grotesque.
Alors, oui, c'est bien sûr, tout cela est vrai et plus encore... "ils ne sont pas corrompus, ils sont la corruption". Avec des bons mots comme celui-là Branco a raté sa vocation d'écrivain de manuels d'édification de la jeunesse, le genre qui exaltait patrie et drapeau sous la troisième république. C'est une tentation régressive qui nous attire dans vers ces écueils d'auto-complaisance et je ne blâme personne d'y céder, je le fais tout autant que n'importe quoi, l'indignation est un sentiment bon marché qui n'engage pas à grand-chose dans le fond, on se sent bon à peu de frais.
Mais je me plains quand même un peu... ce bouquin est mal foutu, écrit à la va-vite et plein de ce que Hegel appelait le complexe de la belle-âme, pleins de beaux principes mais la crampe de l'impuissance. Je préfère quand c'est Endeweld, adoubé par le même Fernet Branca, qui parle de ces choses-là, au moins quand il parle de Macron et sa clique ça se lit comme un techno-thriller de seconde zone à la Clancy ou à la Ludlum. C'est trashouille mais satisfaisant comme un épisode de Game of Thrones quand c'était encore bon, il y a des intrigues de cour, des trahisons, de la violence, même si hélas pas beaucoup de sexe, j'imagine que ce serait trop ringard, nos élites n'ont plus la flamboyance de l'ancien régime, ils n'ont que le triste ennui de la bourgeoisie napoléon-troisième...
Mais quand je vois Denis Robert j'ai l'impression de voir un pauvre type qui se noie dans sa propre impuissance, fasciné comme un phalène condamné par la brillance de la lanterne macroniste, sa reluisance dégueulasse, englué dans le piège à mouche de la triste médiocrité des caciques marcheurs, car sans doute n'est-elle qu'humaine trop humaine, les hommes et femmes politiques ayant compris qu'il ne servait plus à rien d'essayer d'être en quelque façon meilleur que soi-même, que rester au niveau de la lamentable bassesse commune suffit aujourd'hui.
"La vérité vous rendra libre"... ah oui?
Depuis combien de temps expose-t-on les dessus crasseux de la démocratie parlementaire? Le cadavre marche toujours, est toujours en marche pourrait-on dire, aujourd'hui plus que jamais. Le peuple lui ne marche plus mais marche encore, ils ne savent pas qu'ils le font mais le font quand même, est-ce à dire que le journalisme est vain? Ou alors que dire la vérité suffira? qu'il suffira d'empiler assez de vérités compromettantes que pour faire trébucher ce géant de papier?
Peut-être est-ce que cette tristesse dans les yeux de Denis Robert et la mélancolie cool du Manu Ferrara chétif sont les aveux de cette impuissance. Que la vérité n'est pas une idée, pas même le début d'une suggestion. Comme disait papy Friot (je paraphrase) "on sait qu'ils vont essayer de nous mettre une douille! Que vous ayez pigé ça ne vous gagnera pas un pins...". Si vous n'avez rien d'autre à proposer, ce n'est pas grave, au fond, être du bon coté du combat, même sans avoir la moindre idée, c'est déjà pas si mal. C'est un peu triste parce que ça vous condamne à une impuissance chagrine, vous ne faites que vivre les cauchemars de votre ennemi.
Peut-être serait-il temps de rêver nos propres rêves, car comme disait Gillou:
"Méfiez-vous du rêve de l'autre, parce que si vous êtes pris dans le rêve de l'autre, vous êtes foutu." (G. Deleuze)