Depuis toujours Stephen King crée des monstres qui hantent nos rêves, et en feraient des cauchemars inextricables sans les anges gardiens qui, toujours, veillent.
Dick Halloran fut ce protecteur et initiateur pour le petit Dan de Shining, confronté à l'horreur à travers la plongée dans la folie de son père et les esprits mauvais de l'hôtel Overlook.
Des années plus tard, alors que lui-même a traversé quelques très mauvaises passes, c'est à son tour d'initier et protéger une petite fille détentrice d'un Shining bien plus puissant que le sien même à son apex.
C'est sur ces bases que Stephen King construit, des décennies plus tard, une suite à son roman classique The Shining (dont l'adaptation au grand écran par Kubrick ne m'avait jamais convaincu, malgré un Nicholson époustouflant et quelques scènes cultes, à cause d'une mise en scène froide, d'une actrice insupportable et de coupes dans des passages essentiels du roman ; ce qui, semble-t-il, avait toujours été l'opinion du King lui-même : http://www.lefigaro.fr/cinema/2014/11/06/03002-20141106ARTFIG00114-stephen-king-assassine-the-shining-de-stanley-kubrick.php).
Faire une suite à un tel classique tient bien sûr de la gageure. Et l'entreprise n'aboutit qu'en partie : si le vécu de Dan est plutôt poignant, et la petite Abra (cadabra !) hyper attachante, les méchants sont un peu capillotractés et, s'il est louable pour King de tenter de sortir de son panthéon habituel de créatures surnaturelles, leurs pouvoirs et caractéristiques ne parviennent jamais à vraiment convaincre. Ce que Dan apporte, en tant que Dr Sleep, à ses patients mourants n'est jamais vraiment clair, en tous cas pour moi. Et comme d'habitude, S.K. met des centaines de pages à introduire une situation qu'il résout un peu rapidement sur la fin.
Cependant, on ne peut s'empêcher d'être happé par cette narration. Parce que s'il y a un truc que le Stephen sait faire, c'est bien écrire ! Oui, ça fait 40 ans qu'il nous ressort les mêmes ressorts narratifs, les mêmes techniques d'écriture, les mêmes structures de récit. Si on veut en sortir un tant soi peu il faut se plonger dans son cycle de la Tour Sombre, qui est littéralement sa quête du Graal et où il ose vraiment s'exprimer différemment, et suivre son cœur plutôt que toute considération mercantile.
Néanmoins, ce qu'il fait, il le fait diablement bien. Et on entre dans une histoire de Stephen King comme dans l'Overlook : d'abord, on doit s'approcher sur une route sinueuse, jusqu'à en discerner petit à petit la silhouette, au lointain, dans la brume. Puis force nous est de reconnaître la taille imposante de l'édifice, son architecture à la fois parfaite, originale, un peu inquiétante, comme s'il prenait vie sous nos yeux.
Il nous reste alors à faire le dernier pas et à franchir ses portes. En sachant, bien sûr qu'elles se refermeront sur nous et ne nous laisseront pas ressortir indemnes. Au mieux nous reviendrons de ce séjour vivants et presque indemnes mais changés, plus sages par certains côtés, et par d'autres plus inquiets, plus méfiants de choses apparemment anodines comme les miroirs, les chaudières, les baignoires... Et surtout les choses qui, toujours, dans toutes les histoires, attendent, tapies dans l'ombre, leur moment, LE bon moment, pour sortir de leur cachette et nous dévoiler leur vrai visage, pour la première et dernière fois...
Non, la vie de Dan n'a pas été parfaite. Et ce roman ne l'est pas non plus. Mais je vous convie quand même à partager sa dernière aventure, parce qu'elle vaut d'être vécue, avant de retourner à la poussière qui l'attend, aux côtés de ses sœurs, en bonne place sur l'étagère de notre bibliothèque...
Bonne lecture, donc, et fuyez si un jour votre miroir vous dit
REDRUM