Avec ce roman, Jonathan Safran Foer montre brillamment que la littérature peut encore se renouveler de façon étonnante. D’emblée une petite précision, il existe une adaptation cinématographique récente que j’ai délibérément ignorée, car ce qui m’a séduit dans le bouquin tient vraiment de l’originalité littéraire. A mon sens s’il y avait un livre à ne pas adapter c’était bien celui-là. La suite de ma critique devrait vous donner un aperçu du pourquoi.

Oskar Schell le narrateur est un garçon de 9 ans qui a une histoire familiale compliquée et beaucoup de choses en tête. Ainsi, le roman est illustré de photos qui interpellent le lecteur. Oskar passe parfois du coq à l’âne. Le roman comprend des parties rédigées par d’autres membres de la famille Schell. On trouve des pensées du père ainsi que des pages tirées du journal intime de la grand-mère. L’auteur s’amuse beaucoup à rédiger son bouquin. Ainsi, on y découvre des pages issues d’un bloc disponible au public dans une librairie pour essayer des stylos et d’autres pages où de multiples fautes sont entourées en rouge. Non, ce n’est pas le fait d’un précédent lecteur indélicat. L’auteur se montre inventif dans la forme, présentant par exemple des fragments de conversations entendues par Oskar à travers une porte. Ce qu’il entend est à la limite du compréhensible. Le reste est marqué par des blancs.

Oskar a perdu son père dans les attentats du 11 septembre 2001. Le père était dans l’une des tours et a appelé plusieurs fois chez lui avant l’effondrement. Oskar a entendu ces messages en rentrant, car l’école n’a pas accueilli ses élèves ce jour-là. Bouleversé, il n’a pas décroché quand son père a appelé une dernière fois. Depuis, il cherche à comprendre pourquoi son père n’a jamais dit son amour pour sa famille dans ces messages, pourquoi lui n’a pas réussi à décrocher et tout ce que son père avait en tête qu’il n’a jamais pu réaliser.

Oskar est très intelligent et curieux. Il présente à l’occasion une carte de visite où il annonce qu’il est inventeur, entomologiste, épistolier, francophile, pacifiste, consultant en informatique, végétarien, origamiste, percussionniste, astronome, collectionneur de pierres, de papillons et de souvenirs des Beatles, rien que ça. Sa curiosité le pousse à chercher dans les affaires laissées par son père. Dans un vase, il découvre une enveloppe contenant une clé. Sur l’enveloppe, il lit « Black » écrit en rouge. Il va partir à la recherche de la serrure correspondant à la clé, en espérant que le secret de cette énigme lui livrera le fond de la pensée de son père.

Oskar a beaucoup de fantaisie et beaucoup à apprendre. Il reste traumatisé par la disparition tragique de son père. Sa mère et sa grand-mère veillent sur lui. Il suit une psychothérapie qui donne lieu à un hilarant dialogue de sourds, car Oskar n’en veut absolument pas, de cette psychothérapie.

Le roman est truffé d’idées loufoques. Il contient aussi des passages difficiles voire énigmatiques. L’aspect décousu est logique du fait de l’âge du narrateur. C’est à la fois le charme et la limite de cet objet littéraire qui mérite largement la découverte. Le 11 septembre 2001 est bien mieux qu’un prétexte. L’émotion dégagée est palpable. Je pense ainsi aux photos en fin de livre. Impossible de ne pas les remarquer avant d’y arriver. Il s’agit d’une série de photos à faire défiler façon flip-book de façon à reconstituer un mouvement à la manière d’un film d’animation. Cela rappelle les chronophotographies (le terme date des expériences de Jules-Etienne Marey et Eadweard Muybridge en 1878), procédé antérieur au cinéma. Cette série prend tout son sens APRES la lecture.
Electron
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le 17 févr. 2013

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