« Fief », de David Lopez (2017) est un bouquin qui raconte Jonas, ses potes, mais aussi tous les autres. Jonas est un jeune homme que je pourrais facilement qualifier de « banlieusard » ; dénomination qui, à elle seule, éveille à nos conscience des préjugés à n’en plus finir. Jonas lui-même ne s’en défend pas : il ne fait pas grand chose de ses journées et manque cruellement d’ambition. Son exutoire, c’est la boxe, mais là encore, son absence de rigueur et de confiance en lui lui porte préjudice. Dans une société où la « méritocratie » semble au cœur de toute réussite, tu pourrais me répondre que ce garçon n’a que ce qu’il mérite. Et pourtant... Le quotidien de Jonas est servi par une écriture particulièrement personnelle, à la fois imagée et percutante, qui raconte, entre les lignes, la frustration du désœuvrement et la violence d’un déterminisme social tacitement accepté. Et c’est précisément en cela que ce livre est nécessaire ; parce que le travail sur la langue, cette langue orale, argotique parfois, poétique toujours, au discours indirect omniprésent, sublime cette jeunesse d’entre deux. Celle-là même qui, sans habiter tout à fait en ville, n’est pas vraiment de la campagne et qui, lorsqu’elle se confronte à l’extérieur, ne peut que constater l’ampleur de « ce qui l’éloigne des autres ».