Imaginer un enfant de 10 ans lécher des crachats et se faire sodomiser par son cousin de cinq ans son aîné n’est pas la meilleure chose sur terre, mais Edouard Louis nous révèle la genèse de son identité mutante, l’ampleur de l'homophobie, du harcèlement, les mensonges qu’on se dit pour survivre dans un monde hostile. Le portrait qu’il fait des classes populaires du Nord de la France est bouleversant de justesse, même si on déplore toujours une absence de colère sociale, comme si seule la honte et le silence existait. Eddy Bellegueule a tout effacé de sa personne, son personnage décrit comme suppliant et misérable fait de la peine et suscite la pitié, parfois le bon type de pitié, qui révèle l’injustice subie, parfois celui qui fait reculer. En Finir avec Eddy Bellegueule aurait pu aller à l’usine mais il aurait sans doute choisi de faire des études de théâtre et aurait travaillé au bar d’en face pour payer ses études.