2013 est une fabuleuse année pour Stephen King. Nous gratifiant au début de l'année d'un de ses meilleurs romans : l'épiquo-dramatique "22.11.63" (deux ans après sa sortie américaine, tout de même), le "maître" nous revient en Novembre avec "Docteur Sleep".

Une fois n'est pas coutume, "Docteur Sleep" est une suite. La suite de "Shining", figurant en haut du panier quand on évoque Stephen King. Roman culte mettant en scène une petite famille, qui se verra ravagée par l'hôtel Overlook Palace et l'alcool. Ce dernier est d'ailleurs toujours présent dans ce nouveau roman, prenant même une place plus importante grâce au personnage de Danny.
Si "Shining" marquait l'apogée de l'alcool, son point culminant, "Docteur Sleep" aborde la rédemption, l'après-alcool peut-on dire (d'où les nombreuses citations tirées des Alcooliques Anonymes). L'horreur que peut provoquer l'alcool est visible lors d'une scène particulièrement éprouvante, mettant en scène un petit enfant et de la cocaïne. L'horreur n'est pas frontale, elle suinte par les pores de la pourriture humaine, de ce qu'il y a de plus malsain, de plus ignoble. Ce n'est pas la première fois que Stephen King choisit ce chemin là pour effrayer son public : exit les fantômes et autres créatures, enter la réalité et ses aléas (un procédé qu'on retrouve par exemple dans "Jessie", "Nuit noire, étoiles mortes" ou encore "Le Fléau").

C'est là que survient le premier point négatif à mes yeux : l'apparition de l'irrationnel. Je veux bien comprendre que Le Don et les esprits sont des éléments clés pour écrire une suite à "Shining" (la continuité, la logique) mais j'ai été déçu par le fait, qu'au fil du roman, ils prennent beaucoup de place, éclipsant l'horreur et le dégoût purement rationnel abordé au début du roman. J'en profite aussi pour dénoncer la superficialité de certains personnages, un comble chez King ! Quelques uns ne sont pas assez développés, je suis personnellement resté sur ma faim concernant les parents d'Abra Stone (une figure enfantine très attachante) et le vieux Billy. Stephen King tombe même dans le poussif concernant une révélation à la fin du roman, qui, même si elle reste sympathique et intéressante, n'arrive pas à surprendre totalement le lecteur. On retombe un peu dans les travers de "Cellulaire", c'est dommage.

Mais Stephen King est Stephen King. Et malgré ces quelques défauts, le bonhomme arrive à nous faire vibrer tout au long des 550 pages et même à nous faire frissonner. Je pense, bien sûr, à l'élément perturbateur : le Nœud Vrai. Inventer puis construire cette sorte d'organisation du crime est une idée remarquable. Au lieu d'écrire une suite ne touchant que Danny et ses propres démons, King décide de déplacer le sujet sur une petite fille répondant au nom d'Abra et à ses ennemis : les membres du Nœud Vrai, mené par la sensuelle et terrible Rose O'Hara. Danny reste le personnage principal, mais son point de vue n'est pas unique. King bondit entre ses personnages, leur influençant un très grand attrait et une personnalité attrayante (sauf les trois cités en haut, donc), ce qui permet de donner une certaine largesse au récit, tout en l'aérant (les références à la culture populaire comme "Game Of Thrones"). Les liens avec "Shining" sont toujours présents, on retrouve avec plaisir l'Overlook et la dame de la baignoire au cours d'une scène introductive jouissive et angoissante. King ne retombe jamais dans le redite, préférant avancer plutôt que ressasser le passé.
On passe rapidement du rire à la peur, tout en passant par la tristesse. Une tristesse qui explose à la fin du roman lors d'une retrouvaille touchante et - allez n'ayons pas peur du mot - magnifique. Stephen King démontre encore une fois qu'il n'a plus rien à prouver et qu'il maîtrise chaque genre littéraire. Chapeau l'artiste !

"Docteur Sleep" est donc une très bonne surprise, qui au-delà de l'horreur irrationnelle, aborde des problèmes de société important et non-négligeable (l'alcoolisme, l'enthanasie de façon implicite). Avec une galerie de personnages attachants et humains, une aventure électrique sans temps mort et une morale jamais désagréable (King nous sort de très jolies phrases sur l'Homme), "Docteur Sleep" est à lire d'urgence.

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le 12 janv. 2014

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