Disons-le directement, Dracula est véritablement un classique de la littérature fantastique. Publié en 1897, ce roman reste l'influence centrale du mythe du vampire dans la culture contemporaine. Pourtant Bram Stoker n'est pas le premier à s'aventurer sur les terres fantomatiques de la bête des Carpates. Alors quels sont les éléments qui font de cette œuvre une référence presque absolue de nos jours ? La réponse se trouve dissimulée dans les quelques 500 pages constituant le roman.
En ouvrant le livre, nos désirs d'être confronté à la fameuse personnalité lugubre du comte sont très vite rassasiés. En effet, l'histoire débute sur l'arrivée du jeune clerc de notaire, Jonathan Harker, en Transylvanie. Celui-ci a été dépêché par Londres pour rencontrer au plus vite Dracula afin de régler une affaire d'acquisition de propriété en Angleterre. Le jeune homme se retrouve rapidement en présence de son étrange hôte qui ne lui inspire pas grandement confiance...
Et c'est ainsi que débute le récit. Très vite, le lecteur est plongé dans l'ambiance glaçante et angoissante de l'univers de Dracula. Cet être énigmatique intrigue, fascine tout comme il provoque la peur ou le dégoût. L'auteur dépeint une bête aux pouvoirs surnaturels capable d'actes barbares comme du plus grand raffinement. Car, le personnage de Dracula apparaît dans le roman très rapidement comme étant une figure complexe, incarnant une forme exacerbée du mal mais aussi une âme en proie à la damnation, et donc, pouvant susciter également la pitié. Cette dichotomie entre l'être craint et l'être supplicié apporte une dimension moins manichéenne à l’œuvre. Néanmoins, la figure de Dracula doit s'appréhender dans un contexte chrétien opposant un homme devenue créature du mal de part son apostasie et une ligue de bons hommes aux services de Dieu dans la lutte contre le mal.
Et c'est là que se trouve toute la complexité du roman. C'est cette lutte entre l'Homme et la bête qui régit l'ensemble de l’œuvre. L'Homme est représenté par un panel de protagonistes tel que le docteur Van Helsing mais aussi dans l'image de l'Angleterre du XIXème siècle. Il est la modernité, il est le le progrès. Et cela s'incarne dans la présence dans le roman de la machine à écrire, du train ou encore des analyses psychiatriques. Quant à la bête, elle est présente dans le personnage de Dracula mais s'ancre également dans la région de Transylvanie encore très asservie par ses superstitions.
L'auteur choisit, par ailleurs, de présenter son œuvre sous une forme épistolaire. Ainsi, l'ensemble du récit est relaté à travers des journaux intimes, des lettres ou encore des articles de presse. Cette présentation offre aux lecteurs l'impression d'être le détective qui relit entre eux les éléments de l'enquête. Cette construction de l'oeuvre permet également de cultiver le suspens car le récit n'est donc pas tout à fait linéaire. En effet, cette diversité de sources apporte différents points de vue à la trame principale. A noter que le seul personnage dont l'avis n'est pas consulté est Dracula. Ainsi Bram Stoker donne une dimension encore plus mystérieuse et inatteignable de la créature.
Pour ma part, j'ai été réellement fascinée par les premiers chapitres qui nous invitent sans concession au cœur du mythe du grand Dracula. La rencontre est atypique, l'ambiance sinistre est au rendez-vous. Pour les plus craintifs, je pense sincèrement que je déconseillerai vivement une lecture tardive car la force de Bram Stoker est l'immersion. J'ai été complètement embarquée en même temps que Jonathan Harker dans les couloirs du château. L'angoisse monte crescendo pour la narrateur tout comme pour le lecteur. La suite est plus déroutante, il faut attendre un certain temps dans le roman pour voir cette tension réapparaître. Mais cette attente est vite récompensée par une fabuleuse bataille sur les terres anglaises qui mêle férocement des thèmes qui nous sont encore contemporains : l'amour, le désir sexuel, la mort et toujours ce combat entre l'Homme et la bête. Bref, j'ai été conquise !
Le Dracula de Bram Stoker est donc une œuvre effrayante qui emmène le lecteur au plus près du combat de l'Homme contre la bête et du modernisme contre le poids des superstitions. Si la construction de l’œuvre de manière épistolaire peut dérouter, elle ne donne qu'encore plus de poids au suspens du récit. Ce sont ces éléments qui régissent le mythe autour de la créature aujourd'hui. Le roman a réellement influencé la production artistique par la suite avec notamment de très nombreuses adaptations au cinéma tel que le Dracula de Francis F. Coppola.