J’espérais un roman de Science-Fiction et en réalité ce livre est un manifeste militaro-fasciste lourdot. Lourdot parce que on y trouve des dizaines de pages de philosophie de comptoir. Heinlein nous parle des vertus l’éducation par la violence en nous démontrant sérieusement que ça fonctionne très bien sur les chiens -sans blague, il a pas froid au yeux cet homme là. On imagine ce que ça donnerait: des kleps. On trouve aussi le communisme expliqué et réfuté par une belle analogie: une tarte à la boue cette fois; j’adore. Sans parler de l’apologie de la peine de mort. Autant il faut reconnaître un certain talent à certains de défendre l’indéfendable, mais là c’est simplement incohérent. Je passe sur le sexisme, et ses descriptions des « femelles » (je cite), après tout c’était l’époque et des écrivains admirables ont fait pire.
Il rejette toute forme d’utopie en ne se rendant pas compte qu’il en propose une autre, la sienne qui est évidente. C’est un monde affligeant de misère intellectuelle, ou toute la philosophie et la morale a été définitivement résolue mathématiquement par des militaires qui ont tout compris. Des hommes parfaits qui discutent avec leur poings, d’une supériorité condescendante sur des civiles qui ne sont que d’hirsutes imbéciles.
En revanche sur la partie Science-Fiction il faut reconnaître que c’est très réussi. Les descriptions sont suffisamment brèves et suggestives pour ne pas freiner l’action. C’est très difficile d’exprimer beaucoup en peu de mot; il le fait très bien, on s’y croirait. Dès le début on est plongé dans une opération, on vit l’action en même temps que Johnnie. On sent que Heinlein s’y connaît et c’est vraiment cool!
Au final je dirais que c’est frustrant, on prend un vrai plaisir à lire les récits d’action mais les moments de philosophie morale sont flagrants d’ignorance. Tellement flagrant que pendant la lecture j’ai cru à une dystopie, une critique subtile du fascisme. Ç’aurait été brillant; ce n’est qu’affligeant. On a l’impression d’avoir à faire à ce genre de personne qui ne connait clairement rien à un sujet mais vous fait sa démonstration. Démonstration qu’il saurait avoir été déjà faite trop souvent par d’autres gros malins qui eux aussi croyaient tout inventer. Heinlein est loin d’être le premier théoricien du militaro-fascisme et sûrement pas le meilleur.
On pourrait me dire que j’insiste trop sur là-dessus et qu’après tout ce n’est qu’un roman de Sciences-Fiction. Je répondrais que la SF n’est pas qu’épique, qu’elle peut aussi bien être philosophique ou politique (1984, Le meilleur des mondes, pour citer les plus connus) et qu’il faut bien constater qu’une bonne majorité du bouquin traite de la morale militaire sauce Heinlein.
Ce qui est rassurant c’est qu’il n’y a rien de beau dans son monde, il est efficace, brutal, simple, trop simple; une utopie dont personne ne voudrait. Au moins Heinlein n’essaie pas de nous faire croire que son monde est humain. D’ailleurs j’apprécie beaucoup cet écrivain qui promeut sincèrement un monde sans beauté, j’ai un faible pour les paradoxes.